BloguesHugo Prévost

La première fois

C’est toujours plus difficile la première fois; votre cœur bat fort, vous avez chaud, vous craignez de vous planter lamentablement et que votre réputation soit foutue. Et la plupart du temps, le résultat est moyen.

Pourtant, alors que j’en suis déjà à ma cinquième année en journalisme professionnel, cette peur de l’échec me taraude toujours. Même si ce sentiment est moins présent qu’avant, une partie de mon cerveau craint encore que j’aie l’air fou lorsque j’aborde des gens pour des entrevues, que j’envoie des demandes d’informations, ou lorsque je me présente – en tant que journaliste de La Presse Canadienne ou pour Pieuvre.ca.

Cela tient peut-être à la vision que j’ai du monde journalistique, ou plutôt de la vision que j’en avais avant de véritablement m’y intégrer en tant que journaliste/rédacteur en chef. Quelle vision, me demanderez-vous? La vision d’un monde où les journalistes tentent d’atteindre un idéal, non pas celui de l’objectivité (quoique cela ait beaucoup à voir), mais plutôt celui de la vulgarisation. Vulgarisation du monde et de ses rouages pour mieux informer les citoyens, mais aussi vulgariser l’existence pour être soi-même en mesure de comprendre ce qui se passe dans l’univers, et sur une petite planète appelée la Terre.

La curiosité, voilà l’une des raisons pour laquelle j’ai décidé de me lancer en journalisme. Selon moi, si un journaliste n’est pas poussé à s’intéresser à un sujet par pure curiosité intellectuelle, le résultat sera au mieux passable. Par contre, si l’intérêt y est, cela donne des reportages tels que ceux que l’on retrouve dans le Sunday Magazine du New York Times, ou tout simplement, à l’opposé, un court texte bien ficelé, et qui vient éclaircir certains points d’un domaine que l’on pourrait à tort considérer comme sans importance.

En choisissant le journalisme, et en partie en lançant un média web, j’ai ainsi pu me pencher sur quantité de sujets que je n’aurais pensé approfondir auparavant. Cela donne bien sûr l’occasion d’effectuer des rencontres passionnantes, mais aussi de simplement se coucher moins idiot le soir venu. Cependant, même avec des centaines de textes, après des dizaines d’entrevues – y compris au nom de La Presse Canadienne –, j’ai toujours cette petite peur au ventre, comme un enfant qui craint de se faire sermonner s’il ose s’intéresser aux mêmes sujets que les grands. C’est sans doute le même genre de crainte qui provoque quelques instants de flottement lorsque je peux serrer la main d’un ou une journaliste que j’admire. Le tout donne quelques fois des résultats un peu gênants, comme le fait d’interrompre non pas une, mais deux fois la conversation du chroniqueur Michel David dans un bar de Québec pendant un congrès de la FPJQ pour lui remettre une carte d’affaires d’étudiant en journalisme. Ou encore d’être nerveux à un point d’être quasiment incapable d’adresser la parole à Jean-René Dufort, au détour d’un couloir de l’Université de Montréal.

Malgré cette peur sans doute irrationnelle, le journalisme demeure, à mes yeux, une aventure en terrain inconnu. Au lieu d’une épée et d’un bouclier, toutefois, je suis armé d’un carnet de notes, d’une enregistreuse, d’un appareil photo, d’une caméra, d’un téléphone, d’un téléscripteur…

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Petit moment irréel, jeudi, alors que l’entièreté de la salle de rédaction de La Presse Canadienne regardait la conférence de presse des leaders étudiants, puis celle du gouvernement. Voilà l’un des aspects extraordinaires du métier de journaliste : alors que le monde n’arrête jamais de tourner, amenant une quantité incroyable de nouvelles, la planète peut malgré tout ralentir légèrement son rythme, le
temps d’une heure ou deux. Pour ensuite repartir toujours plus vite.