BloguesHugo Prévost

Le visage journalistique à deux faces

On dit que l’imitation est la plus belle forme de flatterie; en journalisme, toutefois, cette propension à l’imitation – qui ne doit pas se confondre avec une tendance au plagiat – devrait s’accompagner d’une certaine dose de jalousie. Comment? J’ose parler de jalousie professionnelle? Certainement, et je n’ai pas honte de l’avouer : je suis jaloux de certains journalistes. Envieux serait-il un meilleur mot?

Quoi qu’il en soit, je suis persuadé que ce désir d’être aussi bon que les meilleurs – voire les surpasser – sert de puissant outil de motivation chez de nombreux travailleurs du secteur médiatique. Certes, il y a toujours moyen de développer une carrière en journalisme en visant toujours le centre, en ne faisant pas de vagues, en conservant ses acquis sans rien risquer. Il n’y a, en fait, rien de mal là-dedans. Après tout, chacun finit par arriver, dans sa vie, à un point ultime où il fait bon s’arrêter pour profiter de ses atouts.

Cependant, qu’y a-t-il de répréhensible à l’idée de vouloir faire mieux que les autres? À vouloir se dépasser constamment, à produire plus, à produire mieux, à rejoindre plus de lecteurs, à susciter plus de commentaires, de pages vues et j’en passe? Attention, toutefois, à ne pas faire en sorte que cela devienne maladif : l’ambition en tant que fin est vide de sens. Il faut plutôt voir l’ambition comme un moyen de réaliser pleinement son potentiel, ou encore développer davantage son talent. Voilà certainement une situation à laquelle ne m’a pas préparé ma formation en journalisme…

Je veux tout de suite vous rassurer, je ne me lève pas en pleine nuit pour caresser doucement mon clavier et ma souris en susurrant « Mon précieux… ». Par contre, lorsque je vois un bon article, un bon topo vidéo, ou encore un beau produit radiophonique, cela me pousse à vouloir me dépasser davantage. Je ne suis absolument pas narcissique ou jaloux à en tomber malade, mais puisque le journalisme est tout d’abord pour moi une quête de connaissances et une tentative de comprendre le monde et ses rouages, pourquoi ne pas se fixer des objectifs qui nécessiteront une bonne dose de travail? Le résultat ne peut que profiter à tout le monde, tout en donnant le sentiment du travail accompli. Après tout, je suis encore un « jeune » journaliste; j’ai beaucoup à apprendre, et tout autant à accomplir.

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Parlant de bon produit radio, j’ai trop longtemps passé sous silence le travail extraordinaire accompli par l’équipe de l’émission This American Life. Chaque semaine, on y présente des reportages fouillés, complets et abondamment documentés. Une erreur de programmation concernant un reportage sur les usines des tablettes iPad, en Chine a d’ailleurs fait l’objet d’une rétractation d’une heure de la part de l’animateur et producteur exécutif Ira Glass; l’émission avait diffusé une lecture d’une pièce de théâtre sur une visite dans ces fameuses usines chinoises, dont l’auteur prenait un peu trop de libertés par rapport à la réalité.

Cette semaine, sous le thème de la mascarade, l’équipe de l’émission enquête sur la délocalisation du journalisme, un sujet qui a fait bondir plusieurs collègues sur les réseaux sociaux. On y raconte comment des médias mettent à la porte des journalistes américains bien payés pour retenir les services de « pisse-copies » sous-payés souvent installés aux Philippines ou ailleurs, très loin des villes où sont situés les médias pour lesquels ils travaillent. Une pratique qui laisse présager de temps bien sombres pour la profession…