Je pars pour le Nicaragua bientôt. Tout l’été. Si possible (pas sûr), je proposerai de courts billets de là-bas. Sinon, je ferai un bilan au retour. Au programme, j’encadre un stage d’initiation à la coopération internationale (presque 1 mois); puis, toujours en famille, je sillonnerai le pays pour trois semaines: randos, surf, voyage au cœur de ce pays aujourd’hui gouverné par Daniel Ortega (oui oui), cet ex-sandiniste qui avait tant mobilisé l’administration Reagan (et le Vatican de Jean-Paul II) qui luttaient respectivement contre le socialisme partout en Amérique latine et contre la théologie de la libération, qui pouvait, de par sa préférence pour les pauvres, légitimer ces dites révolutions, et démocratiquement en plus!
Car il y a plein d’ironie à retourner dans ce Nicaragua autrefois diabolisé par la droite reaganienne et le Vatican, alors qu’en 2015, Daniel Ortega est un président tout-à-fait en phase avec le libéralisme commun d’Amérique du Nord, c’est-à-dire qu’il plie dorénavant les genoux devant les grands projets qui détruisent les milieux naturels sous prétexte de créer des emplois. Ortega planifie en effet construire un immense canal plus gros que celui de Panama, qui traverserait le pays, menaçant ainsi des milieux naturels uniques (dont la principale réserve d’eau douce du pays) et ce au mépris d’un véritable débat, d’une évaluation environnementale qui tiendrait également compte de l’acceptabilité sociale du projet.
(Chez nous, avec le pétrole, est-ce vraiment mieux?, l’acceptabilité sociale, c’est une séance d’information publique préparée par des firmes de communications au service de l’entreprise porteuse du projet avec la complicité du gouvernement. Au mieux, ce sera des consultations tronquées, sans possibilités de freiner le projet poussé de tout son poids par nos élites).
La zone où je serai hébergé – 1h30 au nord d’Esteli – dans les prochaines semaines fut à l’époque au cœur de la guerre civile. Le Front sandiniste y avait établit des comités tout en ayant une fonction sociale d’éducation, de formation et d’organisation qui contribuaient véritablement à améliorer le sort des populations rurales qui subissaient la Dictature de Somoza. Les sandinistes deviendront des diables à abattre aux yeux de l’Amérique de Reagan. Celui-ci soutiendra les «Contras», des milices nicaraguayennes de droite pour empêcher la révolution sandiniste de réussir. Et malgré les objections du Congrès des USA, Reagan mentira, détournera des fonds et fomentera l’un des plus importants complot-scandale du XXe siècle – l’Irangate, pour briser le Front sandiniste.
Je ne veux pourtant pas faire de Daniel Ortega ou des sandinistes des pauvres victimes de l’impérialisme américain. La réalité est plus complexe. Il y avait au cœur du mouvement sandiniste (et c’est aussi je crois ce qu’il reste en 2015 du parti sandiniste), une graine d’autoritarisme. Sans doute parce que le mouvement carburait à l’idéologie marxiste et que celle-ci a un germe autoritaire, mais aussi parce que la personnalité d’Ortega relève plus de la figure imbue d’elle même que du révolutionnaire pur et désintéressé.
Son parcours des dernières années devrait suffire pour nous convaincre de ce trait de caractère.
J’ai donc hâte de discuter avec la population locale, très politisée, du Nicaragua. Car aujourd’hui, les Sandinistes de Daniel Ortega sont au pouvoir, avec sans doute le regard hautain mais tout de même satisfait des USA… Et alors que sous Jean-Paul II, le Vatican cherchait à démolir la théologie de la libération véhiculée par le bas-clergé catholique latino-américain de la décennie 1970-80; aujourd’hui, le pape François, lui-même latino ayant gravi les échelons de l’Église dans ce contexte très tendu, et associé à un épisode douteux de répression de prêtres de gauche argentins, semble reprendre à son compte ce discours de gauche affirmant sa préférence pour les pauvres en y intégrant une préoccupation écologique…
C’est comme si entre 1979 et 2015, le prisme s’était totalement inversé!
bonnes vacances