Les militants de QS ont décidé de rejeter toute ouverture à une forme de convergence avec le PQ pour les prochaines élections. Je comprends très bien le pourquoi du résultat de ce vote. Au-delà du fait que la majorité des membres votants étaient sans doute de Montréal alors que le défi pour QS est d’en sortir, pour tout sympathisant de QS (ce que je suis), il est normal d’entretenir au minimum de petites acrimonies envers le PQ. Ces petites acrimonies vont du déficit zéro aux coupures dans l’aide sociale, à l’exploitation du pétrole, aux positions louvoyantes face aux oléoducs; à l’opportunisme malaisant du printemps québécois, elles se prolongent jusqu’à l’à-plat-ventrisme devant PKP, et frappent fort dans le dossier de la «Charte des valeurs»! Trop souvent, pour un sympathisant ou un membre de QS, le PQ a «erré à droite». (Rappelons que le PQ a aussi mécontenté la droite à plusieurs reprises, le dernier épisode spectaculaire en ce domaine remontant à l’affaire Michaud).
Toujours est-il que la balle est maintenant dans le camp du PQ de JF Lisée. M. Lisée n’a pas besoin de l’autorisation des membres de QS pour «construire» lui-même la convergence. Celui-ci devrait selon moi choisir d’ici aux prochaines élections un certain nombre de circonscriptions pour lesquelles il ferait de lui un «Pierre Bourgault»: c’est-à-dire qu’il renoncerait à présenter des candidats du PQ dans plusieurs circonscriptions en indiquant à ses électeurs de voter QS dans celles-ci. Cette magnanimité ferait de lui la figure recherchée dans le paysage politique québécois actuel, le leader capable de ratisser large, d’ouverture au-delà des fractures partisanes. Les gens sont tannés de la partisanerie étroite. Ils recherchent des résultats tangibles. Lisée, s’il agit intelligemment, peut combler ce vide dans le paysage politique actuel, en recomposition (en décomposition?).
La manoeuvre serait tout de suite déstabilisante pour QS mais aussi pour la CAQ, qui cherche à se positionner comme l’alternative aux libéraux. En faisant ce recul stratégique avec QS et en y ajoutant des mesures concrètes d’un prochain gouvernement Lisée: Réforme du mode de scrutin; plan de sortie du pétrole et des énergies fossiles; investissement massif en éducation (désinvestissement des écoles privées?); impôts progressifs; avec ça comme base, il se donne une posture intéressante. Et en plus, il développe un discours identitaire – pas une «Charte des valeurs» défendue par un populiste, mais disons, Bouchard-Taylor + une défense plus affirmée de la culture et de la langue. S’il adopte grosso-modo ce programme, il récupère le vote nationaliste de la CAQ, additionne les sièges de QS à son groupe parlementaire et favorise une division du vote PLQ-CAQ.
On appelle ça de la profondeur stratégique: exercer un pas de recul pour augmenter la projection de sa force. Dit autrement: diminuer le ressentiment contre soi et diviser nos adversaires. Prendre du recul, c’est prendre de l’élan!
La « manoeuvre déstabilisante » proposée par M. Chénier, on appelle ça le « Big Tent Party ». On prétend rassembler des partisans de tous horizons, voire avec des points de vue contradictoires, en faisant miroiter des promesses séduisantes et ciblées. Le Big Tent Party est une avenue pour profiter des faiblesses du mode de scrutin actuel (tant au Québec qu’au Canada) et remporter une majorité de sièges avec moins de 40% des voix. Cela contrevient aux fondements même d’une représentation proportionnelle et M. Chénier a bien raison de l’affubler de l’étiquette de « manoeuvre ». Car une fois élu avec cette « manoeuvre déstabilisante », est-ce qu’un parti va réellement se battre pour un scrutin proportionnel?
QS s’est privé du principal levier sur la réforme du mode de scrutin en refusant de «converger» d’une manière ou d’une autre…