Fantasia n’est plus synonyme d’hémoglobine giclant tel un sprinkler les jours de canicule. Ce n’est plus le festival dédié seulement aux geeks émergeant de leurs sous-sols pour aller se goinfrer de films douteux. C’est aussi ta grand-mère qui peut y trouver son compte avec un film danois ou ton ami habituellement coincé qui subitement se déguise en Chewbacca les soirs de première.
Fantasia, c’est une myriade de gens transcendée par le 7ième art qui se retrouve durant 30 jours depuis presque 20 ans. Évidemment, des liens se tissent entre eux et plus le temps passe, plus l’évènement devient non plus un festival, mais des retrouvailles. Nous sommes allés à la rencontre du noyau dur de Fantasia, des bénévoles aussi loyaux que Brienne de Tarth l’est aux Starks. Voici Daniel. Star du festival.
Fan fini de films de genre, il se qualifie lui-même comme fanatique. Il était là au tout début, alors que Fantasia ne présentait que des films asiatiques. D’abord consommateur du festival, il en devient rapidement le porte-étendard.
– Sur la scène, je suis là pour réchauffer la foule, comme un chef d’orchestre.
En effet, à la première d’Ant-man, il a tout simplement rangé le porte micro tout en le brandissant en l’air. L’effet est immédiat dans la foule : vrombissement lourd et pluie d’applaudissements, Daniel, c’est le Zeus qui commande le tonnerre! Il m’a raconté qu’en 1998, le film de clôture était ‘’Vampire’’ de John Carpenter. Le réalisateur était présent et à la fin du film, le public l’avait applaudi timidement. Lorsque Daniel est apparu sur scène, l’ovation était totale.
– J’étais gêné, j’ai eu plus de succès que John Carpenter!
Un autre pilier du festival n’est nul autre que la flamboyante madame Brown. Personnage évadé d’un roman, cette grande brune a vu le Fantasia naitre. Je l’ai trouvé entrain d’échanger des VHS avec l’un de ses collègues, Netflix peut aller se rhabiller. Elle me raconte qu’elle voue un culte à Christopher Lee, et c’est un peu grâce à lui qu’elle s’est intéressée au film de genre. Elle est tombée amoureuse des vampires avant qu’ils ne soient hip, au point où elle les incarnait sur scène. Elle me montre sa bague calquée sur le modèle du comte Dracula, et me sort un DVD produit à l’époque par Fantasia où elle tient le rôle principal.
– Prends-le, tu m’en donneras des nouvelles. La plupart du décor m’appartient; les luminaires, les draps de soie, les chandeliers, tout ça est inspiré des vieux films de vampire. C’est mon hommage au cinéma de genre.
Elle me raconte milles anecdotes ; la fois où elle fait un high five à Tony Todd alias Candy man, la fois où elle a attendri Luke Skywalker avec son petit R2D2, la fois où elle a voulu faire plaisir à Roy Dupuis en lui dégotant une bière d’épinette.
J’ai eu aussi la chance de tomber sur Rick, grand ténébreux, artiste et cinéphile. Ses grandes lunettes noires lui donnaient l’air de venir du futur. Pourtant, il est de ceux qui ont vu le festival depuis ses premiers balbutiements. Il vendait ses croquis et des BD près du stand qui affiche le film The Hallow ( par ailleurs terrifiant as shit). Il me dit qu’il confectionnait jadis les trophées qui consacraient les meilleurs films.
– C’était assez fragile comme trophée! La fois où j’ai eu le plus peur, c’est lors de la remise du trophée à José Mojica Marins pour son film The Strange World of Coffin Joe. Comme José avait d’immenses ongles retroussés, sa poigne était faible. Il faisait tanguer le trophée de gauche à droite, le tenant par ses ongles!! Je retenais mon souffle!
J’ai aussi rencontré Christian, bénévole depuis dix ans. Pour éviter les lignes d’attente de plus en plus longues, il s’est dit qu’il était plus logique de se retrouver de l’autre côté des bollards. Lorsqu’il me parle du festival, ses yeux s’illuminent comme un gosse devant un kiosque à bonbons.
– Les films choisis sont de qualités, toujours près du public. D’ailleurs, ce public, c’est un peu devenu ma famille.
C’est un peu ça le festival Fantasia, les films ne sont pas nécessairement sur l’écran, mais tout autour. Allez-y, parlez aux bénévoles, c’est d’abord par eux que la magie du cinéma s’opère.