Ce billet part d’une «discussion» amorcée sur facebook à propos des récents essais d’Akos Verboczy et de Carl Bergeron. J’ai déjà dit ici combien le livre d’Akos est important dans le Grand Débat qui nous tiraille en tant que Québécois. J’avais beaucoup aimé le premier essai de Carl Bergeron, autour de l’œuvre de Denys Arcand. J’aimerais maintenant parler du genre de journal proposé par Carl Bergeron: Voir le monde avec un chapeau.
Drôle d’objet littéraire en effet que ce livre. Ni essai formel, ni strictement un journal personnel, il faut se lancer dans cette lecture pour le plaisir de la lecture. Et si on y va comme ça, on aimera. Au pire, on aimera détester le ton souvent hautain, souvent prétentieux, quelquefois pédant de l’auteur, mais toujours intelligent quand même. Mais la pédanterie n’est pas que dans le ton… Le gars se réclame du dandysme et il affronte ses parents, disons, avec affront.
Il est vrai, comme le proposait Benoit Dubreuil dans la discussion facebook à laquelle je me suis greffé, que l’on peut comparer le parcours de Carl Bergeron avec celui de Fernand Dumont (l’auteur utilise lui même la référence): Bergeron est passé de l’inculture des banlieues modernes à l’accès à la grande culture par ce qu’il appelle l’Épreuve. Dumont, dans son Récit d’une émigration, racontait son difficile passage, vécu comme un arrachement, d’une culture ouvrière illettrée vers la culture intellectuelle; de la culture première à la seconde, comme une migration… D’où le parallèle avec le livre d’Akos.
Deux récits migratoires donc. Mais le livre de Bergeron ne m’a pas procuré le même plaisir. Il a du talent, c’est sûr, mais ce livre a des défauts – le caractère prétentieux évoqué plus tôt- qui le rendent moins fort que celui d’Akos Verboczy. C’est paradoxal, car le ton léger de Verboczy nous dévoile une pensée profonde alors que le ton plus «intellectuel» du journal de Bergeron nous laisse quelquefois en marge d’une véritable réflexion politique.
Ceci dit, ce sont deux livres qui méritent d’être lus, deux auteurs de talent. Carl Bergeron a le talent du chroniqueur de la vie quotidienne qui met de l’intelligence dans certains travers de nos habitudes.
lire aussi la critique de Christian Rioux dans Le Devoir