Festivals, bébés dans les bras et soupers communautaires. Pendant l’été qui s’en vient, les élus vont montrer qu’ils sont à l’écoute de leurs citoyens en échangeant sourires et poignées de mains dans tous les rassemblements publics possibles. Ces grands moments à la gloire de la démocratie seront immortalisés de quelques clichés officiels et repris dans les journaux du coin. C’est la même chose aux États-Unis où le Président fait campagne autour des stades de baseball et des fêtes de quartier. En marge de ces célébrations, une tradition remise en question par un groupe de médecins: la photo du politicien mordant dans un hot dog.
Le PCRM, le Physicians Commitee for Responsible Medicine a lancé il y a quelques semaines une pétition demandant à la Maison Blanche d’émettre un décret interdisant les photos officielles montrant le Président, sa famille, le vice-président ou les membre de son cabinet en train de manger toute nourriture qui serait mauvaise pour la santé, ce qui inclut les charcuteries, cause de cancer et d’obésité. L’initiative a fait sourciller: on va quand même pas commencer à dire au monde quoi manger. En même temps, un politicien ne peut déjà pas faire n’importe quoi sur une photo officielle. On serait choqués de voir Obama griller une cigarette en souriant à la caméra* alors que la pratique était courante il y a à peine quelques années. Pourquoi ne l’est-on pas quand on le voit consommer des aliments tout aussi dommageables pour la santé, l’environnement et qui tuent des milliards d’êtres sensibles ? Même si la pétition n’a pas recueilli suffisamment de signatures pour être déposée officiellement, la question posée demeure pertinente.
Des chiffres
La consommation de viande rouge et de viande transformée (jambon, bacon, viandes froides et charcuteries) est fortement liée à l’apparition de certains cancers. Ceux qui consomment beaucoup de la viande rouge courent 20% plus de risque de mourir d’un cancer et 27% plus de risque de mourir d’une maladie cardiaque que ceux qui en mangent peu ou pas. La production de viande constitue également un problème environnemental grave, responsable de 18% des émissions de CO2. Réduire sa consommation de viande du cinquième a le même impact environnemental que remplacer sa voiture traditionnelle par une Prius. Et c’est sans parler des vies qu’on fauche pour se nourrir. Au moment où vous lisez ces lignes, seulement au Québec, près de 4 millions de cochons et plus d’un million de bovins attendent d’être tués pour leur viande. Des animaux comme nous, comme nos chiens et chats, que l’on met au monde, qu’on élève dans des conditions misérables et qu’on tue dès qu’ils sont assez dodus, strictement pour en consommer la viande.
L’exemple qui confirme la règle
Les élus doivent donner l’exemple. Leur image est sans doute beaucoup plus influente que toutes les campagnes de sensibilisation que peuvent mettre en place les ministères. Nos choix alimentaires sont des décisions qui ont des conséquences sur l’environnement et la vie d’animaux. Quand on est un politicien, ce qu’on mange peut aussi avoir des conséquences sur la santé des citoyens. C’est un choix éthique. Si les politiciens ne peuvent pas faire n’importe quoi dans le cadre de leurs fonctions, ils ne peuvent pas non plus avaler n’importe quoi. Souhaitons que dans quelques années, la photo de politicien mangeant son hot dog nous paraitra aussi vintage que celle du politicien cigarette au bec…
*Obama a d’ailleurs récemment arrêté de fumer pour donner le bon exemple à ses filles.
On pourrait aussi effacer toute trace de hot-dog, ou de croque monsieur sacrilège et tortionnaire des photos officielles.Pour que l’histoire retienne que nos dirigeants n’ont jamais été omnivores. Mieux, faire comme sur les paquets de cigarettes en France, coller sur les steaks et les tranches de jambon des étiquettes « manger tue », ou mieux, »assassin ». C’est moi, où là ça devient risible ?
Effectivement. On peut aussi ne rien faire et continuer de soigner des cancers plutôt que les prévenir.
Je croyais que la question posée était celle de l’exemplarité. Tu penses sérieusement que d’empêcher Barak de se taper un hot dog sur une photo officielle va faire reculer le cancer ? Non sérieusement ? Et à quelle limite fixes tu cette exemplarité ? Va t’il falloir retoucher tous les films où le héros se tape un steak, ou redessiner tous les albums d’Astérix, pour que l’on puisse y voir Obélix se remplir le ventre de tofu ? Votre légitime assertion végétarienne, n’est elle pas en train de quitter la rationnalité, pour ne devenir qu’une réaction épidermique à tout ce qui touche le sujet de la viande ?
Je vous renvoie la question : accepterait-on sans broncher de voir le Président (ou n’importe quel élu sensé veiller au bien-être de la population) griller une cigarette en souriant à la caméra ? Sans doute pas. On dirait, à raison « vous nous dites que fumer tue et regardez-vous aller! ». C’est d’ailleurs pour donner l’exemple qu’Obama a arrêter de fumer. Chacun est libre de faire ce qu’il veut dans sa vie privée, mais de nombreuses personnalités publiques et influentes choisissent de se garder une petite gêne devant les caméras. Ce que le PCRM propose, c’est qu’il en soit de même pour le fast food. Maintenant qu’on en connait les conséquences, on ne peut plus en consommer innocemment. On peut très bien reconnaître que cette proposition est pleine de bon sens sans tomber dans de ridicules dérives.
OK, là je vous l’accorde, sous cet angle, c’est peut-être bien justifié. Mais la dérive « ridicule » certes, est déjà arrivé jusqu’en France, où l’on a demandé de supprimer de la voie publique, les affiches d’un biopic sur Gainsbourg, parce qu’il y était représenté avec une cigarette. Et comme chacun le sait, Gainsbourg n’a jamais fumé, ni bu.Toute la France s’est marrée, mais cet interdit grotesque lui, est allé à son terme. Le problème de ce genre de position (sous certains aspects tout à fait honorable) et d’ouvrir la voie à une dynamique perverse d’interdits succéssifs. C’est ce que nous subissons en France depuis de nombreuses années maintenant. Ne trouves tu pas que le Quebec a sa dose d’interdits en ce moment ?
En gros, vous dites « évitons d’agir parce que de tout côtés, ça peut déraper ». Moi, je vous ramène justement à l’essentiel de l’article : on ne parle pas de rendre la viande ou sa représentation illégale. On demande aux politiques d’être photographiés en mangeant n’importe quoi. On cherche, par cette mesure, à rappeler que manger n’est pas un geste banal et sans conséquence. Et je pense justement qu’il faut agir au point de vue symbolique pour contribuer à faire évoluer les mentalités.
Ça me fait penser à tous ces élus qui choisissent aujourd’hui des voitures hybrides pour des raisons écolos. On pourrait même en venir à rendre ce choix obligatoire. Est-ce que quelqu’un s’en plaindrait ? Est-ce qu’on dirait qu’il y a suffisamment d’interdits et qu’on ne doit pas en ajouter ? Non, on dirait sans doute qu’il s’agit d’une bonne façon de montrer l’exemple. Pourquoi ce serait différent pour la viande ?
Oui, je suis d’accord avec vous sur le fond, dans l’ensemble c’est vrai que nous mangeons de la « merde ». Je ne suis certainement pas objectif, parce qu’en France, ça ne risque pas de déraper, ça a déjà dérapé et dans les grandes lignes. Tout concourt à nous pousser dans les bras du politiquement correct et de l’hygiénisme. La malbouffe pose un sérieux problème de santé publique, c’est vrai. Mais on s’aperçoit aussi que l’image de la nourriture est devenue catastrophique pour certaines gamines, et que cette vision conjointe de la bouffe qui rend obèse et des canons de beauté stupides que l’on nous vend à longueur de publicité, fabrique des anoréxiques. Je ne veux pas dire par là que ce sera le cas de votre position, mais simplement que toute image ayant un impact symbolique considérable, il n’est pas impossible que cela génère des effets secondaires que vous ne souhaiteriez pas, comme des interdits de plus en plus nombreux, et comme vous le dites c’est à chacun de décider. Mais les gamines anoréxiques (l’exemple est extrème j’en conviens) décident elles encore réellement ? Où s’arrête la proposition et où commence l’interdit ? Où s’arrête la bonne intention, et où commencent la culpabilisation, et l’influence psychologique.
Franchement qu’ils mangent ce qu’ils veulent, ces photos vintage de politiciens qui fument ont au moins le bénéfice d’avoir l’air honnête, ou candide…. Écoeuré du bien pensé absolu.
Castro par ce geste montrait qu’il bouffait l’Amérique et cela dans un sens politique…évidemment!