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Le sourire de l’oppression

Avez-vous entendu parler le Président du Comité olympique canadien, Marcel Aubut, parler à l’émission-radio de Marie-France Bazzo? L’homme était enjoué, enthousiasmé par «les plus beaux Jeux olympiques (…), les mieux organisés (…), par le sourire des bénévoles, etc.» M. Aubut a aussi chaleureusement accueilli Vladimir Poutine au pavillon du Canada à Sotchi comme si c’était un libérateur de peuple digne de la plus haute considération. Accolades, présentation de lui comme d’une rock star! C’était à y vomir de mauvais goût et d’exagération. Il y a la diplomatie et il y a l’indécente soumission au protocole.

Les Jeux olympiques seraient apolitiques selon M. Aubut. On ne ferait pas de politique avec les Jeux… Laissez moi sourire. Mais pas ce sourire de l’opprimé, obligé de dire que tout va pour le mieux dans «le meilleur des mondes». Pas non plus ce sourire de l’oppresseur, celui de Poutine et de ses amis complaisants comme Marcel Aubut, qui considèrent qu’opprimer les homosexuels; que confiner le droit de manifester à un cercle restreint et excentré des lieux de compétition tout en exigeant que ce droit de manifester pacifiquement soit pré-autorisé; que réprimer toute dissidence ou la pousser à l’exil; que de traiter en terroristes ses opposants sont autant d’ingrédients d’une organisation sans failles, irréprochable, voire la meilleure de tous les temps…

Berlin 1936. Les Jeux olympiques ont permis à Adolf Hitler et au régime nazi ce qu’on pourrait appeler une régularisation de sa position sur la scène internationale. Ce furent les JO les mieux organisés de l’histoire! On a pu y voir une grande nation, unie sous le drapeau, forte à l’interne, puissante à l’externe. Il ne faut pas sous-estimer l’importance politique d’un événement international comme les JO. Et surtout l’instrumentalisation qu’un régime politique, quel qu’il soit, peut en faire. Toute la symbolique des JO est fortement politique : seuls les États souverains y participent, le podium, le drapeau et l’hymne national du vainqueur, le processus de sélection du pays hôte, etc. Si tout cela est apolitique, rien n’est politique!

Un événement international comme les JO peut permettre à une autorité étatique d’augmenter son pouvoir, sa légitimité, son emprise à l’interne et sa puissance, comme sa capacité de mobilisation pour pouvoir exiger ensuite davantage de sacrifices pour «la grandeur de l’État», comme ce fut le cas pour les JO de Berlin avec le nazisme…

Et le régime Poutine, bien qu’éloigné du nazisme, porte en son sein et dans ses pratiques des caractéristiques pour le moins préoccupantes… Il suffit de se documenter un minimum sur le sujet pour comprendre toute l’étendue du pouvoir de M. Poutine. Il suffit de lire un tant soit peu sur la région pour entrevoir la répression sous le couvert d’une procédure électorale de façade. Sans parler des velléités impériales et stratégiques de la Russie dans le Caucase, région «hôte» des Jeux de Sotchi.

Bref, se garder une petite gêne aurait été pour le moins un peu plus convenable comme comportement. Pourtant, il me semble que le gouvernement Harper dit appliquer une politique étrangère qui repose sur des principes forts… C’est pas ce que Chris Alexander, ministre fédéral de l’immigration, disait l’aut’jour à Tout le monde en parle à propos du soutien canadien à Israël? : «Nous soutenons Israël parce que c’est la seule démocratie dans la région! C’est une position de principe».

Ah bon. Mais laissez-moi sourire en guise de réponse à toutes ces inepties, celles de notre gouvernement fédéral comme celles de ses valets du Comité olympique canadien, trop imbibés de caviar et de champagne pour qu’ils en apprécient eux-mêmes la valeur. Ces gens déclenchent chez moi un sourire, mais contrairement à eux, ce n’est pas le sourire de l’oppression.