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Pleurer pour le Grand Prix? Distinguer la violence de la désobéissance

La crise perdure. Au point de presse suivant la rupture des négociations entre son gouvernement et les associations étudiantes, jeudi soir, l’Amiral Charest a cru bon ajouter encore un peu d’huile sur le feu en dramatisant sur les manifestations et perturbations économiques à venir. Il a continué d’attiser la peur collective en faisant allusion à des menaces qui lui auraient été adressées par les associations étudiantes. Il semble même qu’on aurait osé marmonner quelques allusions au sacro-saint Grand Prix de Montréal? Sacrilège! Un événement si rassembleur! Un événement pourtant si moderne, porteur de valeurs tellement rafraîchissantes comme, euh… des V12 qui brûlent du gros gaz, des pitounes plastifiées, des petites vedettes dont on se régale des moindres syllabes, de l’argent public donné à un vieux milliardaire étranger douteux… Vraiment, un événement super, je vous dis!

J’ESPÈRE qu’il y aura des manifestations au Grand Prix, que ce soit des étudiants qui sont en grève depuis bientôt quatre mois, un peu tannés de se faire cracher au visage; que ce soit des familles, des citoyens, des avocats, des policiers (pourquoi pas? Ils doivent commencer à en avoir pour leur argent eux aussi…), outrés de voir leur gouvernement incapable de régler une crise sans s’attaquer aux libertés fondamentales, insultés de voir leur premier ministre faire la une des journaux du monde entier pour ses actions disgracieuses. Si l’Amiral Charest ne voulait pas qu’on en arrive à des perturbations économiques, s’il avait voulu régler la crise, il aurait pu le faire depuis longtemps, ce ne sont pas les occasions qui ont manqué. Il a choisi de laisser pourrir. Ainsi soit-il!

Comprenez-moi bien : ceci n’est pas un appel à la violence. Je reste convaincu qu’elle ne fait qu’envenimer les choses. Lancer une roche dans une vitrine, c’est jouer le jeu du gouvernement, c’est offrir du carburant à une éventuelle campagne électorale sur la loi et l’ordre… La désobéissance, elle, peut très bien s’exercer de manière tout à fait pacifique, comme le démontre d’ailleurs quantité de manifestations « illégales » quotidiennes à travers le Québec depuis l’adoption de la loi 78. Si manifester, c’est désobéir, alors désobéissons.

Le Grand Prix me semble être l’événement par excellence pour mettre en lumière une vision un peu dépassée de la société. Sommes-nous certains de vouloir d’un divertissement où, moyennant quelques centaines de dollars, nous pouvons aller nous détruire les tympans en respirant la douce odeur du caoutchouc brûlé, sachant tout ce que nous savons sur les impacts à venir des changements climatiques? Si vous cochez oui ici, je vous prie aussi de tenir compte des dizaines de millions de dollars que nos gouvernements devront continuer à investir de temps à autre pour garder l’événement à Montréal.

Si 200 000 personnes pacifiques dans les rues à quelques reprises ne font pas réfléchir l’Amiral et ses loyaux serviteurs, commenceront-ils à y réfléchir alors que les caméras du monde entier sont présentes au Grand Prix? Cet été, quel mandat donnera-t-on à la police pour la surveillance des grands événements? Aller vérifier un par un si les gens écoutent bien un concert de jazz en plein air, ou s’ils ne seraient pas plus tôt en train de manifester une opinion politique contraire à l’opprimante et pathétique loi 78?

Est-ce que ça prendra une nouvelle loi, prévoyant d’autres genres de mesures d’exception? Où nous emmenez-vous, Amiral Charest?