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1984 : vibrant retour vers le futur

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Crédit : Stéphane Bourgeois

En général, lorsqu’on sort d’une pièce de théâtre, on aime analyser la structure du texte, la performance des acteurs, et parfois, lorsqu’on est chanceux, mettre le doigt sur un procédé spectaculaire bien placé pour souligner son apport au spectacle. En sortant de 1984, présenté au Théâtre du Trident, on ne peut qu’être médusé par les multiples niveaux de réalité : les mises en abyme sont infinies, comme deux miroirs placés face à face. En effet, il y a autant de conclusions à tirer de la mise en scène d’Édith Patenaude qu’il y a de couches de sens qui se superposent à chaque réplique du texte. Rien ne semble avoir été laissé au hasard, et pourtant le spectre des interprétations possibles de l’univers de George Orwell est encore plus grand sur scène qu’entre les pages du livre.

Sur les planches, c’est sans surprise qu’on retrouve un gigantesque écran panoramique, représentant le mythique télécran « du futur ». Un écran d’où on ne pourra que très difficilement s’arracher tout au long de la performance exceptionnelle d’Éliot Laprise, responsable de la manipulation de l’omniprésente et unique caméra qui retransmet les images en direct. Les regards dansent entre les acteurs sur scène et les plans cinématographiques, qui s’enchaînent à merveille sans que rien ne vienne interrompre le fil des pensées de Winston Smith, protagoniste stoïque de son époque totalitaire, campé avec justesse par Maxime Gaudette. C’est d’ailleurs un tour de force que réalise Édith Patenaude, appuyée de l’audacieuse adaptation de Robert Icke et Duncan Macmillan, alors que se matérialise littéralement sur scène l’intérieur de la tête du héros d’Orwell. Tout est crédible et rien ne l’est à la fois : à l’instar de Winston, on ne sait qui croire dans la ribambelle des voix qui s’élèvent et des visages qui se superposent.

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Crédit : Stéphane Bourgeois

S’il est vrai que le défi de mise en scène d’une œuvre colossale telle que 1984 est vertigineux, l’équipe de conception s’en sort à merveille. Dès que les lumières se rallument, on tente de repasser la pièce dans notre tête encore et encore, à la recherche d’une réplique ou d’un indice, afin de décoder le punch final qui nous fait tomber en bas de notre siège. Les images et les répliques sont dès lors des échos en rafale qui nous reviennent en tête, dès que le cellulaires se rallument. Big Brother nous surveille. Big Brother, c’est un peu nous.

À l’affiche du Théâtre du Trident
Du 3 au 28 novembre