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«Dans un monde économique normal»

Philippe Couillard a-t-il choisi l’austérité? Alors qu’il dit vouloir rompre avec l’ère Charest, il s’oriente pour couper dans les programmes sociaux et geler les salaires des employés de l’État qui, soit dit en passant, selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), accusent un retard salarial de 8.3% sur les autres employés, tous secteurs confondus, INCLUANT les avantages sociaux que sont les assurances collectives, la retraite et la permanence.

On entend ces temps-ci à la Commission Charbonneau le fait que c’est le déclin de l’expertise publique mis en œuvre sous l’ère Charest (et Bouchard!) qui a favorisé la corruption, le népotisme et l’explosion des coûts qui y sont associées. Que veut faire M. Couillard? Accroître la place du privé partout dans les services publics? Son discours en campagne proposait plutôt le retour au ronron de la consommation irréfléchie mais sans référendum!

Or, j’ai évoqué dans mon billet précédent que les libéraux pourraient être audacieux et mettre en place un revenu de citoyenneté (RC) inconditionnel et offert mensuellement à tous les citoyens de 18 ans et plus. Le nouveau ministre de l’emploi et de la solidarité, François Blais, en est justement l’un des partisans les plus connus dans le monde.

Mais si Philippe Couillard a cette vision, celle d’un État plus simple oui, moins lourd bureaucratiquement, mais d’un État dont la mission essentielle est de véritablement répartir la richesse et lutter contre la pauvreté, eh bien il devrait nous le dire et agir en conséquence: mandater François Blais de mettre en place un véritable RC qui nous sort du seuil de pauvreté.

Il m’apparaît malheureusement que Philippe Couillard a choisi l’affrontement. L’affrontement avec les mouvements sociaux. L’affrontement envers les syndicats. Il pense sans doute lui aussi que c’est payant électoralement. Si ça se trouve, il est un adepte des lois «Right to work» qui se répandent partout aux USA et qui ont pour but de briser le mouvement syndical, d’accélérer la précarité et de réduire la masse salariale des entreprises au profit d’une richesse financiarisée qui ne profite toujours qu’à la même élite corrompue. Le phénomène des working poors n’intéresse sans doute pas Philippe Couillard. Ça ne fait pas partie de «son monde économique normal» j’imagine.

M. Couillard dit vouloir rompre avec l’ère Charest. Il adopte pourtant la même stratégie face aux revendications des mouvements sociaux réclamant une meilleure répartition de la richesse et une accessibilité à des services publics de qualité pour tous.

(Mais pouvait-on espérer quelque chose d’autre d’un homme qui a tiré profit toute sa vie d’un bien public – l’éducation de qualité et presque gratuite de Philippe Couillard lui a permis de s’enrichir AU SERVICE d’un régime dictatorial odieux, sexiste et fortement autoritaire, puis de placer son argent dans un paradis fiscal pour s’assurer de ne pas payer trop d’impôts à la société qui a financé son ascension; et il faut aussi rappeler le fait que Philippe Couillard a personnellement profité de son poste d’autorité de Ministre de la santé en 2007 pour se négocier une place au sein d’une fondation privée en santé… ah il y a aussi ces mesures législatives qu’il a alors prise en favorisant l’industrie vers laquelle il allait dorénavant «se dévouer». Soupirs.)

Claude Ryan, ex-chef libéral, parlait lui de la nécessité pour l’État de travailler au «Bien commun». Pour les libéraux de Philippe Couillard, il semblerait que le Bien commun, c’est à eux! «Dans un monde économique normal…» comme disait Gaétan Barrette à propos de sa prime de 1,2 million qu’il a acquise en lien avec le pourcentage d’augmentation qu’il avait réussit à négocier comme Président de la Fédé des médecins spécialistes… Remettra-t-il le montant de sa prime associé à cette augmentation salariale si elle est étalée sur plus d’années?

Mais non, je ne vis pas «dans un monde économique normal», je ne fais pas partie de ce 1% qui vit au-dessus de tout, qui se croit au-dessus de tout comme Gaëtan Barrette, Philippe Couillard et leurs amis (Sam Hamad, Jean d’Amour)… Tous disent agir toujours «légalement», en respectant la loi, mais en contournant les principes éthiques élémentaires en toute impunité parce que tout leur est dû. Et maintenant qu’ils sont au sommet, ils poursuivent leur œuvre, ils servent l’avarice, l’opportunisme, ils veulent enrichir les riches, appauvrir tous les autres…

Pis l’environnement? Les réformes démocratiques? Ben non, la priorité, c’est de s’occuper des vraies affaires. Choisir l’affrontement. Détourner la mission de l’État pour qu’il serve (encore plus qu’il ne le fait déjà) la classe dominante comme disait Marx. Je suis loin d’être marxiste. Je suis de ceux qui aimeraient bien que Marx soit ringard… Mais Marx redevient encore et encore pertinent, à mesure que l’entreprise de destruction des grands instruments de répartition de la richesse que sont les services publics se poursuit. (J’aurais ajouté les syndicats à mon exemple, si Jocelyn Dupuis et sa bande n’avaient pas autant contribué à ternir l’image de ceux-ci !). Le livre le plus commenté actuellement en sciences sociales est d’ailleurs Le Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty.

«1-2-3-4; It’s a fucking class war» scandaient mes étudiants en grève encore récemment… Ils ont raison. Et comme disait Warren Buffett en 2012, «Yes, there is a class war, and the riches are winning it!»

Dans un monde économique normal, l’économie sert à faire vivre des gens. Pour éviter que seuls quelques gros riches s’accaparent toutes les ressources, on collectivise certains biens: c’est le cas de l’éducation, de la santé, de la culture, des parcs, des infrastructures collectives, des politiques sociales.

Mais «dans un monde économique normal», ça ne fonctionne pas comme cela il paraît.