J’inaugure ici une autre section de ce blogue du voisin: le papier non publié, ignoré par les médias, pour une raison ou pour une autre…
Voici un texte co-écrit par 4 profs contre la hausse, dont moi-même.
Pour un printemps québécois!
Philippe Boudreau, professeur de science politique, Collège Ahuntsic; Jean-Félix Chénier, professeur de science politique, Collège de Maisonneuve; Julie Cloutier, professeure de philosophie, Collège Ahuntsic; Simon Labelle, professeur de physique, Collège de Valleyfield.
Un printemps québécois prend forme. Amorcé par la mobilisation historique des étudiants contre la hausse des droits de scolarité, il se poursuit en amenant avec lui la colère, le sentiment d’impuissance et de dépossession d’une majorité de citoyens face à leur élite politique et économique, jugée non-représentative de leurs intérêts et préoccupations.
Les étudiants, dans leur lutte, sont inspirants. Ils donnent envie à des citoyens de tous les milieux de prendre la parole, de se faire entendre. Ils nous ont rappelé que, lorsque nous pensons qu’il n’existe plus d’espace pour faire entendre notre voix, il y a encore la rue pour amener les débats dans l’espace public et politique. Les étudiants nous ont donné un élan, une envie, celle de se réapproprier le bien commun. Parce que la question que pose la jeunesse dépasse largement celle des droits de scolarité. La question fondamentale derrière ce débat, c’est : « Dans quel genre de société voulons-nous vivre? ». Nous les remercions de nous avoir sortis de notre hiver.
Le printemps québécois tel que nous l’entendons se traduit par une volonté de reprise en main de notre destin collectif. Il est l’expression, en somme, d’un désir de reprendre le contrôle démocratique dans un certain nombre de domaines, soit l’éducation, les ressources naturelles, l’environnement, l’économie, et enfin, l’espace politique.
Le bien commun, c’est d’abord l’accès à l’éducation pour tous. Le savoir doit être partagé, et il doit être si bien partagé qu’il doit permettre la mobilité sociale. Par exemple, c’est au Québec que nous retrouvons le plus grand nombre de médecins issus de milieux modestes, et le fait que l’accès à l’éducation supérieure est plus abordable que dans le reste du Canada y est très certainement pour quelque chose. La conception de l’éducation et du savoir, telle que proposée par le gouvernement actuel, nous présente l’éducation supérieure comme un simple investissement économique individuel. L’éducation remplit pourtant d’autres fonctions, tout aussi importantes pour une société qui se veut intelligente, créatrice et dynamique. Des citoyens éduqués partageant une culture commune forte constituent les fondements d’une société juste et démocratique qui aspire à durer dans la paix et la cohésion.
Le bien commun, c’est aussi nos ressources naturelles et notre territoire. Ces ressources nous appartiennent. Nous devrions être adéquatement informés, avoir notre mot à dire relativement à leur exploitation ainsi qu’à leur éventuelle nationalisation. Les richesses naturelles issues de notre territoire devraient profiter à tous. Ce n’est toutefois pas ce que l’on constate dans la réalité. Au cours des dernières années, nous avons été les témoins impuissants de la complaisance du gouvernement envers des intérêts privés qui exploitent nos ressources, avec des redevances qui frisent le ridicule. Pendant ce temps, ce sont tous les contribuables qui paient pour les routes et les infrastructures permettant à ces entreprises d’accumuler les profits.
Le bien commun, c’est également reprendre le contrôle de notre environnement. Quand le Canada se retire du protocole de Kyoto, il ne parle pas en notre nom. Dans la vallée du Saint-Laurent, l’industrie des gaz de schiste se prépare à forer avec la bénédiction du gouvernement du Québec, sans que nous soyons sérieusement consultés. Nous voulons plutôt d’un développement qui ne serait pas axé sur le pétrole et le gaz, mais qui ferait une large part aux énergies renouvelables et aux économies d’énergie. Nous voulons un développement qui respecte notre eau, l’air que nous respirons et les espèces vivantes qui nous entourent. Nous voulons léguer aux générations à venir un environnement et un climat habitables.
Le bien commun, c’est une économie au service de tous. Nous contribuons tous à l’économie, et pourtant elle nous échappe. Au fil des ans, nous avons vu l’écart entre les riches et les pauvres se creuser. La classe moyenne s’effrite, s’endette, s’épuise. L’économie s’est progressivement détournée de la création d’emplois de qualité faisant vivre des familles, pour mettre l’accent sur la quête de profit et une création de richesse axée sur la spéculation financière. Cette situation est brillamment illustrée par le slogan « Nous sommes le 99% » des indignés de la mouvance Occupy Wall Street.
Le bien commun, c’est enfin reprendre le contrôle de nos institutions démocratiques. Une grande partie de la population est désillusionnée de la politique. Les divers scandales mis à jour dans l’industrie de la construction et, plus largement, la gestion de projets d’infrastructures ont miné la confiance de la population face à ses représentants. Nous avons de plus en plus l’impression que la classe politique au pouvoir sert ses propres intérêts, plutôt que d’être au service du peuple qui l’a élue. Cette crise de confiance est notamment alimentée par un mode de scrutin qui pénalise les petits partis en leur donnant un pourcentage de sièges nettement en deçà de leur appui populaire réel. À titre d’exemple de distorsion, on peut penser à notre gouvernement fédéral majoritaire qui n’a en réalité récolté que 39,6% des votes aux dernières élections.
Tous ces combats et tant d’autres sont reliés à cette idée que le Québec est notre milieu de vie et celui de nos enfants. La croissance pour la croissance, c’est de la pure folie. Ce que nous voulons, c’est bien vivre, c’est vivre bien. C’est le bien commun. Un grand «ménage du printemps» québécois est maintenant à l’ordre du jour et il commence par le fait de s’indigner en masse, de prendre la rue dans le cadre de vastes alliances rejoignant toutes les sphères de la société. Le mouvement lancé par les étudiants doit être contagieux, s’étendre à d’autres mouvements sociaux, et nous amener à nous réapproprier notre destin collectif.
Voici donc un appel à donner vie à ce printemps québécois (voir les actions possibles ICI). C’est de notre société qu’il s’agit. Faisons-nous entendre!
ainsi-soit-il
Ce texte doit être publié dans La Presse et dans Le Devoir.
C’est un MUST
N’ayez crainte, Monsieur Chénier, je ne suis que rapidement de passage et je ne compte pas du tout m’éterniser, n’y même revenir…
Le texte présenté comporte un intéressant amalgame de vrai + sensé +souhaitable, et de moins-vrai + présumé-quoique-très-incertain, et de déconnecté + fausseté.
Je m’abstiendrai de préciser dans quelle catégorie loge, à mon appréciation, chacun des éléments se retrouvant dans votre manifeste.
Le seul commentaire que je ferai, et vous vous y attendez depuis le tout premier caractère tapé dans mon intervention, concerne le mouvement étudiant. Lequel n’a pas beaucoup de crédibilité car la démocratie y a été bafouée depuis le début.
De ces dizaines de milliers ayant été privés de cours depuis plus de deux mois, quel est le pourcentage qui serait vraiment d’accord pour sécher de la sorte ses classes, risquer de perdre sa session et peut-être aussi son travail d’été? Nous ne le saurons vraisemblablement jamais. Mais s’il y en a plus de 20% qui soient convaincus du bien-fondé du boycott/grève, cela me paraîtrait très étonnant…
Des sondages à être menés auprès des étudiants, au cours des prochaines semaines, nous révéleront peut-être le fin mot de cette affaire.
Néanmoins, et cela peu importe les pourcentages qui sortiront éventuellement de chez Léger ou Ipsos ou Crop, l’opacité d’un mouvement (ayant dans les faits muselé toute opposition à l’interne) ainsi que le stupéfiant manque de considération ou de gratitude à l’égard de concitoyens à qui on refile sans vergogne la très grosse part de la note, et pourquoi pas toute la note si on peut, cela avoisine bien davantage la honte que cela peut susciter l’admiration.
Je dois certainement être devenu un vieux ringard qui fait du chapeau pour ne pas spontanément me lever et applaudir. Que sera-ce donc dans quelques semaines alors que je me taperai la soixantaine… Et dire que nous croyions ferme aux valeurs de partage, de compassion, de reconnaissance à une époque paraissant aujourd’hui si lointaine…
Quelle désillusion à présent. Et quelle fatigue seulement que d’y penser. Je vais aller m’allonger un petit moment, le temps que le malaise passe et que je reprenne espoir en regardant ailleurs. Peut-être le coucher de soleil qui approche…
@ Claude P. : Pour «savoir» la proportion d’étudiants en faveur de la grève, vous ne pourrez vous fier à des sondages… Après la libération de la France, si on avait demandé aux Français: «étiez-vous résistants?» Ils auraient tous répondu OUI ! (…)
M. Perrier,
faites attention en vous allongeant un petit moment.. ça conduit des fois à des abus.
Vous vous rappelez certainement de cette règle latine :
» animal triste est post cohitum. »
En attendant, félicitations à ces jeunes lucides qui -sans tenter d’imiter les poètes du Moyen-Âge,, i,e, paroles, paroles,,,- ont le style des Gérard Filion et des Bernard Descoteaux:
ils utilisent très bien le sujet, le verbe et le complément…dans. un excellent français…
Le Voisin.
quand qqn t’annonce qu’il est rapidement de passage et qu’il te tape un 6 paragraphes de mots ronfleurs, ne lui demande jamais quelle heure il est:
tu auras à subir une litanie de mots..
Totalement d’accord!
Je pense aussi que le réveil doit se faire par les étudiants…
A nous de suivre le mouvement !
Nous ne pouvons plus continuer de vivre dans une telle société. L’écart entre les riches et les pauvres se creusera de plus en plus. Et c’est la classe moyenne qui en subira le plus de conséquences.
Est ce vraiment ce genre de société que l’on désire laisser à nos enfants ?
En espérant des élections très prochainement !
Quelles sont les actions à part chialer qu’on es pas content? Je ne comprend pas non plus quelle est le lien entre le désir d’une meilleure société et le gel des frais de scolarité? Tant de désirs pour si peu de solutions concrètes … J’en suis aussi rendu à regarder le coucher de soleil pour ne plus me questionner sur ces incongruités …
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Il faut comprendre que les facultés en grève sont celles des sciences sociales, donc celles qui a peu ou pas d’impact sur l’économie Québécoise. Elles sont en fait celles non productive et le gouvernement le sait. C’est pourquoi qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter et ces étudiants resteront en grève longtemps. De toute façon la majorité de ces étudiants finiront par trouver un emploi non connexe à leur diplôme. Cet investissement dans ses secteurs doit simplement être réduit puisque c’est à fonds perdus. Malgré le fait que nous sommes la province avec les frais de scolarité les plus bas au Canada, nous sommes après 30 ans la province la plus pauvre, la plus endetté et la plus taxé.
Comme pour la Grèce, nous pourrons renverser ce mouvement, ou plutôt les banque renverseront se mouvement social puisque nous seront bientôt acculé à la faillite de l’état. Avec maintenant près de 140% de dette vs le PIB (Fédéral et Provincial), la Grèce avait 160%, on pourra enfin couper dans les services dont nous n’avons pas les moyens et que nous empruntons pour nous offrir les services. On pourra couper dans le financement des études, la santé, les pensions des fonctionnaires, leurs salaires et le nombre qui dorment au
Gouvernement.
La majorité des étudiants qui font des études notables (medecins, avocats, ingénieurs et comptables) proviennent de familles nantis. Le gel des frais permet donc de maintenir l’écart entre la classe supérieur et la classe moyenne, hé oui, la classe moyenne continuera de payer les études de familles riches.
Un gros merci a Gabriel Nadeau..
So so so, solidarité
Et quand tu te taperas un burnout, bien tu viendras brailler sur la petite épaule d’un professionnel des sciences sociales… Ce n’est pas payant, mais c’est possiblement les seuls qui voudront bien te recevoir et t’écouter.
tous ce qu il ya sur cette page c est ce le rwina