La réélection de Barack Obama soulève la question de l’avenir du parti républicain qui, depuis 1964, c’est-à-dire depuis l’adoption par le Président démocrate Lyndon B. Johnson du civil rights act interdisant la ségrégation raciale, est de plus en plus confiné à l’électorat blanc des États du centre et du sud. Or, depuis 2008, le parti républicain a choisi comme candidat officiel à la présidence des figures jugées plus «modérées» que sa base militante bruyante issue de la droite religieuse ou du Tea Party… En effet, le candidat républicain de 2008, John McCain, n’était pas un «fou de Dieu». Et Mitt Romney, avant d’être contraint de se tasser complètement à droite et de renier la plupart de ses positions antérieures plus modérées pour gagner l’investiture de son parti, ne correspondait pas tout-à-fait à la droite dure du parti républicain lorsqu’il était Gouverneur du Massachusetts…
Or, les deux victoires de Barack Obama, celle de 2008 et celle d’hier, confirment que l’évolution démographique et politique des USA ne favorisent pas le positionnement idéologique actuel du parti républicain. L’augmentation significative des populations d’origines hispaniques, la diversification de la population dans la plupart des États du sud, le mode de vie d’une majorité silencieuse qui est de plus en plus décalé par rapport au discours religieux des différentes églises, tout ceci illustre que la droite aux USA doit repenser ses priorités si elle ne veut pas être confinée à la marginalité.
Mais la démocratie américaine telle qu’elle fonctionne risque de freiner l’évolution du parti républicain vers l’adoption d’une plateforme plus centriste. En effet, pour gagner l’investiture du parti, c’est-à-dire triompher lors des élections primaires, il faut satisfaire et convaincre une base militante active, bruyante, mobilisée, qui entretient une méfiance maladive envers le gouvernement fédéral (à l’origine de la déségrégation et de la plupart des politiques sociales américaines, y compris le Obamacare) tout en priorisant des enjeux moraux (droit à l’avortement, à la contraception, droits des gays, euthanasie, place de la recherche et du discours scientifique face aux croyances religieuses, etc.) qui font de plus en plus partie de la norme pour une large portion de l’électorat. Voilà ce qui guette le Grand old party (GOP): n’ayant pas réussi à conquérir la présidence avec des candidats moins radicaux, plusieurs seront tentés d’élire des candidats encore plus campés à droite lors de la prochaine présidentielle… Et si cette tendance se confirme – tant pour la présidence que pour les postes de Représentants au Congrès, de Sénateurs ou de Gouverneurs, le GOP sera confiné à certains États ou certaines régions plus conservatrices ou pire, il sera tenté de maintenir sa vigueur en alimentant la mauvaise foi, les attaques personnelles, la tricherie électorale, la méfiance envers les minorités, les tactiques déloyales empêchant ces mêmes minorités de voter, etc.
Mais cette radicalisation du Parti républicain américain n’est pas un passage obligé. J’entrevois très bien la candidature de Chris Christie, l’actuel Gouverneur du New-Jersey – un républicain modéré sur le plan moral mais fortement imprégné d’un conservatisme fiscal, remporter l’investiture en 2016… Comme si George W. Bush avait été le dernier des Présidents issu de la droite radicale… Comme si le mouvement du Tea Party qui a émergé en 2010 était le dernier cri d’une majorité blanche nostalgique de sa domination et de son monopole sur ce qu’est l’identité américaine…
Chose certaine, en écoutant les dernières paroles du discours de victoire du Président Obama (voir l’extrait à 19:20), on constate que la devise des USA prend aujourd’hui tout son sens:
E pluribus unum !
En écoutant CNN hier soir, ils ont décliné leurs sondages de sortie des urnes par tranches d’âges. Les démocrates dominent solidement chez les jeunes et à partir de 45 ans, ce sont les républicains. Une analyste républicaine, qui disait que le parti devait faire un post mortem franc et se réaligner, soulignait que la plupart des études tendaient à démontrer qu’après avoir voté 3 fois successives pour un parti, une immense majorité de jeunes électeurs sont définitivement acquis à un parti. Elle considérait donc que le parti Républicain venait de littéralement s’aliéner une génération complète et que comme sa base est vieillissante, ils ont l’obligation de se renouveler pour ne pas perdre la prochaine génération qui, bien qu’elle ne vote pas, est déjà à l’écoute de l’offre républicaine et entrain de se forger une identité politique.
J’ignore si la suite de cette élection sera une radicalisation et une polarisation encore plus marquée du débat politique, résultat d’une majorité blanche anglo saxonne qui voit les prédictions démographiques qui prédisent qu’elle deviendra une minorité au profit des hispaniques d’ici quelques décennies, ou si au contraire, le parti se ressaisira à temps pour récupérer son statut de «parti naturel» et offrir un climat politique plus constructif. Mais à entendre Grover Norquist qui, le lendemain de l’élection, dit qu’Obama n’a rien gagné, que les Républicains prendront le contrôle du Sénat dans 2 ans et de la Maison Blanche dans 4 ans, je doute que le message ait percé l’aveuglement des esprits les plus obtus. On en vient à se demander si ce climat de campagne électoral quasi permanent, n’est pas ce qui, fondamentalement, sclérose la législature américaine.