Quills : Plus catholique que le pape
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Quills : Plus catholique que le pape

Photo : Stéphane Bourgeois
Photo : Stéphane Bourgeois

À l’époque de la France de Napoléon 1er, le célèbre Marquis de Sade est interné à l’asile de Charenton, où l’abbé de Coulmier se voit attribuée la tâche de redresser le comportement vulgaire et blasphématoire du légendaire auteur. Évidemment, il ne sera pas si facile de faire taire l’excentrique personnage, et ce, jusqu’à son dernier souffle.

Le texte magnifique de Doug Wright, arrive à consécutivement humaniser, puis déshumaniser le personnage légendaire qu’était le Marquis de Sade, et ce, avec une précision et une subtilité troublante. À travers les répliques de ses personnages à la fois sombre et pétillants, Wright pose d’importantes questions morales qui remettent en question notre côté manichéen. La morale qui, justement, semble manquer à tous les personnages du récit, à l’exception du Marquis de Sade, qui apparaît le plus sympathique et équilibré de l’institut psychiatrique. L’interprétation de l’abbé de Coulmier (Jean-Pierre Cloutier) et du Marquis (Robert Lepage) est impeccable et charismatique, tout au long de la descente aux enfers de ces protagonistes plus grands que nature.

L’espace des histoires

Le décor et l’esthétique sont tels qu’on pouvait attendre d’une production d’Ex Machina et du Trident : un dispositif scénique efficace, faits de miroirs, d’une plate-forme pivotante et de jeux d’éclairages ingénieux, où la magie est davantage mécanique que technologique. En plus de donner à voir plusieurs superpositions d’images poétiques et d’habiles jeux d’illusions d’optique, la structure miroitante arrive à faire apparaître rapidement les nombreux espaces dramatiques requis par le texte. À la fois austère et chaleureux, l’asile dans lequel sont enfermés les personnages de Quills se retourne sur lui-même, tant et si bien qu’on finit par s’y perdre, suspendus aux mots de Sade qui s’impriment littéralement sur la scène.

La traduction de Jean-Pierre Cloutier rend fidèlement, avec beaucoup d’humour, l’irrévérence de la légende de Sade et de ses histoires célèbres. Âmes sensibles s’abstenir, le spectacle est raisonnablement classé 16 ans et plus. Disons que les mesures disciplinaires de l’époque, quoique bien stylisées par la mise en scène, restent relativement difficiles à regarder.

La mise en scène conjointe de Cloutier et Lepage restera assurément un coup de cœur et un souvenir indélébile de la saison théâtrale hivernale, qui commence en lion sur les planches du Trident.

Quills
Théâtre du Trident

Du 12 janvier au 6 février 2016