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Quelque chose d’audacieux

Dans tout le brouhaha de la «victoire» libérale (les médias ne nous entretiennent que de la défaite péquiste!), on a omis de mentionner l’élection de François Blais, ex-Doyen de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval. Professeur de science politique, M. Blais est un des experts internationaux à propos du revenu de citoyenneté (RC). Cette idée du RC est surtout débattue en Europe, et bien qu’elle soit polymorphe, on pourrait la définir de la manière suivante:

«Un revenu inconditionnel versé par une communauté politique à tous ses membres». (1)

Un revenu de citoyenneté (RC) doit donc être versé à tous (seule condition d’éligibilité : être un citoyen québécois âgé de 18 ans). Un RC doit comprendre un versement mensuel et cumulable, en plus d’être suffisant pour dépasser le seuil de pauvreté (d’autres mesures ou indicateurs, comme la mesure du panier de consommation – MPC – seraient peut-être mieux indiqués pour soutenir les besoins réels des personnes, particulièrement des personnes seules à faibles revenus).

Puisqu’il est individualisé, le RC permet à des personnes qui cohabitent d’augmenter leur revenu. Cette mesure semble défavoriser les personnes seules, et il faudra toujours que des mesures supplémentaires soient mises en œuvre pour éviter que ces personnes soient délaissées par la société. Mais puisque le RC est attribué à tous, sans procédure d’évaluation ou test de revenu, on peut dire que tout le monde y gagne:

  • on diminue le phénomène de la trappe de pauvreté, c’est-à-dire ceux et celles qui tombent dans les craques du système en ne répondant pas aux nombreux critères d’éligibilité et tracasseries des mesures sociales, ainsi que ceux et celles qui sont tentés de rester sur l’aide sociale parce qu’un revenu de leur part réduirait l’aide sociale dont ils sont bénéficiaires. Rappelons qu’un RC est cumulable et inconditionnel.
  • on diminue la bureaucratie, le poids de l’État (on diminue surtout la nécessité pour l’État de chercher à en savoir plus sur ses citoyens). On peut penser aussi qu’un RC amoindrit le sentiment dévalorisant d’être bénéficiaire de l’aide sociale.

Les objectifs fondamentaux d’un RC sont de réduire la pauvreté et de consolider la solidarité sociale par un impôt progressif qui redistribue l’ensemble de la richesse à l’ensemble de la société.

Pour ne pas détourner un RC de ses objectifs, l’État doit donc continuer à offrir une éducation et un accès aux soins de santé gratuits – à ce que François Blais appelle les transferts en nature de l’État. Un RC ne remplace pas ces différents transferts en nature de la part de l’État (ce que l’on appelle généralement les «services publics», incluant l’accès aux parcs). Un RC crée un nouveau «transfert en espèces». Celui-ci vise à diminuer les trappes de la pauvreté en renforçant la légitimité de politiques redistributives: ce ne sont plus les seuls «pauvres» et les «sans-emplois» qui en bénéficient, mais tout le monde. Ceux et celles qui gagnent plus payent leur part de l’impôt.

M. Couillard veut contribuer à changer le ton des débats à l’Assemblée nationale, qu’il se montre capable de proposer quelque chose d’audacieux (quelque chose d’autre que le ronron de la stabilité anti-référendaire) en y rassemblant des personnalités elles aussi capables de négocier leurs idéaux avec la réalité…

Espérons que le premier ministre Philippe Couillard lira les travaux du professeur François Blais. Rêvons quelques secondes et imaginons un François Blais nouveau ministre du Revenu et de la citoyenneté qui met en branle une grande consultation sur le RC avec comme Présidente, Viviane Labrie, comme co-commissaires Françoise David de Québec Solidaire et Véronique Hivon du Parti québécois.

Bon, j’arrête d’espérer et j’men vas faire le ménage de la ruelle, mon transfert en nature que j’assure envers mon voisinage…