J’ai marché un peu aléatoirement dans Tunis aujourd’hui. Et ce qui m’a réconforté par rapport aux craintes que j’accumule depuis l’assassinat de Chokri Belaïd (1), c’est l’existence et même la coexistence d’une réelle diversité au sein de la population tunisienne.
Par exemple, en traversant la médina, on s’aperçoit que la rue des vendeurs de jeans comprend plusieurs types de vendeurs : il y a celui qui fait jouer dans sa boutique des prières pré-enregistreés pour démontrer sa piété; il y a celui qui préfère fumer sa cigarette tranquille en sirotant son café noir; il y a celui qui fait jouer à tue-tête du dance music; il y a le vendeur classique qui projette sur écran-télé des vidéos de chanteurs raï; et il y avait même une boutique dans laquelle Phil Collins chantait ses vieux hits des années 1980… Toute cette diversité cohabite sans tension apparente. C’est pour moi un signe positif qui pose de réelles digues contre l’islamisation radicale du pays.
Les Tunisiens (et surtout les Tunisiennes!) ne laisseront pas cette diversité se faire gommer par une idéologie étrangère et radicale provenant de la péninsule arabique. Au quotidien, le mode de vie de la majorité repose sur un «vivre et laisser-vivre» qui serait fortement bousculé par le projet politique des islamistes radicaux…
Cet état de fait me réconforte. Mais il ne garantit pas que le pays puisse éviter ce glissement pour le moins inquiétant vers la dictature morale des salafistes. Surtout dans un contexte économique difficile. Ce qui est le cas actuellement en Tunisie. Il faudra donc construire des communautés et des alliances qui réussissent à combler la fonction sociale de plusieurs réseaux islamistes largement financés par l’Arabie saoudite, le Qatar et les Frères musulmans égyptiens…
C’est aussi à cela que sert le Forum social mondial : prendre conscience que le combat des femmes est à l’avant-garde de tous les combats pour la démocratie et la justice sociale. Prendre conscience pour agir et construire les alternatives au pouvoir immense et puissant de l’idéologie islamiste financée par les pétro-monarchies du golfe.
Aujourd’hui, nous avons vu la diversité des mouvements qui composaient ce forum social. Demain, le Forum prend son envol.
Leïla Saìda.
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(1)- Chokri Belaïd est ce leader de la gauche laïcisante qui a été assassiné au début du mois de février dernier et qui a fait basculé le pays dans une crise politique importante. L’enquête autour de ce crime politique est actuellement dans l’impasse. Le ministère de l’intérieur et celui de la Justice sont chargés de faire la lumière sur cet assassinat, mais le dossier piétine… Il est pourtant d’une importance capitale car il touche à l’impunité d’un système politique longtemps autoritaire tout en secouant des mouvances proches d’Ennahda, le parti au pouvoir (soupçonnée de complicité ou de complaisance dans cette affaire).
Sans commentaire, Monsieur Chénier.
(Mais à suivre… plus tard.)