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Un enfant de 5 ans aurait pu le faire

Un tableau abstrait. Un spectateur perplexe. Une phrase assassine.

« Un enfant de 5 ans aurait pu faire ça. »

J’ai toujours du mal à réprimer un soupir quand j’entends cette phrase.

Malgré tout, je comprends. L’art, dans son inaccessibilité, est parfois difficile à appréhender. Mais affirmer d’emblée que c’est mauvais parce qu’on ne comprend pas, parce qu’on est incertain face à ce qu’on a devant les yeux… Non, ce ne sont pas simplement des taches, des traits de pinceaux, des détails difformes sur un canevas quelconque. Il s’agit plutôt d’une histoire, d’un parcours, d’une émotion, d’un message à transmettre.

Même son de cloche du côté de la danse contemporaine. Quand j’affirme avoir un penchant pour la danse contemporaine, on me toise comme si j’avais avoué me passionner pour les animaux empaillés ou les attaches à pain. (Ceci dit, je n’ai rien contre les collectionneurs d’attaches à pain.) La danse contemporaine ne se résume pas à quelques interprètes qui se garrochent aléatoirement sur une scène. Il n’y a qu’à écouter les danseurs parler de leur parcours pour le comprendre. Car non, Louise Lecavalier n’a pas décidé du jour au lendemain de vriller dans les airs par pur désœuvrement. Ses vrilles et autres pirouettes, très caractéristiques de son cheminement, sont le fruit d’un travail acharné comme danseuse chez La La La Human Steps, puis comme interprète au sein de sa propre compagnie.

(D’ailleurs, je vous suggère fortement d’aller voir son spectacle Children et A Few Minutes of Lock en tournée cet hiver dans quelques villes québécoises. À couper le souffle!)

Force est de constater qu’une perception négative, qu’il s’agisse d’art ou d’autre chose, a souvent pour corollaire une méconnaissance du sujet, une crainte. D’où l’importance grandissante d’user de médiateurs culturels dans les entreprises vouées aux arts.

Médiation culturelle et accessibilité, deux sujets passionnants dont je ne me lasserai probablement jamais de parler autour d’un café (et/ou d’un carré de chocolat)!

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Il y a quelque temps, je lisais une entrevue accordée par Rhéal Olivier Lanthier, un des directeurs de la galerie montréalaise Art Mûr. Le galeriste y comparait l’art actuel au fromage et au vin. Chez certains, le goût du vin ou du fromage se développe avec le temps, en apprenant graduellement à les apprécier à leur juste valeur. Rhéal Olivier Lanthier soulignait  qu’il est difficile d’aimer le fromage bleu si on est habitué au cheddar de l’épicerie du coin. Dans le même ordre d’idées, la personne habituée aux paysages bucoliques aura certainement du mal à s’y retrouver en regardant une toile complètement abstraite. Exit les points de repère usuels.

Et si le galeriste disait vrai, si c’était avec l’usage que le goût de l’art se développait?

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Portrait d’Émilie au sac à main et aux grosses boucles d’oreilles colorées par une Sophia que j’ai côtoyée (et qui avait 5 ans à l’époque).

Parce que ça, c’est fait par un enfant de 5 ans.