Je me suis inquiété de l’article publié en une du journal Le Devoir dernièrement qui soulevait l’assertion selon laquelle certains profs de Maisonneuve disaient s’autocensurer sur leur matière mise au programme de peur de heurter certaines sensibilités.
Cette «hypersensibilité» de la population étudiante serait le reflet de la culture du safe space, provenant des campus américains et des universités anglo-saxonnes… Il faudrait dorénavant que les professeurs justifient davantage leurs choix, puisque ceux-ci sont de plus en plus questionnés pour des raisons idéologiques, religieuses, personnelles, etc. La politique du multiculturalisme canadian qui favorise les demandes d’accommodements engendre aussi une part de cette culture des «croyances sincères» pour lesquelles nous pouvons revendiquer un respect infrangible. Nous assistons, dirait Hannah Arendt, à une manifestation supplémentaire du déclin général de l’autorité : dans notre cas, le prof est de moins en moins perçu par l’étudiant comme ayant un savoir à transmettre. L’autorité (chez Hannah Arendt, l’autorité est consentie, pas imposée) du prof est de moins en moins consentie de même que de moins en moins accordée. Comme l’autorité est une relation, il faut la bâtir. Et les nouvelles sensibilités d’une partie de notre population étudiante viennent complexifier cette dynamique.
Mais au-delà des considérations religieuses ou idéologiques qui interviennent de plus en plus dans la relation prof-étudiant, il importe dans ce cas-ci de nous calmer et de documenter la situation. Je renonce donc à aborder le sujet spécifique de l’auto- censure à Maisonneuve, car il s’agit encore d’une impression non-documentée de manière sérieuse… Les professeurs ont très peu participé à la démarche entourant le Vivre-ensemble et le rapport qui fait mention de ce sujet est peu loquace sur l’ampleur du phénomène. Il faudrait donc documenter à l’interne la chose avant de commenter. Je parlerai donc de ma perspective et je propose, contrairement à cet excellent texte d’un prof de Montmorency, de provoquer quelque peu.
Enseigner n’est pas flatter
Personnellement, je considère qu’une partie de ma tâche est de sortir les étudiants de leurs inclinations naturelles. Ceci implique, pour mes étudiants de sciences humaines, que je confronte les partisans des théories du complot; que je démontre que la société israélienne (ou états-unienne) n’est pas un bloc homogène et que son camp pour la paix n’a pas d’équivalent dans le monde arabe; que je présente la thèse de l’islam de la «sainte ignorance» d’Olivier Roy pour démontrer l’appauvrissement culturel qui sévit en Orient arabo-musulman depuis les années 1970… Ceci implique aussi que je présente le conservatisme comme une idéologie articulée et nécessaire à une meilleure compréhension du monde, etc. Il ne faut pas capituler, mais avoir le courage de confronter nos étudiants dans certains de leurs a priori…
Dans cette perspective, s’autocensurer relève-t-il d’une faiblesse intellectuelle ou d’une incapacité à défendre les lectures que nous programmons comme profs? L’éducation n’existe pas pour conforter nos sentiments et nos convictions. Ceux qui s’autocensurent font-ils de la victimisation ou manquent-ils d’assurance pour défendre leurs choix ? Je dis cela pour provoquer, mais je suis sérieux : il vaut la peine de prendre le temps de justifier nos choix en classe et de tenir à ceux-ci s’ils sont valables, devant les sensibilités multiples qui revendiquent le droit au safe space. La société n’est pas un «espace à l’abri» de tout tourment!
la transparence d’un prof qui souligne la qualité du texte du prof de Montmorency .
mes profs de philo des années 50 , des Ste-Croix et des Jésuites – assisteraient aujourd’hui aux cours de JFC et prendraient des notes
Début des années 60, c’était la Révolution Tranquille! Au collège, mon prof titulaire en philo était exemplaire. En classe mais aussi hors de celle-ci, quand j’allais discuter avec lui de musique. Il était un inconditionnel de la musique classique. Mais très ouvert au new jazz dont je lui causais, dans son bureau. À sa demande ,un jour, je lui apportai des 33 tours vinyls, dont le « A Love Supreme » de Coltrane. Il m’en remercia, visiblement séduit par cette musique inconnue chez lui. Je ne posai pas plus loin mes recommandations, notamment du Elvis première mouture, genre « Santa Claus is back in Town », des Sun Studios, en 1956, avant Hollywood, par respect pour les limites de son oreille musicale…Mais ce qui me fit garder toujours, et encore aujourd’hui un souvenir inoubliable de ce pédagogue considérable, c’est son talent pour le hockey. J’étais gardien de but pour le club du collège. Et quand nous pratiquions sur la patinoire montée par nous dan la cour, mon titulaire se joignait a nous. En soutane! C’était obligatoire…Quand même, un redoutable patineur. Qui venait me tester. Une fois sur deux, il me déjouait! Sans animosité ni prétention. Je faisais pareil quand je bloquais son lancer, toujours précis. En classe, il agissait de même, avec nous tous. Sa soutane, je ne la voyais plus…
vos commentaires me rappellent les années 40 au collège St-Laurent . Jouions au hockey avec nos profs, des pères de Ste-Croix -qui portaient la soutane et qui – donc- arrêtaient facilement nos lancers qui n’étaient pas encore de la force des slape shots du Boomer Geoffrion