Cette deuxième journée avait pourtant bien démarré…
Après une soirée d’ouverture arrosée à lier connaissance, fêter, se connaître….et une nuit trop brève, il y avait une suite à ce séjour en Acadie, une suite qui sera funeste et franchement noire. Mais à ce moment-là personne ici ne se doutait de cette satanée suite des évènements.
Rassemblés dans le hall de l’hôtel avec des visages cernés et des têtes de matin malgré le début d’après-midi, nous attendions nos transports pour un lieu franchement lumineux et fort, la chapelle Sainte-Anne de Beaumont.
C’est un peu comme s’il nous fallait un pèlerinage avant de véritablement entreprendre notre marathon de films. Et c’est ici qu’a eu lieu mon premier amour pour Moncton, mon premier kick avec cette ville qui de prime abord n’est pas particulièrement séduisante. Un festival, j’en suis persuadé, est comme une amourette intense et brève et trouve son sens et sa signification dans les rencontres humaines. Et c’est la programmatrice en chef du festival, Marie-Renée Duguay qui m’a ouvert le regard et permis de cerner un peu mieux la réalité de ce FICFA et l’écosystème culturel de la ville de Moncton.
« Nous sommes ici quarante mille francophones, ce qui constitue une petite communauté. La programmation que le festival propose est engagée envers cette population et tente d’ouvrir les perspectives en leur offrant un cinéma d’auteur qui les fait sortir de l’habituelle proposition du cinéma que l’on voit ici. Il n’existe pas de réel accès à un cinéma francophone, les films ne se rendent pas jusqu’à nous, c’est la base à comprendre quand on vient au FICFA. »
Le décor est planté et cette réalité éclate à mes yeux, comme le décor sublime qui se profile devant nous au moment de cette discussion, la rivière Petitcodiac et l’incroyable mascaret (merci Marc pour l’histoire) qui la remue. Je commence à comprendre que le FICFA milite simplement par le fait d’exister dans un espace où le fait francophone ne va pas de soi…
« On peut presque dire qu’il y a deux milieux de vie à Moncton. Tu peux vivre entièrement en français, et totalement en anglais. Cela va dépendre des lieux et milieux que tu auras choisi de fréquenter. L’histoire nous rappelle que les Acadiens émigraient ici, car ils y trouvaient du travail plus facilement. Lors de leur arrivée , ils anglicisaient leur nom pour avoir du travail. Aujourd’hui, il demeure évidemment des traces de cette histoire, mais au festival nous tentons de ne pas nous cantonner dans une francophonie pure et dure. Tous les films sont sous-titrés en anglais et l’objectif est de dresser des ponts entre les deux milieux. Le but est d’ouvrir la porte de la francophonie aux anglophones. Il y a beaucoup de couples exogames qui fréquentent le festival, et c’est pour moi un début de dialogue. »
Tenir le fort pour ce festival ce n’est pas seulement diffuser des films mais également permettre et offrir un contexte pour créer de la matière filmée, il faut comprendre qu’ici à Moncton le cinéma n’est pas enseigné à l’école et le contexte est plutôt difficile.
« On essaie de développer des partenariats avec d’autres festivals pour que les films et les gens circulent. On veut faire en sorte qu’il se crée du cinéma ici. Une activité comme la série Objectifs Obliques permet de créer du cinéma et dynamise tout un milieu. La soirée Acadie Underground vise la même chose. Le but est de créer toute une culture du cinéma tant en diffusion qu’en production. »
Impossible de ne pas écrire sur le contexte dans lequel toute l’organisation du FICFA s’est retrouvée plongé hier suite aux évènements de Paris, tout le monde avait et a encore en tête ces scènes de terreur. Le cinéma et le journalisme doivent continuer à travailler dans le sens du dialogue et de l’ouverture. Il n’existe aucun monde possible sans la rencontre et la parole qui ouvre les perspectives et dresse des ponts. Les journalistes doivent en ce sens faire leur travail le plus justement possible et dans une ouverture totale et sans aucun amalgame dangereux.
Paix, Respect et Amour.