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Les pleureuses autorisées de Charlie hebdo

L’attentat contre Charlie hebdo m’a rendu à la fois triste et craintif. J’ai peur du repli qu’il peut favoriser de toutes parts.

Repli des médias, qui auront peur de publier toute forme de critique pouvant s’attirer les foudres de ces fous d’Allah ou de toute autre personne déréglée incapable de débattre sereinement de sa vision du monde.

Repli des pays occidentaux, qui par médias et chroniqueurs interposés, alimenteront les préjugés et la stigmatisation des populations musulmanes.

Repli de la communauté musulmane du Québec ou des communautés migrantes partout ailleurs, qui par ostracisme, mauvaise intégration et stigmatisation pourraient elles aussi se refermer ou pire, s’ouvrir à un Islam mondialisé défiguré par l’idéologie islamiste…

Et les médias qui alimentent ce culte du martyr en publiant les noms et photos de ces terroristes! Quel pathos!

J’ai bien aimé la réaction de JF Nadeau, directeur de l’information pour Le Devoir, concernant l’attaque contre Charlie hebdo. À RDI, encore sous le choc de l’assassinat de son ami Charb, M. Nadeau critiquait «ces pleureuses autorisées» qui disent défendre la liberté d’expression a posteriori, alors qu’ils sont les premiers à favoriser l’autocensure ou à promouvoir des politiques liberticides! Il pensait à ces journalistes qui brandissent des Je suis Charlie alors que leur travail sert de grandes corporations ou le pouvoir de manière complaisante. Il associait également ce terme de pleureuse autorisée aux différentes compressions exercées par le gouvernement Harper contre Radio-Canada, ce qui à terme est une attaque frontale à la liberté de la presse.

L’expression de «pleureuse autorisée» s’appliquerait donc à Stephen Harper, puisqu’en plus de détruire Radio-Canada, il est sans doute déjà en train d’écrire de nouvelles lois pour augmenter le pouvoir de surveillance et de contraintes des «forces de l’ordre» devant la menace terroriste…

Rire de tout et critiquer tout. Il n’y a pas de démocratie sans humour disait Mira Falardeau l’autre jour dans Le Devoir. Ce même journal  publiait d’ailleurs ces jours-ci un extrait d’une critique éclairée de Charb à l’égard de tous ceux qui disent agir au nom de Dieu:

«Mais non, le crétin habité par l’idée de Dieu n’est pas sûr que ce soit l’idée de Dieu qui l’habite. Il n’est pas sûr que Dieu, s’il existe, est aussi puissant que ça. Alors, dans le doute, il se propose de faire le boulot. Quelqu’un qui fait le boulot de Dieu n’est ni plus ni moins que quelqu’un qui se prend pour Dieu. Y a-t-il pire blasphème pour un croyant que de se prendre pour Dieu ?»

S’il faut s’abstenir de critiquer autrui ou de rire des autres, on peut se demander quelle liberté ceux qui brandissent une pancarte Je suis Charlie défendent vraiment. Vive la liberté lorsqu’elle est vidée de son sens! N’est-ce pas Stephen?!

Mais comme JF Nadeau, je ne riais pas toujours en regardant certaines caricatures de Mahomet publiées par Charlie hebdo. En fait, c’est peut-être le martèlement du même thème qui me dérangeait chez Charlie. Je sentais quelquefois l’intérêt marchand, un vieux fond de commerce islamophobe pouvait se rattacher à ces publications. Mais comme Robert Badinter, ce qui me fait le plus peur derrière de tels événements, c’est le repli multiple que j’évoquais en intro de ce billet. Repli des médias. Repli des nations devant ses citoyens de confession musulmane. Repli des musulmans vivants dans ce qu’on appelle encore «les démocraties occidentales». Badinter nous invitait à ne pas tomber dans le piège tendu par les islamistes:

«Ceux qui crient « allahou akbar » au moment de tuer d’autres hommes, ceux-là trahissent par fanatisme l’idéal religieux dont ils se réclament. Ils espèrent aussi que la colère et l’indignation qui emportent la nation trouvera chez certains son expression dans un rejet et une hostilité à l’égard de tous les musulmans de France. Ainsi se creuserait le fossé qu’ils rêvent d’ouvrir entre les musulmans et les autres citoyens

Que ressort-il de ces pensées collées?

Rien, sans doute. Sinon que les «pleureuses autorisées» de Charlie hebdo devraient se garder une petite gêne lorsqu’ils disent défendre la liberté.