C’est le moment de l’année où plusieurs font des bilans. En partant de l’année qui vient de passer, je propose que nous réfléchissions sérieusement à différentes stratégies pour sortir du marché certains secteurs de notre économie.
La culture est un exemple d’un secteur vital qui vit déjà en marge du marché grâce à des subventions gouvernementales… Une autre idée qui fait son chemin et qui existe en France depuis plusieurs décennies, c’est le prix unique du livre. J-F Nadeau en parlait très bien ici dans Le Devoir. Quand on y pense bien, la loi 101 au Québec permet aussi à la langue française de se sortir du marché quasi-monopolistique de l’anglais…
L’idée de développer certains secteurs porteurs hors du marché ou de les protéger de ses effets destructeurs se répand ces jours-ci vers d’autres champs d’intérêts. On se met à parler de souveraineté alimentaire, de protection des terres agricoles face aux requins de la spéculation, etc.
Jusque dans le Mile-End, où on «retire du marché» en quelque sorte une série d’ateliers d’artistes qui autrement prendraient une telle valeur qu’ils forceraient la délocalisation de ces mêmes artistes qui ont créé le «buzz» autour de ce quartier devenu nouvellement et «tragiquement hip» grâce à eux…
Sur certains toits d’édifices, l’espace libre est prêté à des agriculteurs urbains qui font alors rouler leur petite entreprise d’économie sociale et échangent leur production excédentaire contre d’autres biens. Sans compter ceux qui «volent» les surplus de nourriture jetés par les supermarchés et les restaurants… Des marchés d’échanges de biens et services, des réseaux de trocs s’insinuent, s’instituent, se développent en marge du marché.
Cela permet de sauvegarder ce que l’on considère comme primordial, qui ne peut être considéré comme un bien marchandable. La culture, l’agriculture, l’éducation (on a marché pour ça, et on a pas fini!) l’accès aux soins de santé, les éléments essentiels à la vie sur Terre : l’eau, l’air, la lumière et la chaleur qu’offre le Soleil… Ces choses ne devraient pas être soumises aux seuls effets dévastateurs du marché qui ne s’offre qu’à ceux qui en ont les moyens…
Cela permet de favoriser le maintien de la société, qui est plus qu’une simple agrégation de consommateurs ou un marché. L’idée derrière la société est qu’il y a un «nous» plus grand que l’ensemble de ses parties. Une cohérence, une cohésion, une culture, une volonté de vivre ensemble et de prolonger l’expérience…
Si nous ne sommes que des individus-consommateurs, nous marchanderons notre adhésion au pouvoir politique le plus offrant… Ça me rappelle que les libéraux de Jean Chrétien ont pensé pouvoir le faire : avec le scandale des Commandites, on cherchait littéralement à vendre la marque de commerce du Canada aux Québécois, tout en finançant le Parti libéral…
Et lorsqu’on fait le bilan de l’année, on se dit que sous les libéraux de Jean Charest et sous la gouverne de nombreux maires, le Québec était sous l’emprise du marché ces dernières années… Une autre raison de pousser pour vivre davantage en marge du marché…
Mais dire ça à deux semaines des fêtes de Noël, est-ce futile?