BloguesHugo Prévost

Storify/Flipboard/Instapaper est mort, vive… vive quoi, au juste ?

Un vent souffle sur les plaines du journalisme; pas question, ici, de Bretagne armoricaine, mais plutôt de cette pression immuable à constamment s’adapter, à innover, à se réinventer pour trouver de nouvelles manières d’informer, de rendre compte, de vulgariser, de résumer.

L’ami Alexandre Cayla publiait la semaine dernière un billet de blogue intitulé «Les startups ne sauveront pas le journalisme», dans lequel il explique que le foisonnant secteur des nouvelles entreprises offrant des méthodes innovatrices pour consommer du contenu média ne sera sans doute pas la panacée des médias traditionnels – et mêmes web -qui peinent à trouver un modèle d’affaires fiable. Cependant, dit M. Cayla, ces entreprises peuvent aider les journaux, télés et autres radios à identifier les raisons qui poussent le public à s’informer (le pourquoi), plutôt que simplement connaître ce sur quoi il s’informe.

L’argumentation a du bon, disons-le franchement. Après tout, comme l’avance M. Cayla, une meilleure compréhension des motivations derrière l’acte d’allumer la télé ou la radio, ou encore d’ouvrir le journal ou de naviguer sur un site d’information permet de concevoir une meilleure «expérience utilisateur». Le tout permet ainsi, à terme, d’attirer plus de lecteurs en facilitant leur parcours au sein du média, la plupart du temps sur le web. C’est en effet sur Internet que se retrouvent la majorité des innovations médiatiques, même si celles-ci sont souvent récupérées par des médias traditionnels.

Il ne faut cependant pas oublier, précisait un billet de blogue lu récemment et dont j’oublie le titre, que ces fameuses startups qui ont «révolutionné» notre façon de consommer du contenu, possèdent la plupart du temps un modèle d’affaires intenable. Parmi les plus connues, YouTube et Instagram ont toutes deux été rachetées par des grands joueurs du milieu technologique, respectivement Google et Facebook, sans avoir véritablement démontré une capacité de rapporter des revenus conséquents. Il est donc improbable qu’un média puisse se lancer dans le vide, avec un service venant combler une niche relativement spécifique, dans le seul espoir d’être racheté à terme par une entreprise aux poches profondes.

Maintenant, il est certain que l’expérience des utilisateurs, des lecteurs, des téléspectateurs et des auditeurs peut être améliorée, du moins jusqu’à un certain point. Un article restera un article, peu importe si celui-ci est lu dans un journal, ou consommé à l’aide des lunettes branchées actuellement mises au point par Google. Jusqu’à ce que nous trouvions le moyen de nous brancher directement sur l’information à l’aide d’un implant cérébral, les journalistes en seront quittes à utiliser le texte, l’audio et la vidéo, comme c’est le cas depuis plus d’un demi-siècle.

Je ne prétend pas non plus posséder la vérité ultime sur ce que les médias doivent changer, faire ou accomplir afin de renouer avec les profits, l’employabilité et les jours meilleurs – si seulement!

Ce que je crois, cependant, c’est que les nouvelles entreprises – et les nouveaux médias – peuvent aider les dinosaures journalistiques (et tous les autres) à évoluer pour adopter de meilleures pratiques, particulièrement sur Internet. Ce dont je suis persuadé, toutefois, est que la forme ne triomphera jamais sur le fond. Comme l’a en partie prouvé l’expérience du Daily, ce quotidien numérique de News Corp. lancé uniquement sur iPad, les lecteurs aiment les nouvelles expériences technologiques, soit, mais ils aiment également le contenu intéressant.

Avant de se jeter tête baissée dans la nouvelle tendance techno du moment permettant de consommer du contenu médiatique sur son réveil matin en provenance de sa tablette branchée en synergie avec son téléphone, son implant neurologique et la laveuse au sous-sol, les médias doivent susciter les envies des lecteurs, téléspectateurs, auditeurs et internautes.

La rédemption sera longue et pénible; il s’agit de renouer avec les racines du journalisme, de retrouver ce plaisir de la nouvelle et de l’enquête, la passion du travail bien fait. En s’empâtant dans des sujets qui reviennent constamment – attention, il neige / il fait chaud / les gens déménagent, les médias perdent des «clients» qui iront voir ailleurs, ou qui vont simplement se lasser de lire/voir/entendre toujours les mêmes nouvelles.

Les startups ne sauveront pas le journalisme? Peut-être pas. Mais elles pourraient bien aider à améliorer le contenant, une fois que le contenu sera au point. Après tout, ce n’est pas une tablette avec la dernière application d’agrégation que j’emmène aux toilettes. C’est mon bon vieux journal.