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Le FTA en gang

Si les festivals prennent toujours l'allure de marathons, le FTA de cette année est particulièrement haletant pour moi. D'abord, parce qu'il a commencé par un aller-retour à Ottawa pour faire la critique de Körper avant que la pièce ne soit présentée à Montréal. Ensuite, parce que j'accompagne les parcours culturels d'étudiants du secondaire du jeudi après-midi au dimanche soir (sur la photo, en visite au Monument-National). Toute une expérience qui me donne une perspective inhabituelle sur le festival et sur les œuvres qui y sont données. Et qui explique aussi que je ne vous aie pas abreuvés de conseils et d'impressions sur la programmation en danse. Il faut dire que ce billet récapitulatif et mes articles dans le journal donnent déjà de bonnes indications et que je n'ai eu aucun motif de vous mettre en garde car tout ce que j'ai vu à ce jour méritait le détour.

La perspective inhabituelle, donc, c'est de voir aussi du théâtre, des films, d'assister à des ateliers donnés par les artistes du festival et d'entendre les réactions et questionnements d'ados âgés de 14 à 18 ans. L'expérience m'a donné la preuve, s'il m'en fallait une, que le travail de médiation artistique auprès des jeunes est aussi profitable que nécessaire. Car j'ai vu, en l'espace de trois jours, les esprits et les yeux s'ouvrir plus grand sous l'effet des rencontres avec les œuvres et avec les artistes, et des discussions qui s'ensuivaient avec les profs. J'ai pu constater aussi à quel point le simple fait de donner des clés de lecture avant une représentation ouvre les perspectives sur une œuvre et en facilite la réception, exacerbant du même coup le goût pour l'art.

Côté danse, Yasmeen Godder et Sasha Waltz semblent avoir fait l'unanimité chez les jeunes. Si elles ont toutes deux étonné, globalement, la première a choqué, la seconde a ému. Les questions du sens et de l'intérêt d'une œuvre non narrative ont stimulé la réflexion et les échanges, de même que celles de la représentation du corps, de la nudité sur scène et des limites à ne pas franchir. (À ce titre, il est clair que Jan Fabre est à proscrire pour une première initiation même si son œuvre semble parfois puiser aux sources de l'adolescence.) Les élèves qui ont vu certaines propositions présentées à Microclimats (que j'ai ratées à mon grand dam) ont aimé la proximité avec les artistes (en particulier, le contact visuel direct avec les danseurs d'Emmanuel Jouthe) et se sont questionnés sur la valeur artistique de la performance. Les divers ateliers auxquels ils ont participé leur ont donné des éléments de réponse.

L'idée que le corps peut être signifiant dans un mouvement abstrait a germé à partir de l'atelier donné le vendredi par le danseur Philippe Priasso (photo), qui a forcé l'admiration avec Transports exceptionnels, son duo sensible avec une pelle mécanique. Elle a continué de fleurir avec l'assistant de Bruno Beltrão et trois des neuf danseurs de H3, qui a laissé les jeunes bouche bée d'admiration. Quant à la valeur artistique de la performance, elle leur a été démontrée dans un passionnant atelier d'Anne-Marie Guilmaine et Claudine Robillard de la compagnie de théâtre performatif Système Kangourou.

Lundi, avant L'orgie de la tolérance, j'ai réussi à aller voir un fort intéressant work in progress de George Stamos au Clash de Lynda Gaudreau et après, You aRe Here, une proposition étonnante et délicieuse de Stephen Thompson à l'OFF.T.A., dont je vous recommande vivement de surveiller la programmation. Bon marathon!

(Photos: Fabienne Cabado)