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Israël, l’Iran et la bombe

Le NY Times révélait récemment que de plus en plus de décideurs de haut-rangs en Israël (1er ministre et ministre de la défense inclus!) envisagent ouvertement de bombarder des installations nucléaires iraniennes, étant donné que ce pays ne collabore pas suffisemment à leurs yeux avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), chargée de faire respecter les traités de non-prolifération nucléaire, dont l’Iran est officiellement signataire…

Rappelez-vous le build up qui a mené à la guerre d’Irak en 2003: inspections, accusations américaines de non-collaboration avec les inspecteurs onusiens, sanctions onusiennes, puis décision américaine d’attaquer l’Irak parce que le pays constitue une menace à la sécurité internationale… On risque d’observer cette même courbe dans les prochains mois à propos de l’Iran. La grande différence est que cette fois, il y a de fortes possibilités que l’Iran puisse effectivement constituer une menace à la sécurité internationale, ce qui n’était pas le cas pour l’Irak de Saddam Hussein en 2003…

Pourquoi l’Iran est une menace? D’abord parce qu’on sait que son régime est vacillant: contesté de l’intérieur, surtout par la jeunesse qui constitue plus de 60% de la population, et pressurisé de l’extérieur par des pays comme l’Arabie Saoudite, la Turquie, l’Égypte et surtout Israël, qui ne veulent rien savoir d’une bombe atomique iranienne. Et parmi les craintifs évoqués, Israël, le seul à détenir la puissance nucléaire, semble le plus pressé d’agir. Il faut comprendre la grande peur de l’anéantissement qui est au coeur de la conscience juive pour saisir l’empressement israélien à mettre en oeuvre ses préparatifs militaires… D’autant plus que l’actuel président iranien, Mahmoud Ajmadinejad, a déjà évoqué qu’il aimerait «rayer Israël de la carte»… (il semble qu’Ajmadinejad n’a pas clairement dit ces mots lors d’une conférence anti-sioniste, mais l’erreur de traduction n’est pas un complot contre l’Iran puisqu’elle viendrait du régime iranien lui-même. On peut aussi dire que le régime n’a depuis rien fait pour calmer le jeu…)

Chose certaine, en lisant l’article du NY Times, on plonge dans un roman d’espionnage qui fait paraître les James Bond comme des aventurettes de bas étages. Attaques informatiques; disparitions mystérieuses et assassinats-ciblés de scientifiques iraniens (plusieurs tués par des bombes aimantées posées sur leurs voitures par des motocylcistes au service du Mossad, les services secrets israéliens); infiltrations de groupes hostiles au gouvernement iranien; pressions diplomatiques; scénarios de frappes multiples, certaines devant détruire des bunkers situés à plus de 200 pieds sous terre… Une stratégie complexe et à multiples étages est mise en oeuvre depuis près de dix ans pour stopper la bombe iranienne. Mais celle-ci continuerait de progresser…

Ce qui fait le plus peur, ce sont les conséquences de frappes israéliennes sur l’Iran. Même d’anciens dirigeants du Mossad (Meir Dagan, un homme plus que respecté au pays) disent craindre un embrasement régional épouvantable sans que la capacité nucléaire iranienne puisse être anéantie, étant donné la multiplicité des lieux où la bombe iranienne est développée et la profondeur des installations. Personne n’ose mentionner un autre facteur qui rajoute à l’horreur: ces installations sont en majorité situées en zones habitées…

Alors, espérons qu’une stratégie intelligente sera lancée prochainement par les USA pour contenir à la fois l’Iran, sécuriser Israël et éviter ce chaos aux multiples conséquences, toutes imprégnées de visions d’horreur…

Il faudrait d’abord une politique de la main tendue face à l’Iran. Un incident récent où la marine américaine a sauvé 13 marins iraniens en mer d’Arabie pourrait à cet effet être de bonne augure et augmenter la crédibilité des USA, souvent présentés comme un grand Satan par le régime des Ayatollahs. On peut aussi espérer que le film Une séparation de l’Iranien Asghar Farhadi, remporte l’Oscar du meilleur film étranger et|ou du meilleur scénario… C’est ce qu’on appelle de la diplomatie publique… Dans ce dossier chaud, tout doit être mis en oeuvre pour éviter le pire. Bien sûr, il faut aller plus loin que les symboles et offrir une aide économique et une garantie de non-agression si l’Iran coopère avec l’AIEA et renonce à son programme nucléaire militaire.

De toute façon, les partisans de l’option militaire doivent à tout prix démontrer que toutes les autres options que la guerre ont été tentées puis épuisées avant de recourir à la force. Espérons seulement que la stratégie de la main tendue aura du succès. Si c’est le cas, on pourra dire que le prix Nobel de Barack Obama, gagné avant qu’il n’ait accompli quoi que ce soit de concret, a été mérité a posteriori…