Voici un deuxième morceau choisi des Chroniques de René Lévesque, colligées et publiées par Québec-Amérique en 1987, mais tirées du Journal de Montréal entre 1970 et 1973. En cette veille de St-Jean Baptiste, je me permets de la reprendre à mon compte.
Mais avant, il faut peut-être insister sur les raisons qui motivent ce recours au discours et à la pensée de René Lévesque:
Le Plan Nord de Jean Charest se prépare à brader nos richesses naturelles et le gouvernement libéral a vendu notre potentiel pétrolier au privé; René Lévesque fut le grand artisan de la nationalisation de notre plus grande richesse. Il a fait en sorte que celle-ci profite à tous…
La corruption et le financement illicite du parti au pouvoir à Québec semblent endémiques, cela oriente même le processus décisionnel du gouvernement; René Lévesque a mis fin aux caisses occultes et il est le père d’une loi sur le financement populaire des partis politiques qui fut à l’époque considérée comme une des plus grandes innovations démocratiques en occident. Si cette loi est aujourd’hui dépassée, il n’en reste pas moins qu’un René Lévesque de 2012 réagirait promptement à la dérive actuelle, tout allergique qu’il était à la corruption…
Nos terres agricoles sont l’objet de spéculateurs ou servent à augmenter l’étalement urbain, ce qui nuit au développement de notre territoire et menace notre sécurité alimentaire. Or, le 1er gouvernement Lévesque est à l’origine de la loi sur la protection du territoire agricole, loi qui mérite d’être actualisée en 2012 puisque la Commission de protection du territoire agricole a été complètement ignorée par le gouvernement Charest dans le dossier du port méthanier Rabaska… On pourrait parler aussi du Bureau d’audiences publiques en environnement qui a été mis sur pied par le gouvernement Lévesque et qui est aujourd’hui affaibli et instrumentalisé par le gouvernement Charest pour faire avaliser des projets douteux sur les plans environnemental et social comme l’exploitation des gaz de schiste.
Que dire de plus? Le simple fait que René Lévesque parlait aux Québécois devrait suffire à ce qu’on ait envie de le ramener à notre mémoire. Il ne répétait pas que des slogans vides. Il ne nous prenait pas pour des imbéciles. Écoutez le discours de fondation du Parti québécois (Lévesque n’aimait pas le nom de «son parti», écoutez à partir d’environ 3:00 min.), vous y entendrez quelqu’un qui tient un discours soutenu – des phrases longues à la ponctuation complexe, un langage au vocabulaire riche et diversifié – mais accessible. Un homme qui parle franc, qui ne promet pas un paradis avec l’avènement de la souveraineté, mais qui croit que le Québec serait simplement mieux servi s’il contrôlait les principaux leviers de son développement.
Voici donc ce qu’écrivait René Lévesque à la veille de la St-Jean Baptiste, notre fête nationale, en 1973 :
Ce goût du Québec
Où en sommes-nous? Où allons-nous collectivement, petit peuple à la fois plus évolué et plus confus que jamais? Et d’abord, est-ce que vraiment nous allons quelque part?
Il me semble que oui. C’est long, et dur, et incertain jusqu’au bout pour tous ceux qui y sont plongés, que l’avènement à la maturité d’une collectivité nationale aussi maganée que la nôtre. Est-il un peuple au monde que l’histoire ait si longuement refoulé dans la demi-vie velléitaire d’une dépendance juste assez bien nourrie pour qu’on s’y habitue? Un autre peuple que ses élites traditionnelles, presque sans exception, aient si joyeusement trahi, si c’est trahison de prêcher constamment patience, résignation et peur de tout changement afin de garder le troupeau bien en laisse? Je ne le pense pas. Le Québec est indiscutablement un «cas», le cas d’une nation née comme les autres, autant sinon mieux que la plupart des autres, pour s’épanouir et prendre ses affaires en main, mais qu’on a failli étouffer à jamais dans la ouate déprimante d’un climat politique et social paternaliste, complexé, tout rempli d’une «sainte» méfiance de l’homme et littéralement fait pour l’émasculer.
Et pourtant, le Québec bouge. Ce Québec français dont c’est encore une fois la fête «nationale»… en attendant, jamais il n’a vu en même temps un si grand nombre de ses citoyens se soucier de son avenir. S’en soucier non plus en belles phrases ronflantes de la survivance où il y eut toujours tant de passé et d’avenir mais si peu de présent… C’est dans l’action, et puisque la question de vie ou de mort est politique, dans l’action politique que ça se passe. C’est «here and now» qu’on s’y attelle et qu’on a désormais l’espoir, chaque jour plus étoffé, de parvenir à ce but si normal et nécessaire à la fois: la souveraineté politique. Sur tous les plans, c’est là que se trouve le point de départ d’un avenir valable pour ce petit peuple, sinon il n’y en a pas.
Notre langue minée et «pas payante», que trop des nôtres méprisent sans l’avouer et s’apprêtent à affaiblir encore chez leurs enfants, seul un pays à nous peut la revivifier en lui conférant une rentabilité nationale.
Notre économie faiblarde et quémandeuse, de même. Notre structure sociale en pleine mutation, allant de sursauts fous en retombées dans la routine, avec la tentation périodique du retour en arrière, seule l’indépendance politique peut lui fournir au moins l’encadrement susceptible d’éviter l’anarchie comme l’affaissement…
Notre mentalité surtout, cette «diminution» psychologique qu’on nous a (et que nous nous sommes) infligée, rien d’autre ne saura jamais nous la corriger. Avec la création d’Israël, a-t-on dit, tous les Juifs du monde ont subitement gagné deux pouces de taille en se redressant. Un foyer national, c’était cela pour eux. Ce sera cela aussi pour nous.
Bref, on voit comme jamais s’affronter les deux instincts classiques de tout organisme. D’abord plus que notre part, traditionnellement, de l’instinct noir et suicidaire qui a purement peur de la vie et que nourrissent toutes les forces organisées ou inconscientes de la réaction: de «la grosse argent» des autres à nos petits complexes bien à nous, et de l’ignorance du potentiel québécois qu’entretient si bien notre pouvoir roi-nègre (…) . Mais, à mon humble avis, l’instinct de vie et de soleil, «ce goût du Québec» si tard mais si fort éveillé qui monte comme une sève dans le corps national, devrait bientôt l’emporter. On n’a encore jamais vu de peuple, une fois ressentie et bien enracinée cette rage de vivre, qui soit retombé dans le refus de soi-même. Je ne crois pas que le Québec soit destiné à être la première exception.
René Lévesque, «Ce goût du Québec», Journal de Montréal, 23 juin, 1973.
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Quelques commentaires de ma part:
1- Sur la souveraineté et sa nécessité pour une petite nation comme la nôtre, je trouve que la pertinence de l’argumentation demeure. Mais le contexte actuel fait en sorte que l’urgence se situe sans doute à l’intérieur des pouvoirs que le Québec détient déjà mais qu’il assume très mal. Réinvestissons nos pouvoirs actuels au maximum et j’imagine fort bien que cela nous redonnera «ce goût du Québec» qu’espérait tant Lévesque…
2- Sur la comparaison avec Israël, disons que Lévesque n’a pas suffisamment insisté sur le fait qu’en se relevant, certains nationalistes juifs en ont profité pour refuser le droit à l’existence d’un autre peuple. De son côté, le nationalisme de Lévesque n’avait rien de revanchard et il s’est toujours comporté comme un «vrai libéral», c’est-à-dire respectueux des droits des minorités.
3- Bonne St-Jean ! «Gens du pays, c’est notre tour, de nous laisser parler d’amour!»
P.S. C’est aujourd’hui le 22 juin: c’est donc la manif du 22 du mois. À 14h, place du Canada… Ça aussi ça donne le goût du Québec!
Avec Charest, nous sommes passé de la Révolution tranquille à la dépossession tranquille. De Maître chez nous à traître chez nous.
As t on des politiciens qui s’inspire vraiment de René Lévesque. OUI :
Daniel Breton, candidat du Parti Québécois lequel s’est donner comme mission d’enclencher le Maitre chez nous phase deux.
(Google) : PQ Daniel Breton Maitre chez nous phase deux
Hissons notre drapeau … au coeur de NOUS … ne le laissons pas s’étioler …
Bonne St-Jean !