BloguesLe blogue de Frédéric Bérard

Deux innocents en Écosse des tartans: D’un nationalisme à l’autre

 

Un bar d’Edimbourg. Un chansonnier folk. Quelques tables autour. Autant de scotch que d’Écossais. Peut-être plus, en fait. L’ami Beaulac et moi-même, à la fois fan et profane en la matière, essayons les divers combinés. Deux fois quatre scotchs, svp, monsieur la barman. Huit scotchs? Mais on ferme dans une heure ? Allez allez. Pas de discussion. Non mais c’est vrai, quoi. Parait que tout travail de terrain adéquat nécessite une immersion complète. Pas sûr que le barman a compris le sérieux de notre démarche et/ou propos, mais peu importe. Il s’exécute enfin. Les chercheurs diligents que nous sommes sont, vous devinez bien, à la fois ravis et soulagés.

Les lumières s’allument. Bien imbibés de culture locale, la discussion avec l’Écossais typique se veut plus aisée. J’entreprends ainsi d’échanger avec l’ami chansonnier. Sitôt l’accent reconnu (le mien, pas le sien, bien que tout soit relatif), on se met à discuter des parallèles Québec-Écosse. Des types de nationalismes, aussi. Un de ses potes, encore plus imbibé de culture locale que l’ensemble des acteurs présents, se met à me quasi-engueuler pour les échecs référendaires de 1980 et 1995.

-Lui : Vous avez manqué de couilles !

-Moi : Euh.

-Lui : Qu’est-ce que vous attendez ?!

-Moi : Re-Euh.

-Lui : Jeudi soir, on va vous montrer c’est quoi, un peuple qui se lève enfin !

-Moi : Bon. J’ignorais que j’étais couché, mais peu importe. Je te rappellerai néanmoins que vous avez vous-même foiré vos rendez-vous référendaires.

-Lui : Oui, mais cette fois, c’est la bonne, tu vas voir !

-Moi : Si tu le dis. Dans tous les cas, je te le souhaite. T’as l’air d’y tenir, quand même.

-Lui : Cette fois c’est la bonne tu vas voir, que je te dis !!!

Retour au chansonnier. Un gars cultivé, visiblement. Entre les cris autant incompréhensibles que stridents de son pote-bientôt-debout, il m’explique sa perception du nationalisme écossais. Notre identité, dit-il, est forte, très forte. Personne ne la remet en doute. Ce qui nous permet de ne pas être trop frileux face aux autres. En fait, tous sont Écossais, ici. Notre nationalisme ne distingue pas, il unit. Pas sûr que c’est toujours le cas au Québec, je me trompe ? Ah…

On se laisse là-dessus. Franche poignée de main. Lui souhaite bonne chance pour jeudi. Le pote a maintenant la tête sur la table. Il ne l’aura pas facile, demain, lui. À bien y penser, c’est peut-être ce qu’il voulait dire par l’importance de se lever enfin. Allez savoir.

Je réfléchis depuis aux propos du chansonnier sympa. Le même jour, J.-C. Laurence de La Presse confirme qu’Alex Salmon avait refusé une conférence de presse avec Pauline Marois de crainte d’être associé, par ses adversaires, à un parti aux politiques identitaires caricaturales1. Eh ben.

Aucun méthodologie, mais il vrai que tous les tenants du OUI, ici, ne parle que de décentralisation. De pouvoirs. D’efficience structurelle. De gouvernance. De pétrole. D’économie. De nucléaire. D’environnement. De taxation. De représentation parlementaire.

Comme l’explique Nasar Meer, prof de sociologie de l’Université Strathclyde, l’identité écossaise « ne repose ni sur la religion, ni sur la blancheur de la peau, ni sur la langue ou sur le fait d’avoir été Écossais pendant des générations. Du coup, il est beaucoup plus facile pour les minorités de s’identifier à la nation, contrairement au Québec ou à la Catalogne, par exemple. 2 »

En bref, pas de discours sur le « Nous ». Pas de méfiance systématique de l’Autre. Pas de charte de valeurs, non plus.

Fait du bien.

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Pour suivre Deux innocents en Écosse des tartans : http://ecosse.openum.ca

1Voir: http://www.lapresse.ca/international/europe/201409/15/01-4800301-lecosse-et-le-vote-ethnique.php

2Idem.