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Relire René Lévesque (1) La super-attrape pétrolière

René Lévesque
René Lévesque

Je vous proposerai quelquefois de relire René Lévesque, ce géant de la politique québécoise. Parce qu’en ces temps de grande noirceur apparente, un homme intègre et visionnaire comme René Lévesque nous ferait tant de bien.

Si vous me voisinez depuis avant que j’aboutisse ici, vous comprenez l’admiration nuancée que j’entretiens à l’égard de «Ti-Poil», cet homme à la fois simple, facile d’approche, mais aussi d’une sensibilité supérieure, comme un intuitif qui a confiance en l’intelligence collective, un démocrate de nature…

Or, je suis retombé sur «Les chroniques de René Lévesque», colligées par Québec Amérique et (re)publiées au moment de sa mort en 1987. Il s’agit de chroniques écrites pour le Journal de Montréal, où M. Lévesque sévissait entre 1970 et 1973 (il était alors chef du PQ, non-élu – battu en 1970 et 73 – d’un parti qui ne comptait que 7 ou 6 sièges sur 110…).

Relisez le Réné Lévesque de l’époque: il vous parle d’aujourd’hui. De Jean Charest et ses «amis», des «projets» qu’ils ont pour le Québec… Il vous parle des gaz de schiste, des pseudo-études «stratégiques» orientées qui sont là pour nous faire avaler des décisions déjà prises, du pétrole que l’on puise en nous riant à la face (et les paroles de Nelligan qui nous viennent comme une claque violente dans ‘face: «Je suis la nouvelle Norvège»…), des projets de ports métaniers, du Plan Nord que l’on nous enfonce sans amour… et à nos frais.

Extraits:

La Super-Attrape pétrolière :

«Il y aura pas une ni deux mais DIX raffineries dans les environs!

Qui se moque ainsi du monde dans le Bas-du-Fleuve? Des députés libéraux, dans les coins où le ridicule ne tue pas encore, et derrière eux toute la cabale des «poteaux» de la machine qui soufflent fiévreusement la balloune pour les prochains scrutins.

De la même fabrique d’attrape-nigauds est aussi sorti cet autre énorme miroir aux alouettes: un parc industriel dont l’aménagement coûterait… [à l’époque:] 300 Millions $ … [ainsi que des] Ports Super-pétroliers (sic)!…»

(…)

«Que nous Québécois et notre «hinterland» économique, nous ayons besoin d’un port pétrolier à notre mesure, voilà qui se peut fort bien. Mais avec des installations prudemment calibrées de façon à marier NOS impératifs de croissance avec la protection de NOTRE environnement.

Mais les Américains, que la question préoccupe si fort CHEZ EUX, ne l’entendent pas de cette oreille. Puisque la pollution pétrolière et ses ravages meurtriers sont désormais hors la loi sur leur côte, où donc trouver aux environs une côte «indigène», facile à charrier et dirigée par des politiciens à la caisse assoiffée et de surcroît en quête fébrile de baudruches électorales? Au Québec, of course

Un motel-restaurant moyen!

Voilà donc quelques grosses sociétés multinationales qui répandent sur cette accueillante côte de colonisés toute la classique poudre aux yeux des sous-ordres aux titres ronflants, des experts payés pour en faire accroire et des rêves en couleurs pour sous-développés. Et nos petits politiciens en mal d’élections de ramper devant ces Super-complices du dehors et d’en rajouter en se pâmant d’aise: $300 millions, 10 raffineries… et ce n’est pas fini, attendez la campagne électorale!

Si ça réussit, on aura de nouveau berné cruellement toute une population qui, après 10 ans d’«animation», est tellement écœurée qu’il faut cette fois une super-fraude pour la faire marcher encore.

Après quoi elle se ramasserait avec la Super-Foutaise et le Super-Danger.

Super-Foutaise: pas l’ombre de la cheminée de la moindre raffinerie, non plus que la queue du commencement du super-parc industriel. (…) De l’emploi local, fort probablement, pour l’équivalent du personnel d’un motel-restaurant de taille moyenne! …

Super-Danger: toute la côte du Bas-du-Fleuve exposée quotidiennement aux accidents de manœuvre des mastodontes du pétrole».

– René Lévesque, chronique du Journal de Montréal, 27 juin 1973.

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Nos devanciers nous parlent. Écoutons-les!