J'ai attendu de voir Tout le monde en parle avant d'écrire le texte de la une du 13 mai. Je voulais voir comment la grosse machine allait traiter Dave St-Pierre; comparer l'info diffusée avec ce que j'avais déjà en boite; être en mesure de mieux me distinguer pour faire valoir encore la valeur de la danse et l'importance d'un hebdo culturel comme Voir dans le paysage médiatique. Les temps sont si sombres pour le journalisme écrit et pour la couverture en danse…
J'avoue: j'avais l'a priori critique. J'ai finalement eu la rassurante preuve qu'on peut parler de danse contemporaine dans une émission grand public et que ça peut être stimulant. Merci à Guy A. Lepage et bravo à Dave. Ils ont fait une belle job de démystification de la danse contemporaine malgré un focus trop exclusif, dans les séquences vidéo sélectionnées pour l'émission, sur la nudité et la dimension la plus provocatrice de ses œuvres.
Dave a parlé de ses toutes premières sources d'inspiration, Édouard Lock et Louise Lecavalier, avec une passion propre à rendre la discipline désirable aux yeux de gens qui s'en tiennent habituellement loin. Plus tard, il a expliqué son admiration pour la danse provocatrice de Jan Fabre et évoqué le DV8 Theater qui urinait sur scène. Des petits topos très digestes sur la danse et sur la lignée dans laquelle il s'inscrit. Un éclairage simple sur sa démarche artistique propre à éveiller la curiosité. D'ailleurs, le Commandant Robert Piché (venu pour l'adaptation de son histoire au cinéma) s'est dit intrigué par un goût si prononcé pour le jusqu'au-boutisme et s'est montré prêt à aller voir de plus près ce que ça donne sur scène. L'attitude de Dany Turcotte à ce moment-là – il a lancé, d'un ton mi-graveleux mi-culpabilisant: «Il aime bien ça, le Commandant Piché!» – s'est avérée déplacée et franchement inutile.
Mais bon. Cela n'a pas empêché Robert Piché d'oser une question sur la façon de structurer une œuvre. Cette scène, parmi d'autres, me laisse croire que si l'on cessait de propager la croyance que la danse contemporaine n'intéresse personne et qu'on apprenait à faire des émissions sexy dans leur approche pour mieux la médiatiser, on serait très certainement surpris du résultat. La danse contemporaine, c'est comme la bonne bouffe: il faut d'abord oser goûter et ensuite, éduquer le goût en multipliant les expériences. Si une maison de production est intéressée par la question, j'ai une boite pleine d'idées géniales à partager.
Revenons à nos moutons. Plus tard dans l'émission, Yves Pelletier (invité à titre de réalisateur d'un nouveau film) a affirmé avec conviction que les artistes contribuent à définir un peuple et que la légendaire créativité québécoise mérite, Dave St-Pierre en tête, d'être soutenue financièrement par les pouvoirs publics. Bref éclairage sur une autre réalité vécue par les artistes. Quoi que pour Dave St-Pierre, ce n'est pas si terrible. Les droits de suite pour les chorégraphies créées pour le Cirque du soleil mettent bien du beurre dans les épinards et, depuis le temps qu'elles tournent, La pornographie des âmes et Un peu de tendresse, bordel de merde reçoivent de meilleurs cachets pour être présentées dans de plus grands théâtres. Pour la suite des choses, de grosses structures étrangères manifestent aujourd'hui leur intérêt pour des coproductions. Mais je m'éloigne encore… Globalement, les échanges autour de Dave St-Pierre ont été cool et intelligents. Tout ce qu'il faut pour la danse dans les grands médias. Ma déception, c'était qu'on n'ait pas évoqué les occasions prochaines de voir le travail de Dave sur les scènes montréalaises. Guy A. Lepage les a annoncées en rafale au générique, incluant la soirée-bénéfice de Tangente qui ne se plaindra pas de la belle visibilité.
L'équipe de TLMEP a su aborder Dave St-Pierre de belle manière, dosant avec justesse le témoignage humain sur la maladie, le deuil et la guérison, et les informations sur le parcours et la démarche artistique. À l'écrit, on offre un autre type de regard et c'est important qu'il y en ait de toutes sortes. J'ai repensé aux discussions autour de la Table ronde sur les médias et la danse à laquelle j'avais participé plus tôt dans la journée. C'était à Tangente, dans le cadre de Recommandation 63. J'y reviendrai prochainement. J'ai eu envie de militer simplement pour la cause du journalisme culturel avec un papier riche d'expérience et accessible à la fois. J'ai aimé l'écrire. Ça n'arrive pas à chaque fois. Il contient des informations qu'on ne trouve ni ici ni à Tout le monde en parle. J'espère qu'un grand nombre de personnes auront du plaisir à le lire.
Le papier qu’on prend plaisir (ou passion) à écrire, ça intrigue le lecteur et le pousse à aller voir plus loin, pour comprendre ce qu’il y a de si intéressant dans ce sujet pour enivrer l’auteur de la sorte.
Je suis blasée de la fausse « objectivité » et des tons glaciaux.
Merci pour les papiers (passés et futurs) inspirants et audacieux. Permettons-nous en plus, surtout en danse contemporaine! On a jamais assez de bonne bouffe…
Je craignais que l’usage de la nudité dans les chorégraphies de Dave Saint-Pierre ne fasse écran aux propos dénonciateurs qu’il nous martèle depuis ses premières productions. Toutefois, notre chorégraphe a bien exprimé ce petit temps éphémère durant lequel on explore le corps nu des danseurs (ses) avant que d’être saisi par la tension d’un muscle, la grâce d’un mouvement puis la vigueur, l’exigeance etc.
« La danse contemporaine, c’est comme la bonne bouffe: il faut d’abord oser goûter et ensuite, éduquer le goût en multipliant les expériences. »
J’abonde dans le même sens que vous. D’ailleurs, il me semble que l’aspect théâtral incorporé dans les productions de Saint-Pierre en favorise l’accessibilité et que la production de la troupe Sonya et Yves est tout indiquée pour un néophyte.
Mais dites-moi, est-ce parce que mon intérêt est accru pour la danse que j’ai l’impression que l’on fait la promotion de plus de spectacles?
De quel type de promotion parlez-vous, Alain? S’il s’agit de publicité, je ne saurais le dire. Si vous faites référence aux articles journalistiques, c’est tendancieux parce qu’ils sont censés produire de l’information, pas faire de la promotion, et c’est une vraie illusion dûe à votre intérêt accru car l’espace médiatique en presse écrite se réduit comme une peau de chagrin. Cela dit, j’ai l’impression d’un léger regain du côté de la télévision et de la radio.
Je suis d’accord avec vos remarques sur l’accessibilité des pièces de St-Pierre et de La Bande interdite.
Madame Cabado,
Bien d’accord avec vous sur les craintes lors du passage Dave St-Pierre et de son traitement sur le plateau de TLMEP. Malgré tout, j’ai bien apprécié son entrevue qui insistait surtout , bien entendu, sur la nudité et la provocation de ses oeuvres mais beaucoup moins sur leur haute qualité esthétique ( illustré, entre autre, par un des extraits qui présentait le déplacement sur « roulement à billes » dans la pièce Warning) et le besoin de briser le quatrième mur de ce créateur.
Entretemps, je me réjouis d’avoir déjà mes billets pour son spectacle solo à Tangente et pour le FTA parce que suite à sa présence sur le plateau de la grande messe du dimanche soir, ils risquent de s’envoler rapidement.
Enfin, je suis impatient de lire votre texte et soyez assurée que j’aurai autant de plaisir à vous lire que vous en avez eu à l’écrire.
Merci Fabienne. Moi, en tout cas, je considère indispensable vos articles sur la danse. Il faut bien quelqu’un qui sache éveiller notre intérêt et c’est bien par la compréhension que l’on peut aborder un médium artistique parfois difficile d’accès. Et à défaut de programme de soirée adéquat dans lequel les chorégraphes devraient exprimer leur démarche, leur tentative, il faut bien un guide!
Pourquoi cet intérêt s’accroit en moi. Eh bien, à cause de la façon dont cet art exprime la vérité de l’instantanée. En effet, dites-moi, puisque vous êtes encline à débattre, si l’on dit jouer au théâtre, que dit-on pour la danse? Comme le comédien joue, un danseur peut-il jouer à danser? Le jeu est-il exclus de la performance dansée? La danse est-elle si évocatrice que le danseur ne peut qu’être lui-même en tant qu’être gracieux, souffrant, suant, exprimant comme une arabesque ses mouvements éthérés? Peut-il n’être que lui-même et rien d’autre que lui même s’il exprime la parole de son chorégraphe? Cogitation.
Nous nous croiserons probablement chez Tangente ou au Fta monsieur St-Amour. J’ai aussi mes billets et pas seulement pour Dave St-Pierre. Merce Cunningham, Miroku, Gravel…
Alain, un interprète serait bien mieux placé que moi pour décrire toutes les nuances de présence qu’il peut offrir dans la danse. Mais vous avez sans doute déjà pu constater que cet art n’est dépourvu ni d’humour ni de l’esprit du jeu. Les jeunes créateurs anglophones en sont, par exemple, très friands. Les amateurs de contact-impro sont quant à eux de grands joueurs, selon moi. Celui qui jouerait à danser serait peut-être plus dans du théâtre que dans la danse. Mais à l’heure où le décloisonnement des discipline est roi, qu’importe finalement ? Cela dit, à mon sens, un danseur n’est vraiment bon que quand il est, autrement dit, quand il incarne, pas quand il reproduit. Qu’il soit alors gracieux ou pas, la beauté résidant surtout dans l’authencité du geste. Quant à la question que vous soulevez sur l’identité du danseur face à la parole du chorégraphe, je la mets de côté pour un futur billet. Le sujet est trop vaste et trop délicat.
Robert, je ne doute pas que vous lirez la une et que vous saurez l’apprécier: vous êtes l’un des plus forts piliers du lectorat du Voir. 🙂 Quand j’écris que j’espère que beaucoup de gens auront plaisir à me lire, j’émets en fait le souhait d’arriver à intéresser un nouveau public, au moins le temps de cet article. Après TLMEP, je me suis dit qu’une brèche avait été ouverte pour la danse contemporaine dans le grand public, que certains téléspectateurs curieux pourrait avoir le goût de lire le Voir et que j’avais intérêt à bien les »nourrir ». Cette perspective m’a dynamisée.
Le spectacle, c’est le fruit d’un montage. «Tout le monde en parle» n’y échappe pas, même si nous avons parfois droit à des échanges intelligents, grâce, entre autres, aux interventions de Guy A. Lepage, un homme visiblement brillant.
La télé, c’est le royaume de l’image; le terrain de jeu de Narcisse. C’est l’aboutissement technologique du rêve de l’Homme occidental, depuis les calendes grecques. Je reprends les propos de Régis Debray, pour l’exprimer en ces termes: «Le meilleur arrive à l’homme d’Occident par sa mise en image car son image est sa meilleure part […] La «vraie vie» est dans l’image fictive, non dans le corps réel […] L’image, c’est le vivant de bonne qualité, vitaminé, inoxydable» (Vie et mort de l’image, 1992, p.32). Nous en retrouvons d’ailleurs les exemples dans l’iconographie grecque, romaine et judéo-chrétienne… bien avant l’avènement de la télévision.
Ce détour me permettra d’exprimer ceci: ce qui me semblerait alors intéressant, dans ce contexte, c’est ce qui n’est pas passé à travers le filtre de l’image. Voilà pourquoi, par exemple, j’aimerais davantage entendre parler Dave St-Pierre de son expérience des médias télévisuels (ou autres), plutôt que de subir ce que ces médias ont fait de lui.
Je préférerais donc lire un texte de Dave St-Pierre dans une tribune d’idées. Je connais son verbe incisif, pour l’avoir déjà entendu réciter un de ces textes durant le lancement de saison d’un théâtre montréalais. Je veux avoir accès à du contenu, à sa prise de position face à la société, à sa réflexion face à celle-ci, à ce qu’il propose comme pistes de solutions concrètes, etc. Pour moi, c’est un leader qui aurait tout avantage à s’imposer (également) par sa pensée.
Ceci étant dit, quoique le vedettariat et les «effets spéciaux» ne soient pas mes thèmes favoris pour établir une relation avec le spectateur, je trouve quand même que Dave a donné un sérieux coup de main à la danse, au Québec, par son audace et l’intégrité avec laquelle il se sert de clichés convenus (qu’il assume entièrement, m’a-t-il déjà dit, car telle est sa démarche) pour créer des spectacles éclatés et visuellement très captivants.
Il a attiré l’attention internationale sur lui; voilà déjà une grande chose d’accomplie. Mais pour s’inscrire dans le temps – et provoquer des changements sociaux significatifs – je me demande s’il ne faudrait pas également faire appel à l’intelligence de ce spectateur qui est en premier lieu, tout comme l’artiste, un citoyen. Pour ce faire, je persiste à croire que l’écrit reste un des moyens les plus appropriés, même si cela doit prendre une forme électronique (accompagnée d’images statiques ou dynamiques), car tel semble être l’avenir inévitable de l’écrit.
Je me rends compte, en écrivant, que la pensée qui accompagne ma posture est complexe – et ne peut se résumer en quelque lignes – mais je crois qu’elle a au moins le mérite de proposer un angle critique face à la manipulation du peuple par l’image.
@ Normand Marcy. La manipulation du peuple par l’image… Tu y vas un peu fort, quand même, et l’écrit que tu prônes peut-être tout aussi manipulateur. S’il est évident que le montage de TLMEP vise à mieux servir les objectifs de communication de l’émission et qu’on a fait mousser les choses propres à intéresser ou choquer le grand public, je ne vois pas où est la manipulation. Me semble que le spectateur est tout de même doué d’un fort esprit critique…
Quant à la télé comme « aboutissement technologique du rêve de l’Homme occidental », je doute. Avec internet, on a fait bien mieux : nous avons désomais non seulement l’image animée mais le don d’ubiquité et un semblant d’immortalité…
« J’aimerais davantage entendre parler Dave St-Pierre de son expérience des médias télévisuels (ou autres), plutôt que de subir ce que ces médias ont fait de lui. »
Là aussi, je trouve qu’il y a exagération. C’est vrai que les médias eux-mêmes ont une regrettable propension à l’exagération et qu’un journaliste ne réalise pas toujours qu’une belle formule peut être reprise des dizaines de fois et dépasser l’impact d’une simple phrase noyée dans un article. Je m’en suis d’ailleurs mordu les doigts plusieurs fois. Mais après tout, quand la presse qualifie St-Pierre d’enfant terrible de la danse québécoise, elle ne fait que rapporter ce qu’il est. Non? Et son succès n’est pas juste lié au traitement que les médias en font: les critiques, à Avignon, ici ou ailleurs, ne sont pas toutes bonnes et ça ne l’empêche ni de tourner ni de remplir les salles.
« Je préférerais donc lire un texte de Dave St-Pierre dans une tribune d’idées. (…) Je veux avoir accès à du contenu, à sa prise de position face à la société, à sa réflexion face à celle-ci, à ce qu’il propose comme pistes de solutions concrètes, etc. Pour moi, c’est un leader qui aurait tout avantage à s’imposer (également) par sa pensée. »
Je ne comprends pas bien ce point. Je ne suis pas sûre que St-Pierre ait l’âme d’un leader politique, si c’est sur des points de cet ordre-là que tu souhaiterais l’entendre s’exprimer. Dans l’entrevue du Voir, il questionne même la possible réduction de son rôle d’artiste à celui d’entertainer.
Cela dit, me semble que ses oeuvres, plus que celles de nombreux autres chorégraphes, sont une prise de position assez claire vis-à-vis de certains aspects de la vie en société et qu’elles témoignent d’une réflexion. D’ailleurs, un des projets qu’il mène actuellement avec quelque 70 personnes traite de la façon dont le gouvernement canadien et une certaine frange du public méprisent l’art et les artistes. On y verra (peut-être) des larves avec des têtes de Brian Mulroney et des danseurs jetter des poignées de cennes noires sur les artistes en scène. Pas pire comme prise de position…
Ma chère Fabienne,
je naviguais tranquillement sur le Net, lorsque les vents du virtuel m’ont amené sur ton blogue du VOIR. À ma grande surprise, cette réponse (de ta part) à mon dernier commentaire m’attendait depuis déjà un bon moment.
J’y donnerai donc suite…
1. Je suis loin d’y aller fort, lorsque je parle de manipulation du peuple par l’image. Je suis même très modéré, à côté d’un Noam Chomski ou d’un Guy Debord, pour ne nommer que ceux-là. La manipulation du peuple par l’image (télé)visuelle peut prendre plusieurs noms; Chomski a nommé cela «La fabrication du consentement». Selon lui, c’est pire (et plus efficace) que la matraque, pour asservir un peuple… Je te conseille donc le documentaire du même nom, produit par l’ONF, que tu pourras trouver sur le Net.
2. Et non! le spectateur moyen n’est pas pourvu d’un fort sens critique. Si c’était le cas, il y a longtemps que des émissions comme Loft Story ou Occupation Double ne feraient plus la cote d’écoute et ne seraient plus en onde. Tu me diras, il n’y a pas que ça à la télé. Tu as raison, en plus des banales histoires de cul de ces clones sous éduqués, il y a aussi beaucoup d’histoires de «chiens écrasés». Car l’entreprise du spectaculaire, qui n’épargne pas la télévision, tente de nous faire croire «qu’il n’y a pas de sens, là où il n’y a pas de sang», pour reprendre les mots de Michael La Chance (La culture Atlantide).
3. Qu’est-ce que ça veut dire: «Avec internet, on a fait bien mieux : nous avons désormais non seulement l’image animée mais le don d’ubiquité et un semblant d’immortalité…»? Je ne suis pas sûr de comprendre ton argumentaire… ou même s’il y a présence d’un argumentaire, dans cette phrase.
Cette impression (ou sentiment) d’ubiquité existait déjà dans le téléphone, la radio et la télé, par le simple fait qu’une personne puisse «être» (par la voix et/ou l’image) à deux endroits (ou plus) en même temps. L’Internet n’a rien inventé en ce sens. Pas plus que le sentiment d’immortalité (vécu à travers un avatar), qui existait déjà depuis un bon moment, dans l’univers des jeux vidéo, ainsi qu’en immersion et réalité virtuelle (sans le recours du Net). Pour l’image animée, je ne vois absolument pas le rapport avec le propos… Deux lectures plutôt instructives, à cet effet: Pour comprendre les médias, de Marshall McLuhan ; Comprendre les médias interactifs, de Louis-Claude Paquin.
4. Quand à ce surnom d’«enfant terrible», je le trouve totalement réducteur. Il est d’ailleurs tout à fait en accord avec à cette tendance qui consiste à infantiliser l’artiste dans notre société. Comme s’il n’était pas responsable de ses actions, le pauvre, et qu’il suffirait de le mettre au coin ou de lui faire des gros yeux pour qu’il arrête son manège. Oubliez ça… Dave est une bête de scène, un titan, un insoumis. Il sait très bien ce qu’il fait et pourquoi il le fait. Et il est plus rusé que le renard…
5. Lorsque je parle de leader, je ne parle pas de leader politique… je ne vois pas où tu as été chercher cette idée!? Il y a pour moi une différence entre faire de la politique et avoir une opinion socio-politique.
Deuxièmement, je commence à me demander sur quelle planète vivent tous ces gens qui croient que l’art n’est pas politique (ou politisé). Une autres petite citation d’un de mes auteurs préférés, M. La Chance, pour introduire le propos:
«L’État entretient un art contemporain officiel, il entretient des vedettes de la culture muséale, dans un effort sans précédent de donner le spectacle de la culture elle-même. Les réalisations artistiques ne sont pas au rendez-vous, qu’importe, quelques artistes biennalisables seront sélectionnés pour définir les rudiments de ce qui pourrait devenir une culture d’époque: ces artistes sont bientôt des figurants satisfaits dans une culture artistique plus imaginée qu’actualisée.»
Le FTA en était un pertinent exemple, cet année. Que des vedettes, des valeurs sûres; aucun laboratoire expérimental, aucune prise de risque. Malgré ça, des ratés… le public et les journalistes n’étaient pas contents quand ça arrivait. Pourquoi, d’après vous?
Je ne pensais jamais avoir à dire ça, un jour, mais je m’ennuie presque du FIND.
Contrairement à ce que l’imaginaire collectif voudrait bien nous laisser croire, l’artiste n’est pas un mésadapté social ou un petit enfant qui ne sait pas ce qu’il fait. Il est un citoyen, payeur de taxes. Un contribuable. Une partie de son fric se retrouve dans l’enveloppe des bailleurs de fonds gouvernementaux. Il est donc normal que l’artiste-citoyen se questionne sur la redistribution de son fric, dans l’art. Il est normal qu’il adopte une posture socio-économique et politique… et même idéalement éthique (philosophique).
Or, parmi ces artistes, certains ont une visibilité qui leur donne un pouvoir d’action. Ne pas s’en servir, c’est renoncer à ses responsabilités. Un leader, c’est quelqu’un qui ne renonce pas à ses responsabilités.
6. Si tu résumes la prise de position de l’artiste à quelques fanfaronnades scéniques, nous ne sommes pas sortis du bois. Quoi encore… on pourrait aussi tous se trémousser en simili-transe, accompagnés par une basse dont le son sort d’un vieil ampli à lampe en criant «Golpe» et le tour serait joué!!!?? Un bel exemple de coup de sabre dans l’eau…
Du moment où l’entreprise culturelle décide que tu es «festivalisable», c’est que tu es devenu plus profitable que dangereux pour l’idéologie qu’elle défend; c’est qu’il n’y a plus de subversion, ni de prise de risque. Comme je l’écrivais dans un commentaire précédent, sur ton blogue, les figures de la subversion ne sont plus là où on les cherche encore.
C’est pourquoi je ne crois pas que l’action des artistes se résume à la scène. Ce serait croire qu’on s’enferme tous dans un placard jusqu’au prochain show. Le show, c’est la pointe de l’iceberg.
Un acte politique, ce peut être plusieurs choses: une prise de parole (écrite et/ou orale), l’adoption d’une modalité de recherche et de création alternative, le boycotte, la manifestation publique, l’élaboration d’une mise en scène qui va à l’encontre d’une esthétique des «effets spéciaux», la remise en question d’une institution (voir l’expérience d’une école nomade «Bocal», de Boris Charmatz, à cet effet), etc.
Voilà pour ce soir…