Encore. Encore une vidéo tournée en caméra cachée. Encore des images qui bouleversent. Encore des gestes inacceptables. Des travailleurs qui donnent des coups de pied et de poing aux vaches, qui les frappent avec des barres métalliques et des râteaux, qui appuient sur leurs plaies. Des animaux blessés laissés sans soins vétérinaires, d’autres attachés par le cou et tirés avec un tracteur.
La vidéo a été tournée dans une ferme laitière de Colombie-Britannique, il y a quelques semaines à peine. Pas dans une petite ferme perdue dans un no man’s land. Mais à Chilliwack Cattle, un des plus gros élevages au Canada. La BC SPCA a fait enquête et a recommandé que des accusations criminelles soient portées contre les huit employés identifiés dans la vidéo.
De leur côté, les propriétaires de la ferme pour qui « le bien-être animal est une priorité » affirment être dévastés : « les faits allégués ne reflètent en aucune manière les normes de bien-être animal pratiquées par notre famille ou par l’industrie laitière. Comme une famille d’agriculteurs, nous sommes engagés à fournir les meilleurs soins pour nos animaux et avoir une tolérance zéro pour la maltraitance des animaux. »
Encore. Encore la même stratégie de communication : le cas est isolé, tout est de la faute de quelques employés. Pourtant, pour le Dr James Reynolds, du Collège de médecine vétérinaire de Western University, les blessures des vaches auraient dû alerter les patrons : «Le fait que de nombreux animaux aient de sérieuses et douloureuses conditions médicales chroniques signifie que ces problèmes ont existé pour une période de temps considérable. La direction a manqué à ses obligations de fournir des soins médicaux aux animaux souffrants.»
Faut-il le rappeler? Le traitement des animaux qu’on exploite n’est pas la seule responsabilité d’une poignée d’employés. C’est toute l’industrie, voire toute la société qui en est cause. Nous sommes tous responsables, collectivement, des vaches de Chilliwack Cattle.
Le nécessaire et le normal, c’est l’industrie qui le détermine.
Tout est en place pour que de tels gestes se produisent et se reproduisent. La loi criminalise le fait de causer volontairement une douleur, souffrance ou blessure sans nécessité aux animaux, mais pour le reste, c’est à l’industrie de déterminer ce qui est nécessaire. On a ici, sans doute, un cas extrême, mais comment savoir s’il est unique ? Et qu’en est-il des autres fermes où la violence faite aux animaux ne serait qu’un peu moins visible ?
En Suisse, la loi réglemente de façon détaillée les conditions d’élevage des vaches : éclairage, sol, alimentation, etc. Elle interdit des pratiques qui sont courantes au Canada comme la coupe des queues et exige au moins 90 jours de sortie par année.
Chez nous, les codes de pratique sont déterminés par l’industrie. Le nécessaire, le normal, c’est l’industrie qui le détermine. On ne laisserait évidemment pas l’industrie automobile choisir elle-même les normes de sécurité routière ou l’industrie du pétrole fixer ses propres limites d’émissions de GES. Pourtant, comme s’il n’y avait pas un conflit d’intérêt évident, on laisse l’industrie laitière définir ce qui est acceptable pour les animaux.
Les Producteurs laitiers du Canada ont publié en 2009 un Code de pratique pour le soin des bovins laitiers. On recommande évidemment d’« éviter les comportements que les bovins trouvent rebutants (p. ex. frapper, crier, tordre la queue, utiliser un aiguillon électrique et donner des coups de pied) » et de « s’assurer que les travailleurs comprennent les principes comportementaux de la manutention des animaux et qu’ils réalisent de quelle manière leur attitude et leurs comportements influencent le bien-être et la productivité des bovins laitiers. » Mais dans les faits, il ne s’agit que de recommandations. Respecter le code est une démarche volontaire. Aucun inspecteur ne s’assure qu’il est respecté, aucune sanction n’a jamais frappé les fermes qui ne le suivraient pas.
Plus de souffrance dans un verre de lait que dans un steak
Dans Vache à lait, je citais le juriste Gary Francione, figure de proue du mouvement pour l’abolition de l’exploitation des animaux : « Il y a probablement plus de souffrance dans un verre de lait ou dans un cornet de crème glacée que dans un steak. » Malheureusement, les images tournées par MFA Canada ne viennent que s’ajouter à tout ce qu’on savait déjà pour lui donner raison.
Mais au-delà des gestes de cruauté rapportés dont témoigne cette vidéo, il faut savoir que la vie des vaches laitières n’est qu’une suite d’insémination, de grossesses et de mises bas. À chaque naissance, le veau leur est enlevé. Si c’est un mâle, il sera engraissé pour devenir de la viande. Les femelles deviendront quant à elles aussi des vaches laitières. Ni les uns ni les autres ne boiront le lait de leur mère puisqu’il est destiné à la consommation humaine.
Il faut aussi savoir que la génétique est telle que les vaches vont produire 27 kg de lait par jour – elles en produiraient 7 dans des conditions « naturelles ». Les inflammations au pis et les boiteries font partie de leur quotidien. Après quatre ou cinq ans, quand leur productivité diminue, les vaches prennent le chemin de l’abattoir pour devenir de la viande hachée.
L’industrie peut-elle s’auto-réguler?
Comment faire pour changer ça ? On peut bien entendu boycotter l’industrie laitière au complet. Nous sommes de plus en plus nombreux à le faire et c’est un geste qu’on peut tous poser dès maintenant. Les alternatives au lait de vache sont facilement accessibles. Mais en même temps, il faut continuer de se mobiliser pour dire que la législation actuelle est largement insuffisante. Si l’industrie est aussi sensible au bien-être animal qu’elle l’affirme, elle devrait reconnaître qu’elle est incapable de s’auto-réguler.
De combien de vidéos de MFA Canada aurons-nous encore besoin pour que l’adhésion à des normes sévères, établies de concert avec les groupes de défense des animaux, soit obligatoire? De combien d’images inacceptables aurons-nous encore besoin pour qu’il y ait des visites d’inspecteurs indépendants et que les propriétaires soient tenus criminellement responsables des cas de maltraitance au même titre que leurs employés ?
Pour plus d’information : MFA Canada
Que faire pour que cette maltraitance en finisse? Devenir végane. Tant que nous consommerons des produits d’animaux ou que nous inviterons les gens à « Manger moins de viande » au lieu de les inviter à considérer le véganisme, cette maltraitance des animaux non-humains se perpétuera. Ces horreurs, et on le sait, ont lieu dans les petites fermes dites « éthiques » et les cours des voisins. La maltraitance de tous les animaux non-humains, et non seulement des vaches laitières, est omniprésente et tant qu’ils seront utilisés à nos fins comme « nourriture », « vêtements » ou « compagnons », nous continuerons à être scandaliséEs tout en continuant de maintenir la demande pour leurs « produits ». Devenir végane est la seule option, qu’attendons-nous.
« Devenir vegane est la seule option » Mmm Mmm.
Et pour les accidents de velo : la seule solution serait d’abolir les velo ou les rues ou les camions ? Les trottoirs aussi.
Votre ideologie morale vous aveugle.
Cette situation n’est pas due au manque d’encadrement législatif en tout cas.. Lisez l’article 445.1 du Code criminel, c’est large comme champ d’application :
445.1 (1) Commet une infraction quiconque, selon le cas :
a) volontairement cause ou, s’il en est le propriétaire, volontairement permet que soit causée à un animal ou un oiseau une douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité;
Le problème est dans l’interprétation du sans nécessité.
Il faut être en mesure de prouver que la douleur, souffrance, ou blessure infligée à l’animale est non nécessaire. Quoique vieille et donc possiblement désuète, la jurisprudence sur cette question semble indiquer que lorsque la pratique en question fait partie des opérations standards de l’industrie, celle-ci n’est pas sans nécessité. En d’autres mots, la loi permet aux producteurs de déterminer eux-mêmes ce qui est une pratique acceptable et c’est ce que je tente de dénoncer ici.
« Il y a probablement plus de souffrance dans un verre de lait ou dans un cornet de crème glacée que dans un steak. » Phrase-choc, s’il en est une. Bien sur, Mr Francione est un jusqu’au-bout-iste.
– – – – –
OK. Quantifions la souffrance. Je suppose qu’il n’y a pas de pondération pour la souffrance animale versus humaine (les deux sont égales puisque l’humain est un animal ?)
Donc, si on poursuit la logique : pour vivre une vie vraiment morale, il faut prendre en compte le degré de souffrance contenue dans nos univers.
Plus de souffrance dans un steak ou dans un iPhone ?
Plus de souffrances dans un iPhone ou dans une chemise ?
Quel est le niveau de souffrance inclus dans un livre, une route, un serveur, le cloud ?
Y-a-t-il de la soufrance necessaire ? Utile ? Dans quelles conditions ?
Un vegan (donc tres sensible a la souffrance) sera-t-il pret, le cas échéant, a renier son iPhone ? Pas facile.
– – – – – –
La maltraitance des animaux est inadmissible et je vous encourage a poursuivre votre croisade.
Cependant, pour ce qui est de la philosophie morale, j’aime mieux les curés, finalement.
Aucun de vos arguments ne justifient les exploiter et les tuer pour les manger en absence de nécessité. Ce n’est pas de la morale mais de la logique.
Diane ecrit “Ce n’est pas de la morale mais de la logique” :
Je reponds : « selon votre logique morale. »
Ainsi,la morale definit “ce qu’il faut faire” ; “comment agir”.
Or, les preceptes moraux sont variables pour chaque societe, et changent avec le temps.
Dans le cas du veganisme, la doctrine de base ?est? : ne pas faire souffrir les animaux, jamais (parce qu’ils ressentent la douleur). Soit. Ce qui m’apparait etre une croyance personnelle tout a fait respectable.
Vous avez des convictions profondes qui guide vos actions. Tant mieux pour vous.
De mon cote, selon ma morale actuelle, je considere qu’il peut etre necessaire de tuer des animaux pour les manger. Libre a vous de penser autrement.
Mais je ne me drape pas dans le manteau de la Verite absolue immuable.
Donc,
mangeons moins de proteines animales.
Minimisons la souffrance animale en appliquant une reglementation serieuse.
Mais, oui, le veganisme EST une philosophie morale
et, non, ce n’est pas la SEULE solution a la maltraitance animale.
(Il n’est pas « necessaire » d’etre « jusqu’au-bout-iste ». Sauf quand il est devenu un imperatif moral personnel.)
Bonjour Gérard,
Je suis actuellement en plein questionnement sur ces questions, je n’ai pas encore de conviction, juste un sentiment…
Selon votre morale actuelle, vous considérez qu’il peut être nécessaire de tuer des animaux pour les manger.
La nécessité n’est pas une question morale, mais pragmatique. Soit comme le disent les vegan, nous n’avons pas besoin, il n’est pas nécessaire de manger des animaux, soit c’est nécessaire. Et la c’est davantage une question scientifique que morale. Même si cela est nécessaire pour le plaisir gustatif par exemple.
Je ne veux pas chipoter, ce débat souffre trop d’idéologie à trois francs six sous, pourriez vous juste me dire en quoi cela est nécessaire selon vous ?
Ce qu’il faut pour au moins freiner ça: plus d’élevages laitiers gigantesques, une législation plus sévère touchant le porte feuille – amendes lourdes-, un contrôle resserré -caméras obligatoires (c’est pas cher) et visionnées par des contrôleurs des services vétérinaires et surtout une réelle préoccupation du bien-être animal ce qui manque à l’évidence partout puisque ce souci n’émane quasiment que des associations. Même la justice n’est pas si répressive envers les tortionnaires voire pas du tout : élevages intensifs des lapins, poules, zoos, centres d’élevage de chiots, haras.. Sans compter les 5 écoles de tauromachie en France subventionnées, les corridas et en Espagne le sort réservé aux pauvres galgos. Tout le monde sait et on fait rien..Une honte à tous les niveaux..qui démontre bien notre très faible évolution ou notre dégénéressence plutôt. Mais ce qu’on fait aux animaux on fait aux gens et ça va se retourner contre nous..ça a déjà commencé d’ailleurs.. Mais ça, c’est notre affaire.. Les animaux, il faut les protéger, c’est tout.