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Qui dit vrai à propos du budget ?

Le hasard de la rotation a amené deux membres de Génération d’idées qui ne sont justement pas des spécialistes économiques à tomber sur la semaine qui suit la sortie de l’incontournable budget provincial pour écrire un texte.

Devions-nous laisser notre tour à nos collègues économistes? La réponse nous est venue rapidement : non! Si nous, qui sommes passionnés de politique, sommes incapables de nous faire une idée sur le budget, qu’en penseront les gens pour qui la politique est aussi intéressante qu’un rendez-vous chez le dentiste?

Habituellement, lorsque l’on consulte les états financiers d’organismes ou d’entreprises, il est possible de saisir assez bien, grâce à ce qu’on appelle l’état des résultats, l’évolution des dépenses et des revenus.  On peut également comprendre la situation financière actuelle en consultant le bilan. Viennent ensuite des notes qui expliquent le détail de certains postes de revenus ou de dépenses.

Or, de la lecture du budget québécois, il ressort plusieurs impressions contradictoires. Certaines informations sont mises en évidence, alors que d’autres sont difficiles à trouver ou absentes. Par exemple, on annonce un investissement de 27 millions de dollars pour faciliter l’intégration en emploi des immigrants. Pourtant, les ministères concernés par cette mesure, soit ceux de l’Immigration et des communautés culturelles et de l’Emploi et de la solidarité sociale, font partie des ministères qui devront couper 0,9 % dans leurs dépenses. Quels programmes seront affectés pour atteindre ces objectifs? Impossible de le savoir.

Ce budget fait aussi place à des mesures sur le plan Nord. Or, dans les dernières semaines, deux études contradictoires sont sorties sur le sujet. Alors que l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques soutient que les investissements gouvernementaux dans le plan Nord surpasseront les retombées, entraînant un déficit de 8,45 milliards de dollars pour les contribuables sur 25 ans, la firme SECOR estime une valeur ajoutée cumulative de 148,3 milliards de dollars et des retombées fiscales et parafiscales de 19,5 milliards sur 25 ans. Qui croire? L’enjeu est beaucoup trop important pour rejeter du revers de la main l’une ou l’autre de ces études en se basant seulement sur l’affiliation dite « de droite » ou « de gauche » des intervenants.

Vers une plus grande impartialité

En essayant d’analyser le tout, il nous est revenu à l’esprit une proposition très intéressante suggérée  lors du premier Sommet Génération d’idées : la « création d’un organisme impartial traitant du budget ». Ce type d’organisation indépendante existe dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Suède, en Belgique et au Canada. Ainsi, au niveau fédéral canadien, le directeur parlementaire du budget (poste créé en 2008), a le mandat d’analyser de manière indépendante les finances et les dépenses gouvernementales, ainsi que les tendances de l’économie nationale.

Au Québec, le rôle du Vérificateur général se limite à la vérification des documents gouvernementaux et à la surveillance de la gestion des fonds. Le Parti Québécois propose d’élargir son mandat à toutes les sociétés d’État et de nommer un directeur parlementaire du budget, avec des mandats similaires au poste correspondant à la Chambre des communes.

Pourrait-on aller plus loin? Aux États-Unis, le Congressional Budget Office a le mandat de produire des analyses économiques et budgétaires objectives et non partisanes de façon à soutenir adéquatement le travail du Congrès en ce sens. Il traite ainsi un large éventail de programmes fédéraux et de propositions législatives ou budgétaires sous des angles tant macroéconomiques que microéconomiques, à court comme à long terme, en plus d’analyser les tendances économiques. Contrairement au directeur parlementaire du budget, qui est nommé par le gouvernement en poste et relève de la Bibliothèque du Parlement, il s’agit d’un organisme indépendant doté d’un budget et d’une équipe bien à lui. Il est donc une référence tant pour les républicains que pour les démocrates, et il permet aux citoyens américains d’avoir un avis juste et impartial sur l’impact des décisions de leur gouvernement.

Au Québec, il serait intéressant d’évaluer le potentiel de cette avenue. Une bonne partie des coûts pourrait être assumée en transférant à cet organisme certaines des ressources actuellement affectées au ministère des Finances ou à des ressources externes.

Les participants au Sommet proposaient même d’aller plus loin et de donner aussi à cet organisme un mandat de vulgarisation et d’information aux citoyens, leur permettant ainsi de mieux comprendre les enjeux des décisions gouvernementales. Comme le gouvernement assure déjà la production de documents vulgarisés en ce sens, ce rôle pourrait être partagé ou transféré vers cette nouvelle structure.

Un organisme non partisan à qui gouvernement et partis d’opposition feraient confiance ne pourrait qu’aider à regagner la confiance des électeurs envers leurs institutions, ce dont, avouons-le, nous avons grandement besoin.

Pour en savoir plus :

Directeur parlementaire du budget : www.parl.gc.ca/pbo-dpb
Vérificateur général du Québec : www.vgq.gouv.qc.ca
Budget du Québec : www.budget.finances.gouv.qc.ca/Budget/2012-2013