Ma gueule de bois politique n’est pas terminée. L’élection de l’aile de poulet piquante à la présidence des USA nous fera nous ennuyer dangereusement de Barack Obama. D’abord parce que le Président Obama parlait avec intelligence, respect, ouverture. Il était pédagogue, pas démagogue. Obama prenait le temps de répondre aux questions des journalistes, il expliquait sa démarche, les embûches qu’il rencontrait, cherchait à négocier avec des membres du Congrès pourtant intraitables… Quelle tristesse que cette passation des pouvoirs d’un homme fair play, réfléchi, honnête, qui ne prend pas ses interlocuteurs pour des imbéciles ou comme des adversaires à abattre, vers un homme qui incarne la superficialité extrême, la mauvaise foi et l’intimidation constante. Le Président élu risque d’entretenir un rapport conflictuel, voire une politique de peur et d’intimidation envers les médias. Au mieux, il ne répondra pas aux questions et utilisera sa tactique habituelle du détournement, du «divertissement» dans tous les sens du terme pour répondre aux questions.
Imaginez une seconde quel serait l’état de la situation actuellement aux USA si les résultats électoraux avaient été exactement l’inverse: plus de votes pour Trump, mais la victoire et le collège électoral qui vont à Clinton? Trump n’aurait pas reconnu la victoire de son adversaire. Les protestations dans les rues seraient sans doute violentes… Et là, nous en sommes à un Président Obama qui calme le jeu et à une Hillary Clinton qui donne la chance au coureur…
Donc, il faut reprendre ses esprits. Envisager le possible. Et le pire. Faire en sorte que le possible se concrétise. Travailler à éviter le pire.
Le possible d’abord: ceux et celles qui sont dans les rues actuellement à crier «not my president» et ceux et celles qui sont terrorisés par l’élection du Président Trump doivent commencer à investir le processus politique: se mobiliser dans leurs communautés, tisser des liens avec les autres groupes qui ont peur de Trump. La bonne nouvelle est que Donald Trump n’est pas un idéologue. Il n’a d’idéologie que sa gloire personnelle. Si la population américaine se mobilise sérieusement, dans deux ans, The Donald pourrait être confronté à un Congrès hostile, comme celui qui a empêché Barack Obama de gouverner depuis 2010… Sans l’appui du Congrès, un Président est, disons, enserré dans ses pouvoirs. Ses nominations à la Cour Suprême pourraient alors être bloquées. Ses dépenses ou compressions intempestives aussi. Sa volonté de démembrer l’héritage Obama compromise. Je n’ose même pas rêver que pour rassembler et calmer le jeu, le président élu fasse appel à Bernie Sanders pour renégocier les accords de libre-échange et favoriser l’emploi local, ce qui compose leurs assises électorales communes… Le possible, c’est éviter le pire.
L’autre possible? Le pire. Un Président Trump qui bénéficierait à l’intérieur de son mandat de (3 à 4 ?) départs à la retraite de juges à la Cour Suprême, dans le contexte d’un Sénat majoritairement républicain, pourrait faire basculer la Cour contre le droit à l’avortement et contre un contrôle minimal des armes à feu pour plusieurs décennies. La même Cour pourrait contribuer à rendre légal la volonté de «bloquer le système» en faveur du parti républicain. Car la frange autoritaire du Grand old party a une occasion en or de commencer à adopter, dans les États où des Gouverneurs républicains nostalgiques de l’Amérique blanche sont au pouvoir, des lois discriminatoires envers les minorités racisées. Nous touchons au possible retour de la démocratie américaine vers un État ségrégationniste. Et le pire est aussi ailleurs… La politique étrangère des USA ainsi que la procédure de déclenchement de l’arme nucléaire sont largement sous le contrôle de la présidence… Pour éviter le pire, Barack Obama devrait adopter d’ici le 20 janvier prochain à midi, un «executive order» proclamant un plus grand nombre de pare-feu (d’autorisations à obtenir) avant de pouvoir utiliser les codes nucléaires de la puissance états-unienne…
Les clowns inquiétants sont à la mode. Il ne faudrait pas qu’ils nous conduisent au pire, même si le possible avec eux demeure peu probable.