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FEQ: bilan à 6 mains

C'est le temps des bilans, après 11 jours de festival pluvieux mais néanmoins achalandé… 

Antoine Léveillée 

Des gros noms comme têtes d’affiche et quelques joyaux en périphéries pour faire vibrer les mélomanes. Nos attentes étaient grandes pour cette 42e édition du Festival d’été de Québec. L’organisation a mis la barre haute et a parié sur les vedettes pour lutter contre cette dépression post-400e anniversaire que tout le monde redoutait. Le but était de faire sortir les gens et de faire vivre cette ville pendant onze jours d’affilés, de la haute-ville jusqu’en basse-ville. Résultat: une programmation diversifiée et racoleuse qui a touché à tous les styles confondus.

Le ton a été donné avec le concert de Jeff Beck au Pigeonnier. Une foule épatante y était réunie et la météo était fantastique. Peut-être la seule journée parfaite à tous les niveaux, car la météo, elle, allait jouer les trouble-fêtes par la suite. Comme cette soirée où Daniel Bélanger, malgré ce déluge qui reprenait de plus belle après une courte accalmie, a persisté avec un sens de l’humour exemplaire.

 Les Claypool / photo: Renaud Philippe

Les Claypool fut une autre réussite. Un concert exceptionnel malgré ce temps froid qui persistait. Ce virtuose a le don de construire des atmosphères délirantes qui intègrent une virtuosité technique à couper le souffle. Un répertoire rafraîchissant qui se situe en marge de tous les standards actuels.

Avec beaucoup moins de décibels cette fois-ci, le concert de Plácido Domingo est un autre de mes coups de cœur. Une visite exceptionnelle qui a réuni toutes les générations sur les plaines. Le voir et l’entendre dans de telles circonstances était magique et il a su se montrer affable et même en voix malgré ses 68 ans bien sonnés.

 KISS / photo: Guillaume D. Cyr

Maintenant, que dire de KISS et de Sting, qui ont passé en coup de vent sur la scène Bell. KISS s’est montré un peu vieillissant dans ce concept galvaudé et n’a finalement pas attiré la foule record qu’on espérait. Lorsqu’on peut se permettre de parcourir les plaines en diagonale, de l’arrière jusqu’à l’avant, il est difficile de croire au chiffre de 90 000 personnes annoncé par le FEQ.

 Sting / photo: Guillaume D. Cyr

Sting, lui, s’est présenté sur scène avec beaucoup moins de feux d’artifice mais avec un spectacle très bien rodé. Par contre, je ne crois pas que ce spectacle s’inscrive comme un souvenir impérissable et le simple fait d’avoir placé le groupe Yeah Yeah Yeahs en première partie nous reste encore au travers de la gorge. La même chose pour le groupe Karkwa qui aurait mérité le même traitement que Patrick Watson (une autre soirée réussie), au lieu de se retrouver sur les plaines en compagnie d’un Pierre Lapointe plutôt tranquille. D’ailleurs, pour ce dernier, je ne sais pas pourquoi le FEQ a souligné qu’il s’agissait d’un concert original. Nous avons plutôt eu droit à un tour de chant traditionnel, exception faite qu’il l’interprétait sur une grande scène.

La météo a peut-être sapé le moral de plusieurs festivaliers cette année. Elle m’a même convaincu de rentrer chez moi au lieu d’assister au spectacle de Girl Talk… Mais que peut-on y faire ? Somme toute, ce fut une édition qui s’est montrée quand même populaire avec une programmation parfois redondante (The Lost Fingers, StyxLila Downs, Metric). Elle a surtout confirmé une direction artistique qui mise avant toute chose sur l’évènementiel. Une stratégie coûteuse qui pourrait finir par se concentrer sur les intérêts uniques d’une génération vieillissante.

David Desjardins

Difficile de faire un bilan efficace quand on a passé presque la moitié du festival à se sentir comme si on avait la malaria, parfois si fiévreux qu’il fallait se résigner à rater un rendez-vous comme celui offert par Patrick Watson (qu’heureusement, j’avais vu en salle il y a quelques mois). Reste que j’y suis suffisamment allé pour frôler l’overdose, et surtout me faire une idée. Bilan: si le festival s’est énormément transformé, s’il accueille de plus en plus de spectacles aux proportions gozillesques (Kiss, Sting, Domingo) qui ont bien plus à voir avec l’événement, et donc avec le marketing plutôt qu’avec la musique, il trouve tout de même son équilibre dans une variété. Éclectisme duquel se félicitait d’ailleurs le programmateur Jean Beauchesne en point de presse ce matin.

Thunderheist au Cercle, Girl Talk, Beirut et Metric qui font salle comble à l’Impérial: on se moque souvent du public de Québec (avec des expressions du genre "Québec c’est ma ville, et Styx c’est mon style"), reste que la Capitale a enfin prouvé qu’elle est plus que ça. De même, l’affluence importante au Off, pour des artistes que l’on peut situer dans la marge de la marge, prouve que la scène alternative de Québec grandit, évolue, et lorsqu’on propose au public des artistes qui l'intriguent ou le titillent, ils se déplacent, et sont même prêts à attendre en ligne, fébrilement, entretenant l’espoir qu’il y aura une place pour eux à l’intérieur, éventuellement.

Le Festival d’été de Québec a donc remporté son pari. Il a prouvé que pour faire de l’argent, il faut en dépenser. Et il a livré la marchandise, confondant les sceptiques en utilisant ces fonds pour nourrir les mélomanes. Qui s’en plaindra ?

 Girl Talk / photo: Guillaume D. Cyr

J’AI ADORÉ: Girl Talk. Mieux, j’ai flippé sur le public de Girl Talk, à la limite de l’hystérie collective, se trémoussant comme une bande de collégiens sur le speed au rythme de la courte-pointe hip-pop de ce folkloriste de la culture musicale populaire. Voilà sans doute une des belles preuves de la facilité avec laquelle se répand désormais le buzz positif à propos de certains artistes, et comment le public, curieux, réagit avec enthousiasme quand on lui propose un rendez-vous avec ce genre de petit génie dont elle peut mesurer la splendeur en consultant… sa page MySpace.

J’AI ÉTÉ DÉÇU: pour tous ces gens qui attendaient en ligne et qui n’ont pu entrer lors de certaines soirées à l’Impérial. Peut-être n’est-ce là que partie remise, m’a cependant opposé Jean Beauchesne, affirmant que le management de ces artistes sait désormais qu’il y a un public pour eux ici, et qu’il n’a pas tout à fait été comblé. Ce qui constitue en quelque sorte une invitation à revenir, puisque la demande est là.

Enfin, pour répondre à tous ceux qui se demandaient, par exemple, pourquoi Metric était programmé à l’intérieur plutôt que sur une des scènes extérieures, il semble que ces scènes, aux dates disponibles pour le groupe, étaient déjà occupées au moment de prendre une entente avec la bande d’Emily Haines. C’était donc à l’Impérial, ou rien du tout, nous a-t-on dit.

Iris Gagnon-Paradis

Je vous tanne une dernière fois avec ça; mais pour moi, sans aucun doute, la grande déception de ce Festival d'été de Québec aura été… l'été. Au point que j'en étais rendue sur le bord de la dépression nerveuse, prête à lancer la serviette pour la dernière fin de semaine. Heureusement, le soleil m'aura fait changer d'idée et j'ai une dernière fois affronté les plaines pour les Yeah Yeah Yeahs.

 Yeah Yeah Yeahs / photo: Guillaume D. Cyr

Parlons-en, de ces YYYs. Une grande déception que de voir ce groupe qui mériterait amplement d'être en tête d'affiche se retrouver presque ignoré par une foule compacte qui faisait le pied de grue en attente de Sting. Et quelle déception pour les fans de ne pouvoir profiter qu'à moitié, et de loin, dans le brouhaha ambiant, de la très bonne performance de Karen O. Même dans la section VIP, on n'était qu'une poignée à écouter le groupe attentivement. Mon pincement au coeur du festival.

Si le FEQ mise à juste raison sur les gros noms pour faire accourir les foules, je crois que l'organisation aurait grand avantage à rajeunir un peu son tir; plusieurs groupes, indies ou autres, correspondant mieux au goût de la génération des 20-40 ans, pourraient aussi créer l'événement. Pensons à des noms comme Arcade Fire, Coldplay, Beastie Boys, TV on the Radio, M.I.A.Radiohead, Björk… Si le Festival peut attirer Sting et Kiss, il peut sûrement avoir ce genre d'ambition, et ainsi faire plaisir non seulement aux nostaliques, mais à ceux qui se nourrissent à même la musique d'aujourd'hui. Mon voeu pour 2010.

Malgré ces critiques, il faut dire que le FEQ en a quand même donné pour tous les goûts et que les festivaliers un tant soit peu curieux en auront eu plein la gueule de découvertes musicales et de concerts enlevants. Voici mes coups de coeur:

 Patrick Watson / photo: Guillaume D. Cyr

1. Je n'aurais pas cru le retrouver en haut de mon palmarès, compte tenu du nombre de fois où je l'ai vu en concert, mais le spectacle qui a laissé la plus vive impression dans ma mémoire, autant du côté de la mise en scène, de la perfection musicale, de l'interprétation que de la communion avec le public, c'est celui de Patrick Watson au Pigeonnier. L'artiste a prouvé encore une fois qu'il se réinvente sans cesse. Le concept derrière le spectacle de Wooden Arms est onirique, féérique, presque hypnotique avec ses projections diverses, ses éclairages, son quatuor à cordes… Et la douce folie de Watson, son contact naturel et chaleureux avec le public a fait du spectacle un moment magique, dont seul l'artiste a le secret.

 La foule de Girl Talk / photo: Guillaume D. Cyr

2. Pour le party, le délire, la fête, la communion par la danse, je lève mon chapeau à Girl Talk qui a su faire lever l'Impérial comme personne. Du mashup comme personne n'en fait, un défoulement bienvenue en ouverture de festival et qui a donné le ton pour les jours à venir.

3. Pour la groupie en moi, j'ai adoré la performance de Metric, encore une fois dans un Impérial gonflé à bloc. Les pièces du nouvel album Fantaisies ont fait mouche auprès des fans, qui chantaient tous en choeur avec une Emily Haines au sommet de sa forme.

Mentions spéciales:

 Beirut / photo: Guillaume D. Cyr

– à Beirut, DeVotchka et Bell Orchestre, pour la beauté de leur musique, malgré une performance un peu statique de la part de Beirut.

– à Thunderheist et sa M.C. Isis, complètement déjantée. La plus folle du Festival, sans aucun doute!

– à Think About Life, pour l'univers visuel barjo-kitsh et la pure joie du pop inspiré des années 80.

– à la formation de Barcelone Che Sudaka, pour l'énergie.

 Indochine / photo: Renaud Philippe

– à Indochine et Nicolas Sirkis, pour les souvenirs, l'adolescence et les étoiles dans les yeux.

On se voit l'année prochaine!