BloguesÉlise Desaulniers

Urgence climatique : et la viande?

Une version modifiée de cet article est parue dans la rubrique Libre Opinion du Devoir du 9 octobre 2013

 

 

« Le péril climatique s’accentue », « il est minuit moins cinq » et « il y a urgence d’agir » : on juxtapose les mises en garde en pointant du doigt le laxisme des politiques publiques.

L’inaction des gouvernements en matière de lutte aux changements climatiques est honteuse. Mais j’ai tout de même été surprise de constater que, de tous les articles publiés ces jours-ci autour du récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), pratiquement aucun ne mentionnait l’enjeu de l’alimentation. Pourtant, chacun d’entre nous a la possibilité d’agir concrètement contre les changements climatiques. Certes, on peut prendre le vélo pour aller travailler, mais on peut surtout réduire drastiquement sa consommation de protéines animales.

En utilisant les mêmes méthodes de calcul que le GIEC, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture évalue les émissions liées à l’élevage à 7,1 gigatonnes d’équivalent de CO2 par année, soit 14,5 % des émissions anthropogéniques (contre 13 % pour l’ensemble des transports individuels et collectifs). Rien de nouveau là-dedans. Le lien entre la production animale et le réchauffement climatique est établi depuis plusieurs années et si rien n’est fait, le pire est encore à venir. On prévoit en effet qu’avec l’augmentation de la population, la demande pour la viande et les produits laitiers devrait connaître une hausse de 70 % d’ici le milieu du siècle.

Changer nos habitudes alimentaires est probablement le moyen individuel le plus simple et efficace que nous ayons pour diminuer nos émissions de CO2. On parle souvent d’acheter local pour des raisons environnementales. Pourtant, le transport ne compte que pour 11 % des émissions liées à la production de nos aliments. C’est plutôt le type d’aliment et la façon dont il est produit qui a une incidence sur l’empreinte écologique de nos assiettes.

Être végétalien une journée par semaine aurait plus d’impact qu’acheter local tout le temps (et il n’est évidemment pas interdit de faire les deux!). C’est une réalité encore méconnue : produire un kilo de bœuf ou de fromage génère respectivement 27 et 13,5 kilos de CO2. En comparaison, produire des alternatives végétales comme le tofu ou les lentilles n’émettra que deux kilos et 0,9 kilo de CO2.

Concrètement, cela signifie qu’un simple changement dans nos habitudes alimentaires pourrait avoir des effets plus importants sur le réchauffement climatique que toutes les initiatives coûteuses qu’on essaie de mettre en place depuis des années. Une équipe de l’Université de Lancaster a publié l’an dernier une étude montrant qu’une transition des Britanniques vers une alimentation végétarienne ou végétalienne réduirait de 22 à 26 % leurs émissions de GES. Ce n’est pas rien !

On le sait, nous sommes rétifs aux changements, et tout particulièrement lorsque cela concerne notre assiette. Pourtant, manger de façon responsable en intégrant de plus en plus de repas végétaliens est beaucoup plus facile et agréable qu’il n’y parait. Nous n’avons pas besoin d’attendre que nos gouvernements sortent de leur inertie pour bouger, on peut le faire dès maintenant. C’est peut-être notre seule chance.