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Trudeau et la question du Québec

Mon billet précédent a laissé croire à certains que j’étais devenu trudeauiste ou que j’avais moi aussi succombé à une forme ou une autre de trudeaumanie… Mais non, je demeure hostile à la vision unitaire et monochrome de la nation canadienne proposée par Pierre Elliott Trudeau et défendue sans grande nuance par fiston…

Mon optimisme apparent à l’égard de Justin Trudeau se présentait plus comme un cri d’espoir lancé pour apaiser une région qui en a tant besoin – la région de la Palestine historique – que comme une croyance réelle qu’il puisse même envisager les virages nécessaires qu’il nous faudrait opérer… Je dirais malheureusement que j’anticipe le même changement de ton sans grandes conséquences sur notre mode de vie pétrolier dans le domaine de la lutte aux changements climatiques…

Je choisis tout de même de garder mon optimisme des premières heures.

Mais revenons-en à Trudeau et la question du Québec. C’était le 20ième anniversaire du référendum de 1995 récemment.

Une autre occasion manquée par les Québécois pour rompre avec une dynamique vraiment nocive: celle d’un Québec considéré comme une minorité culturelle parmi d’autres au sein du multiculturalisme canadien. Celle d’un Québec considéré comme une province où accidentellement, la majorité des francophones habite… Comme s’il n’existait pas une nation québécoise, avec sa propre culture, sa propre histoire. Comme si le Québec n’était pas une culture d’accueil et d’intégration pour les immigrants qui désirent s’y établir, mais une simple province canadienne, la seule réellement bilingue d’ailleurs…

La question du Québec n’est pas réglée. Au contraire, le Québec se folklorise, avec une ministre du Patrimoine qui dit défendre la «langue francophone». Le Canada est plus que jamais une mosaïque dans laquelle les Canadiens-français sont une ethnie plutôt que la majorité nationale d’une nation qui comprend une minorité nationale anglophone ainsi que les premières nations. Les gens issus de l’immigration au Québec devraient pouvoir recevoir le message clair que la langue publique commune est le français. Que la langue normale de travail est le français, sans exclure les autres langues bien sûr. Mais le Canada qui se construit, c’est celui qui nie la dimension intégratrice de la culture québécoise pour faire de celle-ci une composante parmi d’autres du multiculturalisme.

Autre exemple de cet effacement de l’importance du Québec: M. Trudeau n’a pas jugé bon nommer un «lieutenant du Québec»… Cette pratique qui démontrait le caractère unique de la situation du Québec au sein du Canada existait pourtant bien avant 1867. Elle avait été maintenue depuis. La règle de la double majorité, les alliances du type Baldwin-La Fontaine ou Macdonald-Cartier, la présence d’un Lieutenant québécois au sein du gouvernement, toutes ces pratiques démontraient que le Québec n’était pas une province comme les autres…

Cette banalisation du Québec, son rapetissement continuel dans le Canada, complaisamment favorisé par le gouvernement de Philippe Couillard, il me semble qu’il nous faut le stopper. Pour que le Québec demeure une société forte capable d’intégrer les nouveaux arrivants à sa culture, il faut commencer à construire une alliance nationale, transpartisane, qui (r)établirait le cahier de demandes considérées comme essentielles pour renforcer la démocratie proprement québécoise que l’on cherche à établir ici depuis la révolution tranquille.

La CAQ, avec son virage nationaliste opéré cette fin de semaine, a commencé à établir sa liste. Et elle n’est pas banale: pleins pouvoirs en matière d’immigration et de langue; participation à la nomination des trois juges civilistes de la Cour Suprême, etc.  Donc, la CAQ, Québec solidaire, Option nationale, le PQ, tous sont partisans d’une plus grande affirmation nationale du Québec. (Le simple fait de réutiliser cette expression, développée par Pierre-Marc Johnson, successeur malheureux de René Lévesque en 1985, témoigne de notre rapport de force actuel dans le Canada…).

Une convergence nationale est donc possible. Pourquoi refuser de faire gagner le Québec à court terme? Parce que cela favoriserait le fédéralisme? Et si c’était le cas? Pourquoi pas? La souveraineté du Québec n’est pas le destin de la nation québécoise! Je ne crois pas au destin d’un peuple… Si le Québec pouvait vraiment être reconnu comme une nation, c’est-à-dire une société capable d’accueillir et d’intégrer ses immigrants, dans sa langue, selon ses propres règles, tout en faisant partie du Canada, je serais sans doute fédéraliste (au sens réel du terme, celui dans lequel chaque ordre de gouvernement est souverain dans son domaine).

De toute façon, si le Canada échoue à se réformer dans le sens de certaines revendications capitales du Québec, la cause de la souveraineté reprendra de la vigueur. Une convergence nationale donc, pas nécessairement pour la souveraineté, plutôt pour récupérer les pouvoirs jugés nécessaires au plein épanouissement de la nation québécoise. C’est possible et c’est sans doute la seule manière de renverser les libéraux de Philippe Couillard en 2018.

Et sur la scène fédérale, le terrain à une plus grande reconnaissance du Québec n’est peut-être pas si hostile: on peut très bien envisager pour le Québec un droit de retrait avec pleine compensation d’un programme créé par le fédéral… Cette demande figure aux priorités de tous les gouvernements du Québec depuis 1960. Le NPD y est favorable. Le PLC de Trudeau n’y est plus aussi réfractaire. L’ouverture est là. Il faut s’y engouffrer.

L’autre impasse sur laquelle les partisans de la nation québécoise se butent, c’est qu’en faisant revenir l’axe souveraineté-fédéralisme dans le débat politique, on ne règle en rien la question des inégalités sociales croissantes. Et j’ai bien l’impression que dans ce domaine, l’union des forces soit bien difficile à imaginer.

Le Québec doit sortir de sa double impasse: 1- son rapetissement constant de nation à communauté ethnique et 2- le démantèlement de son modèle particulier de développement économique et social, qui engendre l’accroissement des inégalités.

On s’en r’parle.