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USA: le pays qui fait (toujours) peur

J’ai mentionné dans mon billet précédent que les USA sont encore capables de nous faire rêver à de la grande politique, avec la candidature de Bernie Sanders. J’en viens maintenant à regarder le côté sombre de la force: Donald Trump et ce que son ascension représente pour la société états-unienne.

Je suis conscient, comme la plupart des humoristes américains qu’il est impossible de ne pas parler de Trump. L’homme a compris combien les médias contemporains sont boulimiques de «nouvelles», qu’ils vomissent pour mieux ingurgiter d’autres primeurs, pour que la bête soit nourrie, souvent au mépris de la vérité ou de saines conditions de délibération. Donald Trump est le divertissement parfait de ce que les médias les plus vils ont fait de la démocratie aux USA. Et si vous croyez qu’il est complètement étranger à notre culture, je vous dirais qu’il correspond à l’idéal d’un show télé produit et animé par Éric Salvail: il est divertissant! Le comic Steven Colbert disait que Donald Trump est comme les biscuits Oreo: on ne peut s’empêcher d’en prendre encore! «Let’s have another one!»

Mais au-delà du succès médiatique de la campagne de Donald Trump; au-delà des facteurs conjoncturels qui font qu’en 2016, sa candidature puisse percer; il y a des caractéristiques fondamentales de la société des USA qui laissent croire que Trump n’est que le symptôme d’un autoritarisme grandissant au sein de la société états-unienne.

La démographie du pays est en pleine transformation. On projette que d’ici quelques décennies, les blancs seront minoritaires aux USA. La plus grande diversité, la reconnaissance des droits des gais, une plus grande égalité entre les hommes et les femmes, l’impression que ces changements sociaux portent atteinte aux acquis d’une composante significative de l’électorat blanc qui a d’ailleurs vu sa condition économique se détériorer dans les dernières années, tous ces éléments sont des facteurs qui renforcent la demande pour un leader fort qui promet d’utiliser tous les leviers de l’État pour repousser ces menaces réelles ou ressenties.

N’importe quel observateur de la campagne de Trump remarque que son discours fait appel à la peur de l’Autre. Les immigrants mexicains qui sont des violeurs, les musulmans à qui l’on doit interdire l’entrée au pays, les «bad guys» tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières que le Donald se chargerait personnellement de corriger, «’cause he’s a fixer»…

Je l’ai dit, Bernie Sanders carbure à la même colère qui crie que le système est bloqué et au même discrédit envers la classe politique, mais Sanders ne construit pas son programme sur la peur. Tandis que Trump adopte un  langage simple, parsemé de «good, great, bad, really bad, stupid»… Sa rhétorique est souvent belliqueuse, il est même allé jusqu’à inciter à la violence contre les protestataires qui s’immiscent dans ses rallyes en promettant de payer leurs poursuites judiciaires éventuelles! Par ailleurs, ceux qui protestent dans les rassemblements de Trump finissent par le favoriser, car comme tant d’égocentriques finis (pensez chez nous à Adil Charkaoui), Trump aime se poser en victime ostracisée… C’est comme ça qu’il avance, en faisant croire que sa vision manichéenne du monde puisse apparaître comme la seule qu’il reste à essayer dans ce monde bloqué!

L’atmosphère délétère de l’ascension de Trump, le langage ordurier qui l’accompagne et la violence qui émerge dans ses rassemblements fait tristement penser au Berlin des années 1920… Lorsque le paysage politique était en éclatement et que la République de Weimar vacillait parce le système politique était bloqué, impuissant à répondre aux crises multiples, réelles et ressenties… On a beaucoup comparé Trump à un leader de type fasciste. Mais on a trop peu insisté sur les conditions qui permettent l’émergence d’un tel leader.

Il semble que le parti républicain des USA soit aujourd’hui en voie d’être dominé par une frange autoritaire qui a peur des changements sociaux qui s’opèrent dans leur pays depuis la décennie 1960 et qui ressent que sa position favorable est de plus en plus fragilisée. Le discours de la peur, du déclin de la superpuissance des USA et de la faiblesse d’Obama martelé par Fox news depuis 2009 a fait son œuvre. Et ceux qui ont peur ont trouvé leur homme fort pour 2016. Mais cette peur multiforme ne disparaîtra pas de sitôt.

C’est le bipartisme des USA qui éclate sous nos yeux. Une frange autoritaire s’est introduite dans le parti républicain et elle modifiera la dynamique politique du pays. Il sera peut-être plus difficile à court terme pour le GOP de gagner la présidence, mais les élus portés par cette Amérique blanche en colère seront suffisamment nombreux pour bloquer tous compromis au Congrès ou pour faire basculer certains États dans des politiques racistes ou liberticides…

Rajoutez à cela l’incapacité qu’ont les pouvoirs publics aux USA de légiférer sur la prolifération des armes à feux et vous avez là de nouveaux ingrédients qui alimentent la peur. Donc la montée de l’autoritarisme.

Si les USA font encore rêver, certaines facettes de ce pays relèvent aussi du cauchemar! J’ai peur.