BloguesHervé Fischer

Le piège électoral

Charest pouvait aisément décréter un moratoire sur l’augmentation des frais de scolarité jusqu’aux prochaines élections sans perdre la face, ni s’engager au-delà, et ramener la paix sociale.
Il a exclu cette décision rationnelle et apaisante, préférant se montrer fort et rompre les négociations. Depuis quinze semaines, il a ainsi poursuivi une stratégie de pourrissement de la paix sociale. Cette attitude démontre clairement que Charest poursuit une stratégie électorale qui n’a plus rien à voir avec l’équilibre des dépenses et recettes budgétaires des universités. Persuadé de l’échec annoncé de ces fausses négociations, j’ai écrit dans ma précédente chronique que Charest, espérant bénéficier du désordre de la rue, annoncerait des élections pour le début juillet malgré les difficultés de cette date. Je me suis trompé. Comment tiendra-t-il alors la route d’ici les élections si elles ont lieu à l’automne ? Il peut espérer que l’agitation sociale et les manifestations s’amplifient et détournent l’attention des médias des révélations de la commission Charbonneau. Il peut aussi calculer que le tintamarre de la rue lui assure la majorité électorale que son bilan ne lui donnerait normalement pas.
Bref, cette stratégie, qu’il semble poursuivre avec une étrange obstination, repose sur le piège électoral qu’il a ouvert tout grand. Voilà une double contrainte difficile à gérer pour les manifestants. Se démobiliser, c’est donner raison à Charest et assurer sa victoire. Manifester, c’est donner tort à Charest, mais mobiliser cette « majorité silencieuse » invoquée par Charest au soir de la rupture des négociations, et sur laquelle il compte, à tort ou à raison, pour assurer sa victoire électorale ou au moins limiter celle de l’opposition.
L’opposition elle-même a fort à faire pour éviter le traquenard. Elle est solidaire des étudiants, mais ne peut ni soutenir le désordre, ni appeler à l’apaisement comme le fait hypocritement Charest. On ne peut nier dans ce cas l’habileté manœuvrière de Jean Charest, qui pourrait s’avérer efficace. A suivre.