Las Ideas : Mise en abyme absolue
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Las Ideas : Mise en abyme absolue

Il est parfois difficile de décrire un spectacle. Difficile d’expliquer ce qu’on vient de voir, de vivre. Il y a ce genre de spectacle qu’on applaudit machinalement, sourire aux lèvres, le regard encore plein de questions. Las Ideas se classe dans cette catégorie. À la fois absurde et cérébral, complexe et simple, cet anti-théâtre nous amène dans l’envers du décor, en plein de cœur de la tempête d’idées qui précède le spectacle.

La représentation n’est pas particulièrement spectaculaire. Plutôt statiques, les deux acteurs se font face, de part et d’autre d’une table de ping-pong, discutant de vidéos étranges en fumant un joint…mais est-ce un vrai joint? Qu’est-ce que le public en pensera? Devrait-on utiliser un faux, si oui, comment fait-on pour le rendre crédible? Que fait-on avec le texte? On l’écrit ou on l’improvise? À la fois en représentation et en préparation dudit spectacle en cours, les protagonistes sèment constamment le doute et la confusion, effaçant chaque fois la ligne qui sépare le vrai du faux. Un échange troublant qui semble tourner en rond, sans vraiment jamais se répéter.

Photo : Ignacio Iasparra

Tout en brassant leurs idées, les personnages filment leur discussion en direct, afin de s’en servir plus tard, pour créer. La caméra, braquée sur eux, fait partie intégrante de la mise en abyme infinie proposée par l’auteur, metteur en scène et acteur Frederico León. Le minimaliste décor met aussi en scène quelques airs de piano, une conversation téléphonique mouvementée ainsi qu’une retransmission en direct de l’écran de l’ordinateur des créateurs, qui happe le regard du public pendant les quelques 70 minutes que dure le spectacle…jusqu’à ce que « l’accident » advienne et mette fin à la représentation.

Photo : Bea Borgers
Photo : Bea Borgers

Las Ideas, c’est une analyse intellectualisée de la représentation théâtrale, qui, au passage, rigole doucement des multiples conventions qui la constitue. Un spectacle sans grande vague, qu’on apprécie pour son audace et sa manière de se remettre en question, comme on en voit trop peu souvent. Un objet théâtral déroutant, qui risque de diviser la critique.

Las Ideas (Buenos Aires)
7. 8. 9 juin 
Caserne Dalhousie