BloguesHugo Prévost

La tempête parfaite

Les partis politiques sont prêts, les candidats aussi, les autocars sont réservés… et, plus important que tout, les médias semblent également prêts à entrer en campagne électorale. Pas que les acteurs du milieu journalistique aient particulièrement le choix, remarquez. Avec les Olympiques qui se poursuivent jusqu’au 12 août, soit environ jusqu’à la moitié de la campagne, nul doute que bon nombre de salles de rédaction auraient préféré des élections en septembre, plutôt qu’en août.

Il règne toutefois une ambiance particulière dans les médias une fois la campagne déclenchée, et même dans les journées qui précèdent la dissolution du Parlement. Les reportages politiques se multiplient, les entrevues également, et des journalistes ont parfois l’heureuse surprise de couvrir de multiples dévoilements de candidatures, ou des annonces gouvernementales survenant mystérieusement quelques semaines avant une rencontre chez le lieutenant-gouverneur. Lorsque la campagne est enfin déclenchée, la routine habituelle se met en place : les autobus de campagne, les discours quotidiens, les sorties contre les adversaires… La machine est bien huilée, et comme cela était écrit dans Maria Chapdelaine, au pays de Québec, rien ne doit changer.

Rien, vraiment? En fait, les transformations des méthodes médiatiques pour couvrir la campagne électorale sont déjà visibles, même si elles doivent toujours céder la place aux bonnes vieilles recettes traditionnelles. De toute façon, personne ne voudrait voir la télé, la radio et les journaux disparaître. Ce que cette campagne électorale, offre, toutefois, particulièrement avec la place dominante qu’occupent les réseaux sociaux aujourd’hui, est une perspective inédite sur les autres campagnes électorales, celles qui se déroulent loin des médias nationaux… Je parle ici des candidats locaux qui sont moins connus que leurs chefs ou les candidats vedettes. Bien sûr, il faudra couvrir MM. Charest, Legault, Aussant, Khadir et Mme Marois. Mais comme l’a démontré la gaffe sur Twitter d’un certain ex-candidat caquiste, il faudra aussi surveiller ce qui se passe directement sur le terrain, entre deux séances de porte à porte et un dîner spaghetti.

Ce que cette campagne pourra offrir aux journalistes? La possibilité d’éviter l’enfermement constaté lors des dernières élections fédérales en consacrant peu de ressources, certes, mais des ressources malgré tout à offrir davantage de couverture locale, un aspect qui manque cruellement lors des campagnes électorales.

En campagne électorale, les médias se retrouvent d’ailleurs dans une position plus particulière qu’à l’habitude. Si les partis politiques peuvent parfois faire preuve de dédain envers les représentants du quatrième pouvoir en temps normal, une campagne électorale représente l’occasion, pour certain, de devoir cohabiter avec leurs pires ennemis. Les médias deviennent alors une étape incontournable pour transmettre un message à la population, mais sont aussi des entités pouvant se montrer têtues, agaçantes et impossibles à vivre pour les politiciens. Il en va de même pour les journalistes qui, en prenant l’exemple de la campagne conservatrice de 2011, doivent endurer des conditions de travail absurdes pour accomplir leur devoir. Pourquoi, alors, ne pas envoyer un message clair aux politiciens stipulant que les journalistes ne sont certainement pas des pantins pouvant être manipulés selon le bon vouloir des formations politiques? Le milieu journalistique serait-il à ce point dépendant des informations que tous les médias diffuseront qu’il est impossible de faire valoir le droit à une ambiance de travail humaine?

D’ailleurs, parlant de conditions de travail, l’attitude du Parti libéral du Québec, qui a décidé de ne pas publiciser le lieu d’un événement organisé mercredi soir dans la circonscription de Taschereau, porte à confusion. Craindre les manifestations étudiantes peut sembler logique pour un parti qui est aux prises avec une crise sociale depuis plusieurs mois, mais d’un point de vue médiatique, c’est une catastrophe. Qu’annonceront les médias? Non pas l’événement en tant que tel, mais l’absence d’informations sur celui-ci. Ou tout simplement – qui sait? – parler d’un autre parti ou d’un autre sujet?

Les médias sont peut-être votre pire ennemi en campagne électorale, mais tâchez donc d’en faire des amis, ce sera beaucoup plus simple…