Le Gala de l’ADISQ et la diversité culturelle : Le Gala de l’ADISQ et la diversité culturelle : Face aux faces ouvertes et cachées de l’ADISQ
À l’occasion du prochain gala de l’ADISQ, nous avons demandé à un artiste qui a longtemps caché son visage de partager avec nos lecteurs sa vision de cet événement et de l’association qui le produit. C’est avec plaisir que nous publions aujourd’hui ce texte d’Edgar Bori qui s’interroge sur les multiples visages de l’ADISQ.
L’ADISQ est une association regroupant principalement les producteurs de disques, de vidéos et de spectacles de notre belle province. Les plus gros joueurs de cette Industrie se sont donné comme objectif à travers elle de bâtir, de promouvoir et de rentabiliser les projets commerciaux artistiques d’ici et d’ailleurs. En créant cette association, les promoteurs de divertissement se sont dotés d’un puissant outil capable de placer alternativement sur un podium imaginé par eux, les poulains de leurs écuries respectives. Comme partout ailleurs dans le monde industrialisé, cette stratégie non dissimulée mais non ouvertement exprimée sert essentiellement à augmenter les ventes de disques (cd, vidéo) et de billets de spectacles. Rien de mal en soi, mais disons tout de même que l’ADISQ n’affiche pas toujours avec tambours et trompettes cette facette moteur au nez du grand public. Elle s’occupe massivement d’enrober de lumières ses élus et de les placer sous les feux de la rampe dans de fins emballages solennellement dévoilés juste avant le joyeux temps des fêtes. Un travail de maquignon remarquable qui année après année consolide la consécration des vendeurs populaires d’une facette de notre culture. L’ADISQ n’est pas un comité indépendant d’évaluation des talents de nos artisans. C’est d’abord et avant tout une défenderesse et un promoteur des intérêts de ses plus gros producteurs. Elle protège les revenus de ces derniers dans un monde où il apparaît de plus en plus difficile d’allier diversité culturelle, qualité et profits.
De là mon désarroi à prendre position totalement en faveur ou partiellement en défaveur de cet organisme qui a connu par le passé des heures, disons-le, plus rassembleuses. Depuis plus de dix ans, le nombre des petits artisans producteurs non-membres de l’ADISQ a grandi. Ces artisans indépendants de toutes couleurs ont progressivement imposé leur présence dans le milieu artistique Québécois au point qu’une étrange situation se présente aujourd’hui aux oreilles et aux yeux d’un public consommateur. D’un côté des artistes, propriétés des grosses boîtes à connotation commerciale sont propulsés à l’avant-scène des grands événements lucratifs, alors que des centaines d’autres créateurs d’aussi grand talent ont peine à se démarquer, voire à survivre au cœur de ce qui risquerait d’apparaître aujourd’hui comme un monopole de la diffusion du mérite artistique. Demandons-nous pourquoi la majorité des lauréats nommés et présentés dans les grands galas sont liés aux plus gros producteurs de l’industrie.
Mais n’est-ce pas là la simple réalité de toute activité, qu’elle soit liée au cinéma, au théâtre, à l‘édition ou à la chanson ? Rien n’est simple en ces temps de faces de pets et de têtes à claques.
Je ne jette ni la pierre ni la serviette. Je constate.
Les dirigéants de l’ADISQ ont choisi depuis longtemps d’emprunter, entre autres, le véhicule de la Télévision pour montrer et faire connaître leurs élus de passage. Tantôt de mèche avec les réseaux publics tantôt soutenue par les réseaux privés, l’ADISQ a su au fil des ans propulser une masse importante de propositions divertissantes de tous les échelons de qualité. Bravo pour cet exploit.
Au nord des Amériques, la perfection est hors de portée, semble-t-il. Si cette association a le don de promouvoir étrangement en majorité les poulains rentables de ses écuries major, elle a aussi la capacité de se battre pour protéger certains des droits acquis à coups de temps par l’ensemble des artisans regroupés. Rien n’est aussi simple qu’il y paraît dans le fond. L’influence de cette association peut aussi servir à interpeller les gouvernements, le CRTC et différents joueurs des ligues de droits et libertés en ces jours où les acquis des artisans sont en grand danger d’être bafoués par de nouvelles réglementations fortement suggérées à nos élus Canadiens par nos « Amisrequins ». En ce sens l’ADISQ peut être bénéfique à l’ensemble des artisans. Les jeux entrechoquant politique et lobbying sont en vogue partout et cette association pourrait grandement contribuer, en protégeant les intérêts de ses gros membres, à défendre aussi les acquis des petits marmitons de la chanson. Relations de confiance entre petits puissants, tractations, échange de civilités et retours d’ascenseurs s’y tissent comme partout, et les appuis multipliés pourraient aider le bon sens artistique à triompher même si sont parfois laissés pour compte plusieurs créateurs empruntant les sentiers non abattus. Encore là, rien de neuf. « Si tu veux changer le monde deviens-en le roi, nomme tes élus, tes ministrables et tes privilégiés ». Les membres influents de l’ADISQ ont su développer un outil de promotion et c’est tant mieux. Le Gala de l’ADISQ est donc une vitrine qui, bien mise en scène, a le mérite de conserver l’attention portée à la chanson francophone par un public souvent distrait, envahi par la culture anglophone grandissante. L’appel fait à ces humoristes-animateurs montrent bien comment la culture d’expression française a besoin de renfort en ce monde où l’anglophonie nous transperce jusqu’au fond de nos émissions de télévision, nos films et nos payants commerciaux.Toute fête francophone de la culture large et de ses artisans est une bonne chose.
Un Gala de l’ADISQ a les mêmes effets positifs et négatifs que les American Idol et autres divertissements semblables. S’il y a des corrections à apporter c’est surtout au niveau de la liste des endorés qui est évidemment trop courte par rapport à la qualité de l’ensemble des fondeurs de notre créativité Québécoise. Jasant de fond et d’heure, est-il vraiment nécessaire de mettre en compétition les talents extraordinaires de notre communauté ? Cette parade de médaillés d’or est-elle la plus honnête et lumineuse des avenues pour célébrer le talent de chez-nous ? Assistons-nous comme téléspectateurs à une simple opération visant à augmenter la consommation d’un public qui s’épate devant les feux de la rampe ? Applaudissements commandés par un chauffeur de foules à la télé, agglomérat de visages notoires propulsés avec les années dans l’imaginaire d’un acheteur potentiel d’artsommetficelé ?
Avant d’afficher trop clairement cet angle de ma vision composée, convenons tout de même que ADISQ ou pas ADISQ, le talent réussira toujours à faire surface, même si l’étendue de sa propagation restait encore longtemps maîtrisée par les géants de l’industrie. L’entreprise du disque, de la vidéo et du spectacle n’échappe pas aux contraintes du pluss plusss PLUSSS… et utilise les moyens qu’elle trouve pour soutenir ses plus gros joueurs sans toujours tenir compte de la majorité de ses adhérents.
Pour terminer en soleil, je pense sincèrement qu’il vaut mieux avoir une monture, même boiteuse, que pas de monture du tout. Aux artisans non influents à l’ADISQ de s’organiser comme le Off Avignon, le Off Jazz, le Off Fuck… Que vivent et soient aussi soutenus par l’État et le privé les radios communautaires et étudiantes, les petits lieux de spectacles etc…. avant d’un jour être récupérés par la machine à faire des sous servant les loups, les agneaux et les moutons. Vive l’ADISQ peu importe ses tares. Elle élève et soutient certaines faces populaires de notre créativité Québécoise francophone. Face aux faces ouvertes et cachées de l’ADISQ mon cœur se lance.
Edgar Bori
Auteur-compositeur-interprète, directeur artistique, metteur en scène, réalisateur, fondateur-président de Productions de l’onde, co-fondateur du Cabaret Libre influence, administrateur à la SPACQ, (Société Professionnelle des Auteurs et Compositeurs du Québec), à la Fondation SPACQ, et à Musicaction. Membre de l’ADISQ (Productions de l’onde), de l’Union des Artistes, de la Guilde, de la SOCAN, de la SODRAC et de Artisti
Merci pour la place accordée à la réflexion
Quel beau texte je reconnais là ton écriture et tes pensée
En espérant que ça réveille les gens de l’ADISQ
Merci Paul
WOW tu n’as pas mâché tes mots. Je trouve ça géniale de pouvoir s’exprimer surtout par un auteur de chez-nous.
Je souhaite que l’ADISQ prenne note de tes commentaires afin de nous renseigner nous le public
Salut, Bori
Mes hommages!
Bon commentaire, j’avais oublié pourquoi l’ADISQ ne m’intéressait plus depuis des années mais il est bien de se rappeler que ce n’est pas parce qu’on ne pense plus à nos problèmes qu’ils disparaissent.
Le fait est qu’aujourd’hui, le monde de la musique se partage les miettes qui subsistent d’une industrie disparue. En plus, de plus en plus de créateurs se les partagent ces miettes financières. Les gros producteurs sur-représentés à l’ADISQ comme tu le dis si bien, ne savent plus trop non plus comment rentabiliser leurs investissements. On se retrouve avec des productions frileuses, avec des radios frileuses, des diffuseurs frileux et des consommateurs de musique qui achètent des disques et des spectacles qui ne les font plus rêver. L’ADISQ pour moi, c’est le dernier balbutiement d’une façon de mettre en marché la musique. Nous ne devrions déjà plus chercher à questionner sa légitimité mais plutôt, imaginer la suite. Fredxxx
Bonjour Bori,
Et merci pour ce paysage joliment contrasté. Vu de France, dans le sillage de l’Adisq, je dirai qu’il ne reste plus qu’à imaginer une association indépendante (est-ce possible ?) de l’industrie musicale, pour promouvoir l’ensemble des créations francophones (locales?).
Juste un grain de sable…
Belle journée,
Hélène Perroud