Les démographes parlent des générations comme de cohortes nées entre telle et telle date. Ils désignent par exemple les babyboomers comme ceux nés entre 1946 et 1964. Il y a bien sûr des distinctions importantes entre la première cohorte de ce babyboom et la seconde, mais ils font partie, selon plusieurs démographes, de la même génération.
Les sociologues de leur côté, associent le terme de génération à une expérience historique commune, forgeant des références largement partagées et contribuant à définir l’horizon de signification d’un groupe particulier.
Sur la base d’un entremêlement de ces deux définitions, que diriez-vous de la génération qui se lève actuellement?
Cette génération que l’on traite d’enfants gâtés alors qu’elle sort dans la rue pour une cause qui déborde largement du strict intérêt individuel de ses membres… Cette génération n’est bien sûr pas homogène, aucune ne l’est. Mais démographes et sociologues pourraient s’entendre pour marquer la grève étudiante de 2012 (et la crise sociale entraînée dans son sillage!) comme une période définissant cette génération.
De mon côté, ce n’est pas la première fois que j’ai l’impression qu’une fracture générationnelle accompagne ce conflit. Un de mes billets extrapolait sur une chanson de [Karkwa] qui je crois, était criée aux babyboomers… Un autre prenait plaisir à lancer un défi à Denys Arcand, ce «cynique chez les lyriques» comme l’a si bien décrit Carl Bergeron.
Et voilà que l’essayiste François Ricard, qui a nommé la génération du babyboom «les lyriques», sévit dans les pages du journal Le Monde, pour apposer un regard quelque peu désenchanté sur cette nouvelle génération. Il y décrit une génération de privilégiés qui a réussit à faire déborder ses revendications corporatistes contre la hausse des frais de scolarité vers un discours social relayé par des artistes, intellectuels et syndicalistes en mal de projet de société… Son regard fait quelque peu mesquin au départ, mais il s’assoit sur une lecture intéressante de l’évolution des sociétés contemporaines et d’un Québec qui se cherche:
«Ce conflit survient à un moment où le Québec est devenu une société ennuyeuse, dans laquelle il fait bon vivre, sans doute, mais que plus rien, aucun « projet », aucune cause commune ne mobilise. Faute d’adversaires, le combat national et linguistique s’est étiolé ; le désir d’émancipation collective a cédé aux charmes de la mondialisation et du bonheur individuel ; et la grande modernisation entreprise à l’époque de la « révolution tranquille » a soit tourné à la routine et à la défense de « droits acquis », soit pris le visage d’un néolibéralisme implacable qui veut tout soumettre, y compris le fonctionnement de l’Etat, à la logique des coûts et profits.
Bref, le Québec, où les choses sont devenues aussi ambiguës et compliquées que dans n’importe quelle société moderne, n’a plus grand-chose à offrir aux assoiffés d’idéal et aux « lyriques » nouveaux ou anciens (ceux qui ont fait la pluie et le beau temps dans les années 1960 et 1970 mais dont on n’entend plus la voix).
Or voilà que les événements des derniers mois, en simplifiant, rendent un réveil possible. De nouveau, on peut savoir où est le mal (un gouvernement véreux au service du capital) et où est le bien (la jeunesse instruite et innocente) ; et de nouveau, par conséquent, le lyrisme peut fleurir, redonnant enfin droit de cité à tout ce qui semblait perdu : la poésie des grands mots claquant comme des drapeaux, l’assurance d’œuvrer au progrès de l’humanité, le frisson de la désobéissance civile, et surtout la joie d’être en foule, d’être vu parmi des milliers de gens qui marchent du même pas, qui sentent et pensent de la même manière et qui sont persuadés que leur colère et leur audace ne servent pas leurs propres intérêts mais ceux de la collectivité tout entière».
À première vue, ce texte de Ricard l’intellectuel fait un peu cynique comme Arcand aurait pu l’être, mais il conclut avec une note que l’on peut comprendre comme ironique ou encore comme une réjouissance: «Chaque soir, quand les sonneurs de casseroles défilent dans ma rue, je vois bien cette colère et cette audace. Mais j’entends aussi cette joie». Reste qu’en lisant ce texte, j’ai d’abord ressenti une critique presque acerbe de ce nouveau lyrisme que Ricard perçoit chez cette jeunesse et ses alliés.
N’est-ce pas propre à chaque génération de concevoir que ses devanciers sont ingrats et que ses successeurs sont indignes?
De mon côté, j’ai toujours cru qu’il nous fallait passer outre ces supposées fractures, ne pas les nier, mais les contourner pour créer des alliances, sans quoi la jeunesse montante sera toujours perdante de par son petit nombre.
Alors? Entre le cynisme d’Arcand et l’ambiguïté de Ricard, entre la cohorte démographique et sociologique, comment la désigne-t-on, cette génération qui se lève?
Je crois que vous ne voulez pas comprendre le texte du sieur Ricard-Kundera parce que celui-ci est un bienheureux misanthrope… et donc que vous ne pensez pas comme nous. J’aurais pourtant expliqué la grève de la même façon à n’importe quel non QuéCanadien.
Personnellement, j’aimerais bien donner à cette génération le nom de «Génération pissenlit»… On a beau la couper, l’écraser, la mépriser, elle pollinise et repousse sans cesse!
Par opposition à la « Génération stérile » qui nous amène vers des déserts arides en tentant de nous faire voir des oasis qui ne seront toujours que des mirages …
Je donnerais à cette nouvelle génération le nom de « Génération fertile » …
Au sens figuratif, elle me fait penser à ces jardins communautaires; une même terre partagée, des semeurs d’espoir, des jardiniers d’un temps meilleur …
Ce qui me fait justement peur c’est à quel point cette génération est anti-individualiste.
Vous y voyez un progrès, moi je vois un net recul et un refus de ce qui a fait la grandeur de nos sociétés depuis 300 ans.
Quand l’Occident aura détruit ce concept magnifique d’individu il verra, hélas tardivement, à quel point il est une barrière contre la folie ardente.
@Méchant libéral : Vous devriez au contraire vous réjouir du fait que l’individualisme est loin de disparaître, c’est au contraire une conquête et une valeur au centre des nouvelles pratiques de délibération et d’action de groupes comme LA CLASSE. Ils sont collectivistes dans leur vision de la société, mais individualistes dans leurs pratiques…
Et regardez ailleurs, tout autour, l’individualisme se porte très bien, trop bien lorsqu’il glisse comme c’est souvent le cas vers l’égocentrisme, le narcissisme, la volonté de se mettre en scène, le manque d’écoute, le refus de participer à la société, l’hostilité envers l’impôt, le recours aux tribunaux dès qu’on se sent lésé, les débats argumentés seulement à partir de notre propre expérience personnelle, ETC.
Bref, l’individualisme ne disparaîtra pas, et c’est tant mieux. Mais ce qui est encore mieux et qu’on constate avec la génération qui se lève (je parle de sa partie qui se mobilise pour la grève), c’est qu’elle refuse que l’individu soit la seule valeur ou le seul critère moral… Comme si on avait poussé trop loin le bouchon et que ça débordait !
Ce sursaut qui vous fait craindre un collectivisme liberticide est une nécessité naturelle: on est allé en effet trop loin dans la glorification de l’individu et dans la valorisation du je-me-moi, au détriment de tout le reste: les traditions, les valeurs de respect, de responsabilité, de sens commun, de solidarité… Ceux qui voient en Gabriel Nadeau-Dubois un Che menaçant pour l’ordre établi alimentent une lubie parce qu’ils se sentent menacés dans leurs privilèges excessifs.
On veut pas vous vandaliser ou abolir vos droits. On veut que vous payez votre «juste part» !
@Méchant Libéral
Si je donne un montant d’argent au Club des Petits Déjeuners, je le fais pour venir en aide aux enfants les plus démunis mais, quelque part au fond de moi, je le fais aussi pour me déculpabiliser de pouvoir me taper un gros déjeuner chez Cora quand bon me semble. Du coup, je suis une « altruïse-égoïste ».
Chaque geste que l’on pose, on le fait de façon individualiste : on donne ou on prend pour répondre à un besoin personnel. Or, l’individualisme n’est pas prêt de s’évaporer puisqu’il représente, à la limite, une certaine forme de survie.
Ceci dit, je crois qu’il existe,d’un côté, l’individu conscient que le Je est bien petit sans le Nous. Ce dernier est prêt à lutter (quitte à devoir faire des sacrifices) dans le but de bâtir un monde meilleur et plus équitable, pour lui et pour l’ensemble de ses pairs. De l’autre côté, l’individu que je qualifie de narcissique (l’enfant-roi dont on parle tant), qui ne fait que demander son dû en tant qu’individu, peu importe le prix que devra en payer la société.
S’il vous plaît, ne confondons pas individualisme (l’individu en tant que centre de souveraineté politique opposition au constructivisme) et l’égoïsme, une tare morale.
Je ne fais AUCUNEMENT l’apologie de l’égoïsme, qui est un fléau. L’espace public et la conscience du collectif ne sont pas du tout incompatibles avec l’individualisme. Ne me prenez pas pour un crétin de randien x)
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Quand vous parlez d’un excès d’individualisme, vous voulez sans doute parler de ces lois qui pleuvent pour interdire les salons de bronzage, les boissons gazeuses ou que sais-je encore?
Il y a un énorme ressac constructiviste dans nos sociétés occidentales, en réaction, vous avez parfaitement raison, à ce que d’aucuns perçoivent comme l’atomisation des structures sociales causé par un désengagement global et progressif des citoyens.
Les libéraux sont biens conscient de ce problème. Nous n’avons pas de solution parfaite (libéral-conservatisme peut-être…); mais en tout cas nous savons que le planisme et le constructivisme sont bien plus catastrophique.
Cordialement,
Le pré-baby-boomer que je suis aurait tendance à appeler cette «génération» LA GÉNÉRATION INDOMPTABE, celle qui veut enfin crever l’abcès. Crever l’abcès pour de bon si possible, tout en pétant le feu.
Le vieux sociologue que je suis se méfie des analyses basées surtout sur le concept de «génération». Mais je ne vais quand même pas me mettre à chialer, de manière puérile, confrontés que nous sommes (et que je suis) à une crise sociale, voire sociétale, dont les «charest-gnards» sont incapables de mesurer ou de détecter l’ampleur.
Charest et sa «gagne» manifestent une incompétence et une arrogance révoltantes qui me donnent envie de hurler. Cela est d’autant plus vrai que pendant ce temps il y a un certain Monsieur Harper qui est en train de néantiser et pulvériser les traditions «canadiennes» les plus «progressistes» sans que nous nous révoltions contre cette vaste entreprise de démolition.
JSB, vieux sociologue
*****LA GÉNÉRATION INDOMPTABLE*****
Cette génération est celle qui veut crever l’abcès, le crever pour de bon si possible. Et cela tout en pétant le feu.
JSB, sociologue des médias
On m’excusera, je me permets de l’espérer, s’il y a une répétition de mes textes. Mais il y a eu de sérieux problèmes techniques qui faisaient en sorte que je ne savais plus si mon texte (le premier) serait enfin publié.
JSB
Vous avez de la chance, le mien ne l’a pas été. Perdu dans l’espace virtuel!
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M. Ricard a une vue très juste de la situation, des étudiants de classe privilégiée qui, avec leur partisan,nous font croire que tout ceci est pour la CAUSE.
Pendant ce temps, les jeunes décrochent du secondaire massivement, mais ils n’interessent personne.
Non, les étudiants qui manifestent ne sont pas des privilégiés, et de plus ils peuvent se préoccuper AUSSI du décrochage scolaire. Mais ce n’est pas le sujet de leur grève. Ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas un problème de société important. Nous sommes tous d’accord.
Il ne faut pas avoir de raisonnements simplistes. On peut marcher et mâcher de la gomme en même temps!
Je vous invite à lire le texte de M. Ricard qui est cité dans le texte M. Chenier.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/06/07/une-revolte-etudiante-qui-rompt-la-routine-d-une-societe-devenue-ennuyeuse_1714595_3232.html
Et aussi je vous invite à faire quelques recherches:
Statistique Québec
Statistique Canada
Conseil supérieur de l’éducation
Vous allez être surprise de constater que les études supérieures est l’affaire de la classe moyenne à supérieur.
Si l’on veut vraiment parler d’accessibilité, faut arrêter de mâcher de la gomme et s’attaquer au décrochage, parce que même avec la gratuité, il n’y aura pas plus de gens défavorisés qui accèderont aux études supérieures…..
« Vous allez être surprise de constater que les études supérieures est l’affaire de la classe moyenne à supérieur. »
« M. Ricard a une vue très juste de la situation, des étudiants de classe privilégiée qui, avec leur partisan,nous font croire que tout ceci est pour la CAUSE »
Dans la mesure ou vous dites que ceux qui vont a l’unviersite serait les mieux nantis.
Donc dans le fond vous avez pas de probleme a utiliser l’impotpour financer les universites qui touche davantage ceux avec importants revenu …
Ensuite, ces universitaires qui font un revenu plus important contribue davantage par leur impot.