Le sourire de Saul
Grand Prix à Cannes cette année, ce premier long-métrage d’un jeune réalisateur hongrois est une expérience limite dont il est difficile de sortir indemne.
Avec Son of Saul, je m’attendais à une grande mise en scène, un film différent et très intense sur le drame d’un prisonnier du nom de Saul Ausländer. Mes appréhensions étaient justes, mais je ne m’attendais pas à un tel déferlement d’images oppressantes. Tout le monde était épuisé et las après la projection de ce matin.
Première fiction du Hongrois Laszlo Nemes, Son of Saul dépeint deux jours dans la vie d’un prisonnier d’un camp d’extermination nazi. Saul est membre d’un Sonderkommando, ces escouades de prisonniers qui étaient chargés de la crémation et du dispersement des cendres. Il retrouve un jour le corps de son fils. Le film dépeint sa quête pour lui faire une sépulture et l’enterrer décemment au cœur des ténèbres.
C’est une vision de l’enfer, à trois moments différents de la projection j’ai voulu partir de la salle, trop oppressé par l’expérience sensorielle du film. Le film est filmé bien souvent en plan subjectif. La caméra est tourmentée et offre une incursion totale dans la réalité morbide et violente du camp. Le traitement sonore est à ce propos terriblement efficace : le son des brosses qui nettoient les latrines, le cri des soldats allemands, les coups de poing dans les murs des gazés de ces douches de la mort, les bergers allemands, les mitraillettes, le son des flammes qui consument les corps en morceaux…
Son of Saul est avec The Ditch (de Wang Bing) l’une des expériences les plus intenses que j’ai vécu en tant que spectateur au cinéma. Un déplaisir pédagogique.