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L’exploitation des ressources non renouvelables à la rescousse de l’éducation.

Par Olivier Charest, Marc-André Ouellette et Jean-François Gingras

Le conflit entourant la hausse des frais de scolarité a dégénéré. Il devient difficile d’entretenir des discussions constructives, la forme des débats et les tactiques utilisées l’emportant sur le fond. On serait portés à dire que l’heure est à la solution miracle, une solution rassembleuse qui permettrait de résoudre le problème du sous-financement sans que les étudiants ou le gouvernement en fassent les frais.

C’est dans cette perspective que plusieurs proposent aux universités de « couper dans le gras » des dépenses administratives qui n’aident pas à remplir les objectifs des universités (recherche et enseignement) de manière efficace. Ça fonctionne en théorie; en pratique, toutefois, il se pourrait qu’on ait de la difficulté à séparer le bon gras (grain) de l’ivraie. Et même si l’on savait où couper, ça ne serait pas si facile. En fait, « couper dans le gras » est un principe qu’on devrait suivre en tout temps, pas seulement en situation de crise, puisque l’efficacité est un objectif qui prend du temps à mettre en place. À notre avis, ce n’est malheureusement pas ça qui permettra de résoudre le conflit actuel.

Où aller trouver l’argent?

Selon plusieurs écoles de pensée économique, il faut réinvestir une part des bénéfices tirés de l’exploitation des ressources non renouvelables afin d’en faire profiter aux générations futures (équité intergénérationnelle). C’est un peu ce que l’on fait en ce moment, en versant une partie des redevances perçues sur les ressources naturelles au Fonds des générations, lequel est affecté exclusivement au remboursement de la dette du gouvernement. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un « investissement » à proprement parler, les sommes remboursées par ce Fonds « rapportent » sous forme d’intérêts que nous n’avons plus à verser sur la dette.[1]

Or, ce n’est qu’une partie des redevances qui est versée au Fonds des générations : le reste est en bonne partie versé au fonds consolidé du revenu, lequel sert à payer les divers programmes du gouvernement. En fait, le fonds consolidé sert de plus en plus à payer les frais du système de santé, au détriment des autres postes budgétaires. Dans ce contexte, le système d’éducation fait partie des grands perdants, d’où le sous-financement des universités et la solution proposée par le gouvernement : hausse des frais de scolarité.

Il faut donc stopper l’hémorragie, et un moyen d’y arriver, c’est de consacrer une part importante des redevances issues de l’exploitation des ressources non renouvelables (mines, gaz et pétrole) à un fonds spécial, destiné uniquement à l’éducation. Depuis le temps que l’on dit que l’éducation est un excellent investissement, pour les individus comme pour la collectivité (moteur de l’économie, facteur de mobilité sociale, etc.)…

Le problème, c’est de trouver de « l’argent neuf » : en détournant des sommes qui vont présentement au fonds consolidé pour les mettre dans le fonds de l’éducation, le gouvernement devra inévitablement couper dans ses dépenses financées à même le fonds consolidé puisque celui-ci recevra moins d’argent. Or, les redevances minières constituent en quelque sorte de « l’argent neuf » : grâce à l’appréciation de la valeur des métaux et aux réformes de la fiscalité minières des dernières années, les redevances ont explosé, passant d’une moyenne de 42 millions $ par année (de 2006-07 à 2009-10) à 305 millions $ en 2010-11.

Il faudrait donc tout de suite bloquer une partie de ces redevances pour l’avenir en adoptant une loi prévoyant que cette partie des redevances doit être déposée dans un fonds pour l’éducation, avant que le gouvernement ne s’habitue à la flexibilité qu’offrent ces revenus dans son budget. Évidemment, il ne faudrait pas que le gouvernement compense en coupant d’autant les crédits alloués à l’éducation à partir du fonds consolidé. Par ailleurs, le fonds de l’éducation devra être géré prudemment pour tenir compte des fluctuations des redevances (selon les fluctuations du prix des ressources).

Ça ne réglera pas tout, mais c’est un début. Cela dit, avant de pouvoir discuter de ce genre de solution, il faudra rétablir le climat malsain qui prévaut actuellement. À cette fin, nous joignons nos voix à toutes celles qui réclament la présence d’un médiateur dans les négociations : une personne respectée des Québécois, compétente, et qui sera en mesure d’avoir la confiance du gouvernement et des étudiants. Avez-vous des suggestions?

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Génération d’idées souhaite mettre l’épaule à la roue et organisera un Remue-GEDI sur les solutions permettant de combler le manque à gagner de 300 millions $ faisant l’objet de la grève, incluant la possibilité d’utiliser les ressources naturelles comme levier pour financer l’éducation. Les carrés de toutes les couleurs seront invités à participer à la discussion. La date sera bientôt fixée. Suivez-nous sur notre page Facebook ou sur notre site web pour en savoir davantage.


[1] On peut toutefois se questionner sur l’aspect équité intergénérationnelle rattachée à l’existence même d’une telle dette, dont une proportion importante n’a pas de contrepartie en matière d’actifs…