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Pierre Lapointe à la salle Odyssée: Foule sentimentale

Pierre Lapointe est un gars d'ici. Un gars qui a passé son adolescence à traîner aux Promenades de l'Outaouais (« aux proms », comme il l'a lancé, à la blague), qui a déambulé dans les corridors bruns du Cégep de l'outaouais… C'est peut-être la raison pour laquelle l'Outaouais l'aime tant. Ou peut-être pas. Il se pourrait aussi que Lapointe ait rempli hier soir la salle Odyssée parce qu'il est tout simplement bon. Et que ces Sentiments humains sont ceux de monsieur madame Tout-le-monde : de la jeune ado groupie (hommage aux deux jeunes qui ont bondi de leurs sièges pour danser pendant Au bar des suicidés), en passant par les fanas de musique franco, jusqu'au maire de la ville (j'étais assis juste à côté de lui…). Pierre Lapointe connaît sa force : un piano qui rend universels des textes plus que personnels.

Quand Sentiments Humains, troisième CD de notre ami Lapointe, est paru, je lui reprochais son herméticité, ce détachement quasi clinique qui m'empêchait d'entrer encore une fois dans sa forêt peuplée de magnifiques champs lexicaux. Heureusement, sur scène, Sentiments Humains prend une dimension plus sereine et Pierre lui-même a su trouver la note juste pour aborder ce trop-plein d'émotions, de questionnements, de doutes et d'amour qui colore les pièces de l'album. Le fait d'être devant un public qui l'a vu grandir lui donne probablement un peu plus d'assurance pour ses interventions entre les chansons qui sont pour la plupart aussi décousues qu'hilarantes. Tantôt il nous fait part de sa peur d'avoir contracté la gastro (à plusieurs reprises tout au long du spectacle) puis, il raconte avec humour sa collabo avec Richard Desjardins. Avec l'interprétation de Moi, Elsie, qui figure sur le premier album de l'ancienne de Taima, Elisapie Isaac, Pierre Lapointe fait mouche : les mots de Desjardins sont bercés par son timbre si singulier que la mélodie se fait envoûtante et ô combien mélancolique. Armé de six musiciens (Philippe Brault, à la direction musicale), Pierre Lapointe est bien entouré. Les arrangements sont parfois fidèles aux originaux (magnifique Lion imberbe) ou modifiés de façon audacieuse (Deux par deux rassemblés, interprétée au ukulélé et à la flûte à bec). Quoi qu'il en soit, les quelques mille personnes présentes hier à la salle Odyssée partageaient l'intime conviction que, sous son habit d'homme imbu de lui-même et pince-sans-rire, Lapointe était, à tous moments, d'une grande sincérité.