J’ai besoin d’absurdité. Après plus de 100 jours de conflit étudiant, après d’innombrables chroniques, éditoriaux, reportages, analyses, et alors que le milieu journalistique semble se rapprocher d’un certain nihilisme, j’ai besoin de décompresser. Tandis que les reporters arborent un air quelque peu désemparé devant le flot de commentateurs, de blogueurs et de donneurs d’opinion, il semble manquer une certaine capacité de recul dans la sphère médiatique québécoise, histoire de faire le point, et peut-être de prendre quelques instants pour rire un bon coup avant de se replonger dans la crise.
Car il s’agit bien d’une crise. Avec un aspect politique et social impossible à occulter, certes, mais également avec un aspect médiatique. La professeure de communication de l’Université Laval Colette Brin a d’ailleurs très bien résumé la chose dans un billet publié sur son blogue, plus tôt cette semaine, en parlant de l’impact de cette « première crise de l’ère numérique » sur les médias et de leur méthode de traitement.
Où que l’on regarde, l’opinion est reine. Si la situation n’était pas excessivement différente auparavant, l’effet cumulatif de plus de 100 jours de conflit étudiant et de la loi 78 se fait drôlement sentir en ligne et dans les salles de rédaction. Je ne compte plus les chroniqueurs, blogueurs et « experts » qui se sont exprimés sur la question, ont donné leur avis, ou ont répandu leur fiel par média interposé. Pour, contre, carré vert, rouge, blanc, bleu, orange… On se croirait coincés dans une spirale inflationniste. C’est à savoir qui pondra la chronique la plus engagée, l’éditorial le plus tranchant, ou encore le billet de blogue le plus percutant. Ce qui semble de plus en plus évident, cependant, c’est que l’effet de tous ces commentaires, toutes ces interventions ont plongé une partie du monde journalistique québécois dans une sorte de léthargie. N’allez pas penser que les médias ne font pas leur travail, au contraire. Les journaux, réseaux de télévision, stations de radio et médias Internet sont à pied d’œuvre pour couvrir le moindre aspect du conflit, des arrestations de masse au loyer impayé de Gabriel Nadeau-Dubois.
Ce qui manque cruellement, cependant, c’est un grain d’humour. Une pointe de parodie. Quelque chose pour relâcher la pression, offrir un point de vue véritablement détaché de la situation actuelle. En ce sens, j’imagine que Jean-René Dufort se mord un peu les doigts du fait que l’équipe d’Infoman et lui-même soient en vacances jusqu’en septembre. Il avait certes promis à Jean Charest un petit tour de sa part si le premier ministre déclenchait des élections, mais je suis certain qu’il n’avait pas envisagé toute l’ampleur que prendrait le conflit étudiant.
Je lance donc un appel à tous : existe-t-il, au Québec, une personne ou un groupe de personnes qui oseraient s’attaquer à cette montagne qu’est devenue le conflit social pour en tirer quelques farces bien pensées, et surtout pour examiner en détail le travail des médias, histoire de présenter quelques perles ? Après tout, je ne peux ni porter le carré rouge, ni porter le carré vert, ou encore moins casser des vitrines, pester contre les manifestants ou faire résonner mes casseroles. Voilà pourquoi cette version québécoise du Daily Show ferait certainement un bien immense. Parce qu’après tout, nous avons tous besoin d’un peu d’absurdité, non ?
La photo de MC Gilles? https://www.facebook.com/photo.php?fbid=359218627475825&set=a.110023615728662.12938.101066336624390&type=1&theater
Jean-René Dufort a une chronique à C’est Bien Meilleur Le Matin chaque vendredi, vers 8h30. Il en a d’ailleurs profité ce matin pour rire un peu de certains aspects du conflit.