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Dossier fumant

Décidément, le dossier de l'interdiction de la cigarette dans les lieux publics suscite beaucoup de réactions. C'est le genre de petit sujet symbolique qui touche à plein de valeurs. Liberté, tolérance, santé, culture, Droit. À travers tout ça, je précise une chose : le lobby anti-tabac a tout à fait raison quand il souligne que les non-fumeurs ne devraient nulle part avoir à respirer dans un endroit fermé la fumée des fumeurs. Je sais que fumer et respirer de la fumée secondaire est mauvais pour la santé. Personne n'a à me convaincre de ça, come on ! Il ne s'agit pas pour les non-fumeurs de jouer à la maman avec tout fumeur frustré, ici. La question, c'est de savoir s'il est sain et légitime de ne plus avoir le choix.

On identifie de plus en plus deux clans bien distincts, là-dedans. Le peuple fumeur et le peuple non-fumeur. Les non-fumeurs trouvent que les fumeurs puent, polluent et font dur avec leur pathétique dépendance à la cigarette. Les fumeurs trouvent les non-fumeurs plates, obsédés par la propreté et incapables de vraiment faire le party. Les rétentifs anaux de la santé radieuse contre les barbares puants aux dents pourries. Entre les deux, il y a quelques fumeurs culpabilisés qui se disent que la loi est une bonne chose qui devrait les aider à arrêter, et quelques non-fumeurs compatissants qui se disent que la loi va trop loin et que ça commence à ressembler à une chasse aux sorcières.

Mais en gros, on voit deux clans qui se détestent discrètement. Les uns avaient le champ relativement libre auparavant mais un bouleversement soudain vient de renverser la situation en faveur des autres. Les non-fumeurs sont les Sunnites. Les fumeurs sont les Chiites. Et c'est l'Irak dans les bars.

En grande majorité, le peuple non-fumeur a présentement la victoire arrogante. Le Bien étant de leur côté, pas de pitié pour les vaincus. « Allez vous étouffer chez-vous, nous on fera la fête en croquant dans des fruits et en embrassant des bouches qui sentent bon jusqu'à ce que vous compreniez votre stupidité et changiez d'allégeance en écrasant. ». La machine s'installe : amendes sévères entraînant la répression vigoureuse et même la délation des insoumis.

Le peuple fumeur plie mais ne se rend pas. Il a son maquis, le devant des bars, les ruelles, les terrasses. J'ai vu un spectacle, hier, où près de la moitié de la salle était dehors à fumer. Les gens votent avec leurs pieds. Et c'était clairement la moité la plus le fun à mon goût. Le trottoir était un véritable cendrier et les vélos barrés devenaient des stools de bar. C'était comme dans les partys où tout le monde se retrouve tassé dans la cuisine, les fesses à deux pouces du rond de poële, la bière sur la laveuse. On était mal mais c'est là que c'était le fun. Et pour les fumeurs, de toutes façons, une bouche de fumeur ne goûte pas la cigarette, elle ne goûte au moins pas l'oignon ou je ne sais trop quoi. Alors ce n'est pas près d'arrêter. La loi pourrait avoir toutes sortes d'effets secondaires : bruit dans les rues, baisse de fréquentation, baisse des ventes d'aclool. Certains fumeurs vont jusqu'à prédire de plus catastrophiques conséquences : hausse des dépressions et du suicide. Faudra tenir les statistiques. Mais l'hiver arrivera un jour, et la résistance passive ne sera alors plus possible. On verra.

Je vous propose cette semaine quelques cas de figure pour appréhender la question sous d'autres angles. Voici mon premier flash.

Mettons qu'une étude sérieuse démontre un jour que ceux qui croient en Dieu vivent plus longtemps que les athées (il me semble d'ailleurs avoir déjà lu ça quelque part). On en vient à la conclusion que que la foi est bonne pour la santé. Pas de problème, les gens peuvent croire comme ils veulent, à quoi ils veulent, ça ne dérange personne, et les athées peuvent continuer librement à ne croire en rien jusqu'à leur décomposition finale. Mais voilà, certains athées se moquent des religions, tentent de convaincre que Dieu n'existe pas, écrivent des livres sur cette imposture et dénigrent la foi. Et parfois, ils réussissent à semer le doute chez quelques brebis égarées, leur coupant ainsi quelques années d'espérance de vie avant la mort. Que faire donc, dans l'intérêt commun ? Interdire toute remise en question publique de l'existence de Dieu ?

Revenez bientôt, j'en ai d'autres.