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Le retour des beaux dimanches?

Vous vous rappelez des Beaux dimanches?

Si c’est le cas, ça trahit votre âge… Pour ceux et celles qui n’ont pas connu cette émission-phare de Radio-Canada, disons que c’était le rendez-vous hebdomadaire de la télé publique avant que Tout le monde en parle devienne notre nouvelle messe télévisuelle…

Pourquoi est-ce que je reviens aux Beaux dimanches? Parce je suis allé voir Les Belles Soeurs de Michel Tremblay tel que monté par René-Richard Cyr avec la complicité de Daniel Bélanger qui a mis en musique ce texte mythique en le propulsant dans le XXIe siècle. Ce spectacle est si bon, si extraordinaire, que ce serait un péché qu’il soit seulement réservé à ceux qui ont les moyens de se le payer (le billet coûtait 100$ !).

Voilà à quoi servait Les Beaux dimanches: on y présentait régulièrement des télé-théâtre, ce qui a contribué à ce que les Québécois s’approprient notre dramaturgie, celle de Gratien Gélinas, de Marcel Dubé, de Tremblay et de plusieurs autres, sans négliger de grands auteurs «classiques» comme Tennessee William, Molière, Rostand, etc.

Dans le programme des Belles Soeurs, le metteur en scène René-Richard Cyr disait qu’il a découvert Michel Tremblay dans un télé-théâtre en 1971. Cette soirée sur son divan a transformé sa vie. L’artiste qu’il est aujourd’hui est redevable à une telle programmation de la télé publique. Je suis sûr que la projection à la télé à heure de grande écoute de cette version chantée des Belles Soeurs changerait la vie de plusieurs Québécois qui n’auraient autrement pas accès à une pièce de si grande qualité.

Le comédien Raymond Cloutier s’est insurgé il y a plusieurs années contre le fait que nos productions théâtrales, de si grande qualité, soient réservées à un public trop restreint. Il proposait aux compagnies de théâtre de mettre en œuvre divers moyens pour augmenter le nombre de représentations ou parvenir à organiser des tournées en région pour élargir leur public… Son constat de l’époque est toujours d’actualité. Et je suis d’accord avec les solutions qu’il proposait. Mais j’en rajoute. On devrait mettre en place une brigade de jeunes vidéastes pour capter avec l’autorisation des compagnies théâtrales, la plupart des shows de théâtre diffusés sur notre scène culturelle. Comme citoyen avide de ma culture, je suis souvent frustré de ne pouvoir boire à toutes les sources: je n’ai ni le temps ni l’argent suffisants pour voir tout ce qui se fait de l’Espace libre à l’Espace Go, du Quat’sous à la Licorne, du Théâtre d’aujourd’hui au TNM, du Prospero à la NCT… Sans compter les compagnies plus obscures.

Notre scène théâtrale n’a rien à envier à ce qui se fait de mieux ailleurs dans le monde. Il est donc dommage qu’elle demeure circonscrite à un public aussi restreint. La meilleure façon de remédier à cela serait de capter ces créations et de les diffuser régulièrement à la télé publique. Et pour ceux qui croient que des télé-théâtre, c’est ringard et dépassé, je vous invite à retrouver la pièce Motel Hélène de Serge Boucher qui a été présentée à Télé-Québec il y a quelques années… Que celui qui n’est pas happé par le texte cru de Boucher et le jeu criant de vérité de Maude Guérin dans cette pièce soit à jamais condamné à apprécier le vide culturel des émissions comme Occupation double.

Combien de nouveaux publics, de nouvelles flammes pourrait-on allumer un peu partout au Québec (surtout en région où l’offre culturelle est plus limitée) en diffusant nombre de productions culturelles de qualité autrement réservées à un public déjà acquis à la grandeur du théâtre?

Je ne cherche pas nécessairement à abolir Tout le monde en parle (quoique le concept de l’émission tourne à vide depuis quelques années selon moi – à quand remonte selon vous Ce Grand Moment de télévision auquel nous devrions aspirer pour une émission de si grande écoute?).

Disons simplement que le retour des Beaux dimanches ou d’une programmation qui ferait une réelle place à des shows de théâtre (ou à d’autres formes d’art autrement absentes de la télé et du web, comme la danse et la poésie par exemple) serait bienvenu dans le contexte actuel où même des invités de marque ne réussissent pas à faire l’antenne ou encore à être intéressants aux yeux de la petite clique qui gravite autour de Guy A…

Je vous lance donc une question: comment pouvons-nous propulser cet appel pour une diffusion à plus grande échelle de notre production théâtrale?