Martin Kusch et Marie-Claude Poulin mêlent le mouvement et la technologie dans des œuvres interactives qui s'offrent généralement à des groupes de spectateurs restreints. On entre à un maximum de 30 personnes dans l'installation présentée à l'Agora jusqu'à samedi. Ces deux créateurs audacieux ont même poussé le concept jusqu'à offrir un « spectacle » pour un spectateur à la fois avec entre-deux, dont Danse-Cité nous avait gratifiés à l'Usine C en 2007.
Dans le contexte économique plutôt sombre pour les arts de la scène, j'ai demandé à Martin Kusch s'ils se posaient la question de la rentabilité de leurs œuvres au moment de la création. Voici ce qu'il m'a répondu :
« Comme on fait un vrai mixe des langages technologiques et gestuels, on n'est jamais passé par l'étude du mouvement en digital et notre recherche coûte cher. Jusqu'à présent, on a été préoccupé par l'innovation, pas par la dimension grand public de nos œuvres. Notre travail a d'ailleurs beaucoup d'écho chez les autres artistes : il leur amène d'autres façons de travailler. De ce point de vue, on se considère comme des chercheurs. Mais maintenant, on travaille depuis 9 ou 10 ans, on commence à maîtriser notre langage et on se sent plus capable de revenir vers des spectacles plus traditionnels. » À ce titre, passage, la création présentée à l'Agora, se déroule de 18 h à 21 h et peut accueillir chaque soir quelque 150 à 200 personnes. Également hybride entre l'installation et la performance, Recombinant le corps techn(o)rganique constituait aussi une bonne option pour les producteurs car il permettait à une moyenne de 125 spectateurs de partager l'espace avec les performeurs.
Pourtant, entre-deux continue de faire des émules à travers le monde, intéressant des producteurs saisis par le caractère novateur de l'œuvre et par les questions qu'elle soulève.
« On est impressionné par les invitations qu'on reçoit pour entre-deux, poursuit Martin Kusch. Par exemple, à Impact, on a fait 10 heures par jour à raison de quatre spectateurs par heure. Ça coûte cher! Un jour, 40 spectateurs, 5 jours, 125 spectateurs… Il faut vraiment avoir un producteur passionné parce qu'on a un rapport avec le public très intime. C'est précieux pour nous parce qu'il y a un vrai échange entre les artistes et le public mais ce n'est pas facile de convaincre les producteurs même s'ils aiment le concept et trouvent qu'on ouvre vraiment une nouvelle voie. Cela dit, c'est un projet très exigent pour nous qu'on pensait faire une seule fois et c'est quasiment celui qui tourne le plus. On va le présenter à Tunis en mai dans des containers en face du théâtre municipal. On est très curieux de voir comment les musulmans vont réagir. Après, on ira à Athènes et peut-être au Maroc. »
Photo 1: une création visuelle de l'artiste médiatique Martin Kusch
Photo 2: Le théâtre devant lequel sera présenté entre-deux à l'occasion des prochaines Rencontres chorégraphiques de Carthage