J’ai lu durant mes vacances d’hiver le dernier récit du journaliste indépendant Frédérick Lavoie, récit qui raconte son passage en Ukraine lors de l’embrasement et l’éclatement du pays dans les semaines suivants la révolution du Maïdan (2014-15 ) qui a mené à la fuite du Président Ianoukovitch… Le livre s’intitule Ukraine à fragmentation.
Frédérick Lavoie brise le récit simpliste que les médias de part et d’autre de la ligne de front adoptent: celui décrit d’un côté par un Occident pro-Ukraine et celui des «séparatistes russophones soutenus par les visées impériales de la nouvelle Russie de Poutine». La démarche du journaliste est ici humaniste: il explique à un jeune enfant de 4 ans et demi les origines, les causes et les conséquences du conflit… Il interroge les gens qu’il rencontre avec humanité, en refusant toujours de considérer les victimes de la guerre comme une conséquence inévitable d’une juste cause.
Frédérick Lavoie condamne aussi les «vautours», ces types de journalistes qui semblent prendre un plaisir morbide à montrer et raconter des histoires d’enfants morts ou de victimes innocentes dans des guerres qui auraient pu être évitées. Il condamne aussi du coup tous ces politiciens qui signeront une paix, seront présentés comme héros de leur pays alors qu’ils sont en grande partie responsables de nombreuses morts civiles et de la non résolution des différents malentendus à l’origine de cette crise.
C’est un très beau livre, qui a en plus le mérite de brosser très clairement les différentes ramifications du conflit.
Ce n’est pas la première fois que Frédérick Lavoie raconte si bien ces espaces sous influence russe. Il a publié en 2012 : Allers simples: Aventures journalistiques en Post-Soviétie.
Là aussi, la démarche est journalistique. Frédérick Lavoie nous informe et synthétise les grands événements historiques ayant mené à la situation actuelle dans ces ex-républiques de l’URSS. Mais là aussi, il le fait avec une grande humanité et une écoute qui me semble rare en cette période où l’information est véhiculée par des touristes du journalisme, que l’on parachute sur les lieux d’un événement sans leur offrir la possibilité d’entrer en contact avec les habitants, sans prendre du recul, sans documenter les diverses parties en affrontement dans un conflit. Frédérick Lavoie comble ces diverses lacunes du journalisme, avec la claire intention de faire ressortir l’humanité profonde de chacun des camps en opposition.
Chaque fois, Frédérick Lavoie nous informe. Chaque fois, il le fait en nous faisant entrer en contact avec les gens de l’endroit, à leur hauteur, à hauteur d’homme, comme on dit.