Je suggérais dans mon billet précédent que le mouvement étudiant tente une négociation avec le gouvernement et joue la carte de l’ouverture, sans nier leur revendication première, c’est-à-dire l’annulation de la hausse vertigineuse des droits de scolarité (certains demandent la gratuité, d’autres le gel, mais tous les grévistes s’entendent au moins pour l’annulation de la hausse, ce que le gouvernement s’entête à maintenir).
Or, le timing n’est plus le même. Le gouvernement vient de proposer un système de remboursement proportionnel au revenu (RPR) et un plus grand accès au programme de prêts et bourses. Ces «ajustements» sont positifs (c’est mieux que rien). Disons que ça rend la pilule moins difficile à avaler. Mais puisque la hausse n’est aucunement remise en question, cela a le lourd défaut de rendre les jeunes diplômés encore plus redevables aux banques, ces mêmes banques qui participent de façon grossière et immorale à rendre nos sociétés plus inégalitaires, plus inhumaines, plus rapaces.
Bien sûr, cette décision du gouvernement n’a rien à voir avec les revendications étudiantes et elle illustre également le mépris que le parti libéral au pouvoir entretient envers sa population et plus particulièrement envers la jeunesse étudiante, qui devrait pourtant incarner l’avenir de notre société… Sans cette mobilisation historique, sans cette grève sans précédent, le gouvernement aurait non seulement mis en œuvre cette hausse de 75% des droits de scolarité, mais il n’aurait apporté aucun ajustement pour rendre cette hausse moins inhumaine. On peut donc déjà dire que les étudiants ont gagné quelque chose. Mais puisque la proposition d’un RPR et d’un élargissement de l’aide financière est à des lunes de ce que revendiquent les étudiants en grève – c’est même un système qui favorise la hausse continue des droits de scolarité – et puisque cette proposition accélère le principe d’une éducation financée par ceux qui peuvent se la payer, les étudiants risquent de sortir amers de leur grève…
Déjà que cette génération a presque abandonné l’exercice du droit de vote, si en plus elle sort désillusionnée de la grève en croyant que le pouvoir de la rue et de la mobilisation collective ne sert à rien, nous ne sommes pas sortis du bois. D’autant que «le bal des injonctions» et la judiciarisation du conflit fait en sorte que des individus isolés peuvent maintenant faire triompher leur point de vue devant des assemblées qui adoptent majoritairement un vote de grève.
Avec la solution du gouvernement et le triomphe de ces petits nombrils qui gagnent leurs causes par les tribunaux au détriment du processus politique qui devrait être la norme pour régler de tels conflits, c’est la logique du «chacun pour soi» qui l’emporte sur le principe du «tous unis derrière une cause commune»… N’y voyez-vous pas le danger d’un immense ressac? Celui d’un repli sur soi immense qui conforterait les élites en place pour accélérer leur projet ? Celui d’un glissement tranquille mais certain vers le «despotisme doux» où chacun vivrait «renfermé dans la solitude de son propre cœur» comme le prophétisait déjà Alexis de Tocqueville au milieu du XIXe siècle?
J’ai peur de ce glissement. Il faut dire aux étudiants que leur combat n’est pas terminé. Que même s’ils ont l’impression de perdre à court terme, ils ont semé chez nous quelque chose d’important qui aura des suites.
Tout n’est pas fini. N’est-ce pas?
Dites-moi que ce court-métrage de Robin Aubert ne dresse pas le portrait de ce qui s’en vient:
or-donc- aux prochaines élections, les étudiants sauront pour qui voter.
Voilà une lueur d’espoir.
Cette proposition d’un RPR et d’un plus grand accès au programme de prêts et bourses … c’est un placebo, une p’tite pilule de sucre. Le parti libéral veut se donner bonne figure : un loup qui se cache derrière un masque de plumes n’en demeure pas moins un loup … Les étudiants ne sont pas dupes et je ne crois pas qu’ils se laisseront emportés par ce dangereux ressac. J’ai confiance en leur détermination et je crois qu’ils répondront à ce ressac par un tsunami car leurs nombrils sont reliés à un même cordon ombilical, celui-là même qui mène à la matrice de l’équité sociale.
Le court-métrage de Robin Aubert est un cadran qui sonne pour réveiller ceux qui dorment … Sonnons à notre tour cette alarme … Tout n’est pas fini cher Voisin … Nous ne sommes qu’à l’aube d’un Printemps qui s’éveille, tous unis par cette même sève en ébullition …
Ne nous voyons jamais comme des « utopistes » car nos gestes ne deviendraient que mirages …
je regardais ces leaders étudiants à la TV .
J »espère qu’ils deviendront des leaders politiques .
Je suis convaincu que mes 12 petits enfants les suivront comme les miens ont suivi René Levesque…
À l’aube de mes 80 ans, je suis fier et bombe le thorax
Hier soir, je discutais avec deux jeunes, au bar. Une étudiante universitaire, qui y travaille, au carré rouge. L’autre, aussi barman, un peu plus âgé, pour la hausse, mais sans carré vert. Dans ce bar pour étudiants, ce serait catastrophique pour son pourboire.
Anyway, je me trouvais mal à l’aise d’être d’accord avec les deux, en même temps, mais pour des raisons différentes, et multiples. Je suis dispersé, écartelé entre deux contraires qui forment un tout. Ma propre idée du Savoir, contre lequel toute grève me semble obscène, et ma colère devant le peu de respect des leaders étudiants pour la juste cause qu’ils défendent. Je me sens floué, comme citoyen, comme étudiant sur le vaste campus de ma vie, floué par le gouvernement et par les faux-culs qui ont mis leur main lourde derrière la stratégie de cette grève.
Si les jeunes gens avaient eu la moindre mémoire historique en réserve de leur savoir, ils auraient vite reconnu dans la rhétorique de Nadeau-Dubois les mêmes clichés, les mêmes slogans, la même volonté cachée de « casser le gouvernement » des grands leaders syndicaux des années 70. Les Pépin, Laberge et Charbonneau ( ce dernier a fini député fédéral à Ottawa, et contre la souveraineté du Québec!) qui se sont ramassé en prison, en cure de désintox marxiste, un décret fort salutaire du mal aimé Bourassa.
Dès le début, moi qui ai de la culture historique et beaucoup d’expérience comme militant au PQ, j’ai tout de suite compris que les frais de scolarité, c’était très secondaire dans la stratégie globale des vrais organisateurs de cette grève: notre grabataire corporatisme syndical, les principaux bailleurs de fond du PQ de l’insondable Marois,comme l’a bien montré, en fin de course, l’appui tardif( et lâche) de la FNEEQ, un appendice avarié du grand patronat universitaire.
La preuve? Aujourd’hui, il cause de quoi, votre Nadeau-Dubois? Du « Front Commun », cette expression mythique, aussi indécrottable dans leurs esprits que cette autre , la fameuse « Révolution Tranquille ». Deux lieux communs magiques hors desquels il n’y a rien de valable pour cette élite qui refuse de partir, de VOUS laisser la place. Et qui vous regardent aller. Aller où? Ben si l’Histoire se répète, une tendance lourde au Québec, j’ai peur que cette grève( qui n’en est pas une), ce fameux nouveau « Front Commun » finisse comme le premier, il y a trente ans: par l’emprisonnement des leaders étudiants (une autre cure de désintox) et la réélection majoritaire de Charest.
Si j’étais à la place des étudiants en grève, à défaut de rentrer en classe, je relirais l’Histoire du Québec des 40 dernières années. Ça leur donnera pas de diplôme, mais ils seront moins niaiseux quand des démagogues de tous bords et tous côtés vampiriseront leur juste colère…
« La preuve? Aujourd’hui, il cause de quoi, votre Nadeau-Dubois? Du « Front Commun », cette expression mythique, aussi indécrottable dans leurs esprits que cette autre, la fameuse « Révolution Tranquille ». »
pas une grosse preuve, ça, jean-claude. après tout, le champ sémantique propre à la solidarité n’est pas infini.
Si ce que vous écrivez s’appuyait au moins sur du concret, du vérifiable ou du minimalement correct – et cela en ce concerne le fondement même de votre argumentation, je suppose qu’une certaine indignation pourrait être de mise relativement à ce qui se passe du côté des étudiants en ce moment.
À propos de quoi est-ce que je trouve à redire, Monsieur Chénier?
Tout d’abord, la légitimité réelle du boycott (erronément qualifié de «grève») en cours. Soit comment les assemblées ont fait fi de votes secrets démocratiques pour aller de la sorte arracher des appuis soi-disant majoritaires à mains levées. Du mépris à l’égard de celles et ceux qui pourraient être en désaccord avec la stratégie militante d’une minorité agitée et bruyante.
Minorité? Apparemment. Puisque là où, malgré tout, des votes secrets démocratiques ont pu se tenir, le boycott a été majoritairement rejeté.
Lorsqu’il faut recourir à un processus qui brime les droits fondamentaux de possibles opposants, tout en entraînant malgré eux ces opposants dans une turbulence qui leur cause des torts, c’est que l’injustice la plus flagrante a balancé par la fenêtre toute notion de démocratie.
Autre chose à redire de ma part?
Ceci. Actuellement, la part des frais universitaires assumée par l’étudiant est autour de 13% de la note tandis que la société se tape de son côté la plus grosse part se chiffrant à 87%. Suite à la hausse projetée, dans cinq ans l’étudiant arrivera à environ 17%, en laissant encore un très substantiel 83% à ses voisins.
Une situation qui n’est pas très équitable pour… les voisins.
Pourquoi les «rouges» convaincus ne laissent-ils pas tous les autres aller librement à leurs cours tandis qu’ils iront, eux, parcourir les rues en hurlant leurs slogans? S’ils trouvent correct de risquer leurs sessions et de refiler la très grosse part de la note de frais à d’autres (se montrant déjà très généreux), qu’ils continuent à afficher leur immaturité – mais sans davantage nuire aux plus responsables.
Totalement en désaccord avec mes propos, n’est-ce pas?
Bon, votre première objection sur le fait que nous devrions employer le mot boycott plutôt que grève ne me convainc pas. Lisez la définition du mot grève dans le petit Robert, ne vous arrêtez pas au sens premier ou encore à la propagande de cette gardienne de la démocratie aux grandes dents qu’est Line Beauchamp : «arrêt volontaire et collectif d’une activité par revendication ou protestation»… On y mentionne même «grève étudiante» en exemple… Depuis quand est-ce que le code du travail sert à déterminer le sens des mots plutôt qu’un bon vieux dictionnaire?
Maintenant, votre 2e objection appelle une réponse plus sérieuse et nuancée.
Ceux qui critiquent le vote à mains levées, procédure qui semble être dominante dans les assemblées générales des étudiants reconduisant la grève, critiquent le fait que ces votes qui se tiennent à mains levées puissent nuire à l’expression des points de vue dissidents, particulièrement ceux hostiles à la grève, qu’ils soient alors ostracisés en de pareilles assemblées, ce qui expliquerait les nombreuses reconductions majoritaires des votes de grève.
Pour remédier à cela, plusieurs proposent le vote secret, d’autres ont proposé le vote électronique (par Omnivox). Il semble que lorsque de telles procédures ont été appliquées, l’appui à la grève ait fondu ou encore ait été défait. Comme si le vote secret faisait ressortir le «vrai point de vue» des étudiants alors que des votes à mains levées en assemblée oblitéreraient la réelle volonté des étudiants…
J’aimerais chercher ici à réconcilier ces points de vue divergents. D’abord, je suis hostile à la tenue de votes secrets tenus chacun chez soi, sans réelles assemblées ni débats préalables. Ce n’est pas comme cela que la démocratie devrait fonctionner. D’autant plus que la démocratie étudiante peut se faire à petite échelle, il ne faudrait pas l’éparpiller ou la disséminer en favorisant le repli dans la sphère du privé. Il faut valoriser et féliciter le fait que les nombreuses assemblées tenues régulièrement depuis plusieurs semaines ont permis des débats de haut niveaux entre étudiants. Ils y ont appris comment délibérer collectivement, comment prendre la parole en public, comment articuler leurs positions, comment trouver un compromis autour de résolutions qui rassemblent une majorité de votants. Tous ces exercices sont fondamentaux et auraient été annihilés ou appauvris si la règle des votes de grève avait été un vote électronique tenu chacun chez soi. Le problème aurait été le même (et il s’est posé là où ce fût la règle) si la procédure décisionnelle s’était échelonnée sur plusieurs jours par vote secret. Le vote à partir de chez soi ou le scrutin secret échelonné sur plusieurs jours permettent à ceux qui prennent part au processus décisionnel de s’évacuer du débat collectif. Cela appauvrit la délibération collective et fragilise la démocratie étudiante.
Il faudrait donc réfléchir à des moyens de bonifier les assemblées générales de grève de façon à préserver la qualité des débats tenus, la nécessité d’y prendre part pour pouvoir décider collectivement des stratégies et orientations à prendre. Opposer le vote à mains levées au vote secret en supposant que ce dernier est plus démocratique que le premier revêt selon moi une conception appauvrie de la démocratie. Bien sûr, le vote à mains levées peut avoir une incidence négative sur la liberté de chacun d’exercer son droit de vote sans pressions indues, mais un vote secret tenu chacun dans sa bulle sans qu’une participation préalable au débat collectif ne soit exigée m’apparaît encore moins souhaitable (1)…
La technologie pourrait alors réconcilier ces tensions. Pourquoi ne pas concevoir un moyen permettant à tous d’enregistrer son vote simultanément, sur place, séance tenante en Assemblée? Ceci permettrait à chacun d’enregistrer son vote «secrètement» sans pour autant favoriser l’atomisation et l’appauvrissement du débat encourus par un vote secret tenu chacun chez soi ou étalé sur plusieurs jours… Moi qui suis généralement réfractaire à faire appel à la technique pour l’exercice du droit de vote – car il n’y a rien de plus fiable qu’un bon vieux «X» fait au crayon sur un bout de papier— je me dis qu’ici, la technique pourrait servir la démocratie étudiante si elle est soumise à certaines conditions: la présence sur place en assemblée de chacun et la participation au débat avant la tenue du vote.
Quoiqu’il en soit, ceux qui cherchent à discréditer les votes de grèves des étudiants gagnés depuis plusieurs semaines ont jusqu’ici proposé des solutions qui appauvrissaient la délibération collective et la qualité du débat démocratique des assemblées générales étudiantes. Leur solution illustrait une conception de la «démocratie du chacun pour soi» qui ne m’apparaît pas meilleure que la démonstration de maturité, d’écoute, de recherche de compromis et d’atteintes de consensus que les étudiants nous ont démontré jusqu’ici.
(1) Relisez le titre de mon billet pour comprendre le sens de mon inquiétude à l’égard de cette conception d’une démocratie étriquée…
pour un tiers qui ne connait rien de la situation et qui lit les commentaires du blogueur Le Voisin, la chronique de madame Michèle Ouimet dans La Presse de ce matin et qui termine par la lecture de ces commentaires de Claude Perrier,,, doit-il conclure que Le Voisin et Madame Ouimet sont des « rêveurs ‘, des ‘idéalistes ‘, des photo-copies de la gang de la CSN, des protecteurs d’enfants » gâtés »…ou que Perrier est un faiseux de phrases vides…
Et je crois qu’il y a encore beaucoup de citoyens qui sont dans les bottines de mon ‘ tiers’ : et qui veulent s’informer.
ils tentent de se faire une opinion…
Ce truc du vote à main levé, ça me fait penser aux fusils des exécuteurs des délinquants qui le levaient très haut, leur « gun » justicier avant de les liquider, dans les dictatures…