On est vendredi soir et je n'ai pas vraiment le goût de sortir.
Je boude. C'est que je suis fumeur. Je n'ai pas encore goûté aux nouvelles soirées non-fumeurs dans les bars. Le 30, j'ai fini ça en beauté par un fumothon entre amis. Le bar où on était a permis à sa clientèle de fumer jusqu'à sa fermeture. Il y en avait d'ailleurs beaucoup qui étaient là pour ça, pour assister à cette date historique, cette grande dernière. Les serveurs donnaient des cendriers pour s'en débarasser. Comme l'industrie du tabac tente par tout les moyens de nous garder accrocs à sa dope sans qu'on ne contrevienne à la nouvelle loi, elle essaye de remettre la chique à la mode. Les cendriers disparus, devra-t-on ramener les crachoirs ?
J'ai même amené ma caméra vidéo pour documenter le moment. Et c'est seulement là que ça m'a frappé : tous ces gestes associés aux bars, à la fête, aux rencontres, à la cruise, et qui mettent en vedette la cigarette, je les voyais pour la dernière fois.
Cette jolie fille, là, si élégante avec sa cigarette encadrant nonchalamment son visage.
Ce gars expressif qui fait des virgules passionnées avec son tison au bouts des doigts.
Ce couple qui semble tout nouveau et qui se synchronise en s'allumant toujours ensemble.
Cette autre fille qui prend la pose pour expulser la fumée de façon on ne peut plus vamp.
Bien sûr, on peut continuer de fumer. Mais la cigarette sera désormais confinée à la sphère privée des partys, clandestine, bannie, presque honteuse. C'est d'innombrables scène de films qui deviennent d'un seul coup anthropologiques d'une autre époque, c'est tout une façon de socialiser qui disparaît sous le coup d'une loi. On a beaucoup encouragé tout le monde a accueillir avec enthousiasme la nouvelle époque de l'air pur, beaucoup de gens ont applaudi l'entrée en vigueur de la loi. Mais elle me plaisait, moi, cette tradition de l'enfumé, du néfaste assumé, de la cigarette comme ponctuation sociale. Et j'ai l'impression que, tout l'accent étant mis sur la joie de ceux qui y voyaient le début d'un temps nouveau et meilleur, les fumeurs n'ont pas eu l'occasion, en fait, même pas le droit, de faire leur deuil.
Fini d'offrir une cigarette, d'allumer quelqu'un, de replacer un cendrier pour créer subitement un espace commun. Fini les notes gribouillées sur les paquets. C'est tout un body language qui s'éteint. Et un langage qui s'éteint, c'est une culture qui se perd.
Peut-être que c'est le meilleur choix pour plus de santé, plus de plaisir, plus de bonheur en bout de ligne. Mais qu'on ne vienne pas me dire qu'on n'y perd rien.
Très poétique, votre mise en scène. Mais il y a des gens, comme moi, qui autrefois se privaient d’aller voir des spectacles parce que l’endroit serait assurément rempli d’une fumée dense, nauséabonde, malsaine, désagréable et plus particulièrement, inutile. Dorénavant, je vais pouvoir me mettre a fréquenter les bars et les clubs, et découvrir ces endroits ou naissent vraisemblablement tant d’avantures, qui m’étaient autrefois inaccessibles grâce à mes poumons capricieux. Et tout le monde y sentira bon de la bouche.
Pour moi, un gars qui s’en allume une, ça m’inspire une odeur de cendrier, une mauvaise haleine et c’est un truc qui me déromantise instantanné. « Wow, le beau mec…ishh, il fume ».
C’est une question de perception mais je trouve qu’il n’y a rien de plus sexy qu’un beau mec qui croque à belle dans une pêche en me regardant dans les yeux. Pas mal plus sexy qu’une Craven’ A Ultra.
Je vous le dis, Monsieur Parenteau, Mettez-vous aux fruits, c’est beaucoup plus sexy!
C’est tu plate ! Tous ces petits rituels relié à la cigarette s’envolent en… fumée !
Et qu’est-ce qu’on perd ?
L’odeur désagréable.
Cette jolie fille si élégante avec une haleine de bouche d’égoûts.
Ce gars expressif qui agite son tison et qui va brûler une couple de chemises.
Ces beaux fumeurs synchonisés qui vont garnir les lieux de cendres.
Cette pauvre vamp qui prend la pause en ayant l’air d’un tuyau d’échappement.
Certaines personnes trouvent plaisir dans la scatologie, et fort heureusement cette pratique est « confinée à la sphère privée des partys, clandestine, bannie, presque honteuse ».
Tout ce que nous aurons perdu, c’est le plaisir de prendre une bière dans un endroit sale avec du monde qui pue. Quel malheur !
Toute cette histoire de fumée dans les bars m’a fait réaliser une chose : les fumeurs ne savent pas à quel point ils sont dépendants de la cigarette.
Vous ne pouvez même pas vous résignez à aller dans un endroit non-fumeur parce que ça va vous empêcher de goûter votre « si jolie fumée ». Bâtard, c’est de la fumée, c’est un bout de bâton blanc avec de la cochonnerie dedans, et là tout d’un coup c’est supposément une partie de notre culture qui s’efface. Il me semble que l’on vaut tous mieux que ça! Admettez donc tous que vous avez un problème et lâchez nous avec vos excuses bidons comme « c’est mon ami », « ça me fait du bien ». Vous savez, la cigarette vous fait du bien pour une seule chose : elle comble votre dépendance.
Quand j’étais petite, les gens fumaient dans l’autobus, dans le métro, à l’hôpital, et même en classe. J’ai eu des professeurs qui avaient leur cendrier sur le coin de leur bureau… et même certains professeurs qui fumaient autre chose que du tabac, en appelant ça des cigarettes « indiennes ».
Je n’ai pas un souvenir ému de cette époque.
Plus tard, quand je suis devenue ado et fumeuse, puis adulte et fumeuse, j’ai utilisé la cigarette comme accessoire de beauté, dans les bars. Ca fait trois ans que j’ai écrasé, et j’ai rarement le vague à l’âme en songeant à cette époque.
Je pense que tout le monde va s’en remettre très rapidement.
Bien sûr, chaque phrase du commentaire de FP peut être démolie à grands coups, c’est facile, ça vient tout seul… L’appel aux émotions, à l’esthétique, à la nostalgie, aux traditions ne rallie jamais les terre-à-terre et les rationnels…
(Étrange comme ces mots s’appliquent à une autre cause autrefois indéfendable, aujourd’hui plutôt acceptée: la conservation du patrimoine bâti, jadis décriée comme un frein au progrès. Comparaison boiteuse mais rigolote.)
Et pourtant . Un beau fumeur au mégot fiché comme un canon pointé sur l’ennemi; l’instant furtif où la cigarette tient seule entre les lèvres parce que son maître a les mains occupées; le geste vif de celui qui referme son briquet métallique en expulsant son premier nuage; les yeux qui se plissent à la première bouffée; la bonne odeur trop brève d’une allumette. Tout cela va me manquer, mais je n’ai pas le droit de le dire. je fais partie d’une infime minorité (je ne connais qu’un autre individu dans mon clan) : une non-fumeuse qui aime à regarder les autres fumer et s’imagine souvent fumant. D’où me vient ce goût? Du tabagisme de ma mère lors de sa grossesse?
Bientôt, il ne me restera plus qu’à me taper des films comme The man who wasn’t there des Coen (véritable hymne à la cigarette), Kennedy et moi, Smoke, les films extraordinaires de Sautet où personne ne peut survivre plus de 30 sec. sans s’allumer. Ou à inviter chez moi mon amie Catherine, au tabagisme élégant et claironnant, et d’autres pour un « show de boucane » pour moi toute seule. Prière d’expirer lentement par le nez.
Voilà, c’est fait: mon coming-out de tobacophile abstinente. De fille qui préfère avoir le linge et les cheveux qui empestent au retour d’une soirée bien arrosée plutôt que de voir constamment une bonne conversation interrompue par le départ de la moitié des convives vers l’extérieur.
Mes arguments ne tiennent pas debout, alors je vous les sers couchés sur un plateau de waiter, juste à côté de la pile de cendriers. Santé!